orphelins de l'Éden

4.03.2007

XV

Abattu, Armand se dirigea vers la salle de ping-pong. Marc était affalé dans un coin, là où s'entassaient des tapis de gymnastique. Qu'est-ce que ces foutus tapis faisaient là, dans cette pièce, dans cet asile de fous? Nul ne le savait. Mais pour l'instant, Marc y était écrasé à défaut de combines à tramer ou de drogue à s'injecter.

L'air d'Armand n'échappa pas à Marc qui sourit un sourire de dents noires, sympathique.

- Pauvre gars, tu commences à devenir fou toi aussi, non?

- Laisse tomber. Tu ne comprendrais pas.

Et pourtant, après un long soupir suivi d'un interminable silence, Armand décrivit à Marc toutes ses péripéties, content de pouvoir laisser couler toutes les émotions endiguées. Marc écoutait attentivement. Il était toujours friand des récits des autres internés. Depuis le temps qu'il fréquentait ce genre d'institutions scellées à double tour, il en avait entendu des vertes et des pas mûres. Marc aimait analyser les montées de névrose, les chutes en enfer, les paranoïas à fleur de peau. Dans ce cas-ci, la perte de mémoire semblait être au centre du casse-tête. Rien de bien excitant à prime abord, mais puisque son cerveau fonctionnait très rapidement pour détecter la faille qui permettrait à la malice de faire son nid, il mijota sa riposte en attendant que le pauvre amnésique termine son récit.

- Écoute mon vieux, lança-t-il à Armand, tu peux profiter d'un peu tout le monde dans cette histoire.

- De quoi parles-tu? M'as-tu seulement écouter? Je suis un étranger aux yeux de ma femme et celle qui prétend être la mienne me donne la chair de poule.

- À part quand tu la baises comme un animal.

- C'est une sorcière cette Corneille. Elle m'a envoûté.

- C'est ça et je suis grand-papa Bi.

- Écoute, tout ce que je veux, c'est retrouver ma vie auprès de ma Violaine.

Armand répétait ce souhait comme un leitmotiv ou mieux, comme une supplication. Marc ne comprenait pas cette étroitesse d'esprit. Dans son cas, il n'aurait pas cherché à s'accrocher au passé, bien au contraire. Marc aurait couru vers toutes les possibilités futures: de nouvelles expériences, des nouvelles rencontres, des nouvelles ressources peut-être, pourquoi pas? Une page blanche, ni plus ni moins. Il discourut encore pour un bon quart d'heure pour faire miroter ce joyau d'occasions qui était à la portée d'Armand, mais en vain. Telle une vache ruminant constamment le même pâturage, le pauvre ne démordait pas de sa chère existence volatilisée.

Marc, exaspéré par le peu d'imagination de son comparse, lui suggéra de téléphoner un ami à lui pour tirer au clair son passé.

- Un ami pourra te dire ce qu'il sait de toi et te parler de ta vie. Mais attention, il faut le faire parler avec habileté. Dire que tu es dans un asile de fous n'est jamais une bon moyen pour débuter une conversation anodine.

Armand s'étonna de ne pas avoir penser lui-même à cette option toute simple. Cependant, son esprit était tellement emberlificoté ces jours-ci qu'il se pardonnait facilement ce manque de raisonnement somme toute assez logique. Marc regarda son bracelet-montre et indiqua à Armand qu'il devait faire vite car le cadenas reviendrait bientôt verouillé l'appareil libre pour quelques heures seulement à la fois.

Arrivé dans le couloir, Armand remarqua pour la première fois l'appareil démodé accroché au mur. Il savait qui appeler. Il contacterait Jules, son ami de toujours, celui qui l'avait vu grandir dans les rues en pavée crevassé de la campagne reculée. Fébrile, il composa le numéro et à la quatrième sonnerie, une femme décrocha l'appareil.

1 Comments:

At 10:49 a.m., Anonymous Anonyme said...

je te lis je te lis..

mais j'arrive à la fin !! remise mardi !!

je serai plus inspirée pour armand un peu plus tard...

ahhhhhhh stress stress sort de ce corps !!

M-H

 

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