VII
Elle était là, penchée vers lui, son visage à quelques centimètres du sien. Les yeux de Violaine étaient bleus et petits, son nez long et un peu crochu, ses joues épaisses et son menton proéminent, ses lèvres minces et serrées. Armand la trouvait belle, mais il savait bien qu'elle ne l'était pas aux yeux des autres. Armand aimait Violaine parce qu'elle vivait simplement, sans histoire et sans envie de grandeur. Il l'aimait aussi pour la douceur incommensurable qui émanait d'elle, de ses gestes attentionnés. Il était fasciné par la grâce que dégageait ce corps quelconque. Violaine avait dû vivre dans l'ombre longtemps avant de se faire remarquer par quelqu'un. Armand lui trouvait un charme attachant qui le satisfaisait amplement.
Sa parole réussit à former ces quelques mots: où étais-tu chérie? Sa femme cessa de le nourrir et murmura très calmement à Armand qu'il devait se reposer maintenant. Il la vit se lever, mais sa tête ne pouvait se tourner pour suivre des yeux cette silhouette familière. Sa tête comme son corps semblaient contraints. De toute façon, Armand sombra rapidement dans un sommeil sans rêve.
À son réveil, les mêmes murs lisses et hauts, les mêmes échos lointains, mais cette fois, un homme assis à ses côtés, pas sa Violaine.
- Bonjour Armand, comment allez-vous aujourd'hui?
- ...
- Vous êtes sous observation encore pour quelques temps ici. Lorsque nous aurons reçu vos résultats sanguins, nous ajusterons votre médication en conséquence.
- Où suis-je?
- Dans une clinique spécialisée Armand. Ici, nous nous occuperons de vous, n'ayez crainte.
- Mais tout va bien. Pourquoi suis-je ici et quel genre de médication croyez-vous devoir me donner? Je ne souffre pas.
- Bien sûr que non Armand. Votre corps va bien. Seulement, votre femme croit que vous ayez peut-être souffert d'un épisode de confusion psychotique. Avant de diagnostiquer votre état, nous devons consulter vos bilans sanguins. Votre femme est ici, près de moi.
Et Armand vit cette femme aux cheveux noirs, belle et fière, apparaître aux côtés de l'homme.
- Elle n'est pas ma femme.
- Armand, c'est moi, Violaine. Nous sommes mariés depuis 17 ans. Comment peux-tu dire que je ne suis pas ta femme?
- Tu n'es pas ma femme. Je ne te connais pas.
L'homme fit signe à la femme de les laisser seuls. Il avait des cheveux poivre et sel, coupé ras, et des lunettes rondes aux montures argentées. Sa chemise était boutonnée jusqu'au collet. Sa voix était basse, malgré un débit saccadé.
- Armand, Violaine nous a raconté que vous vous êtes absenté pendant quelques heures avant de revenir à la maison dans un état étrange. Elle dit que vous l'aviez contactée par téléphone juste avant de quitter le bureau pour lui dire que vous alliez rentrer plus tard parce que vous vouliez vous rendre chez un réparateur de pipes.
- Je ne fume pas la pipe.
- Je sais, Violaine nous a aussi dit cela. Vous souvenez-vous d'avoir rencontré le spécialiste cet après-midi là?
- Non. Je ne me souviens de rien avant la ruelle.
- Quelle ruelle Armand? Pouvez-vous me raconter?
- Écoutez, je ne vous connais pas.
- Je suis Docteur Viel. Peut-être puis-je vous aider à retracer avec vous ces heures qui semblent avoir provoqué une amnésie soudaine?
- Je veux voir Violaine.
- Mais elle était là, il y a quelques instants à peine et vous avez affirmé ne pas la connaître.
- Pas cette Violaine, ma Violaine, ma femme. Je sais qu'elle n'est pas loin.
- Armand, j'ai un peu de difficulté à vous suivre.
- Si j'ai paniqué en rentrant chez moi, juste avant de perdre conscience et de me retrouver ici j'imagine, c'est que cette femme à la chevelure noire n'est pas ma femme. Mais elle dit se nommer Violaine comme ma femme.
- Vous dites que cette Violaine, votre femme, n'est pas loin. Comment le savez-vous?
- Elle m'a nourri ici.
- Armand, une garde vous a nourri.
- Cette garde, c'est ma Violaine.
- Armand, cette garde se nomme Berthe.
1 Comments:
Pianiste
Écharde
Escabot
;-)
J'adore ce jeu
Marie
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