orphelins de l'Éden

5.25.2007

au petit matin, lui

Parce que je quitte la maison lorsque le bulletin de nouvelles débute à 6 h 30, je me retrouve sur Jarry quelques instants plus tard. À peu près au même moment que je descends mon escalier tordu, M. Jean Roy sort du Boni-Soir au coin Foucher, un sac de plastique pendant au bout dans sa main gauche avec dedans le journal frais imprimé. Nous nous rencontrons toujours entre la rue Des Belges et St-Hubert, souvent au coin de Châteaubriand. Ce matin, je le vois regarder par terre lorsqu'il avance dans ma direction. Il regarde un point précis et continue sa marche. Arrivé à portée de voix, il me dit qu'au pied du parcomètre le plus près de nous, il y a un sou qui n'attend que je ne le ramasse comme une bonne étoile discrète à saisir, tu verras qu'il me dit. Je poursuis ma marche après lui avoir souhaité un bon weekend et lui attend que je le cueille ce cadeau original. Et je le cueille ce cadeau original et je lui dis bien haut "c'est un sou noir américain". Il est heureux de me charmer. M. Jean Roy me manquera. Lui que je croisais presque à tous les matins en me rendant au boulot. Il a une besace pleine de compliments, de bonnes farces, d'anecdoctes pas possibles et de jeux de mots. Il a des yeux bleus comme les glaciers des deux pôles qu'il a vus de ses yeux vus puisqu'il était soldat de mer. Et je le mets dans mon porte-monnaie ce sou, cette étoile, en souvenir de notre lien tissé tranquillement au fil des années qui viennent de passer. M. Jean Roy qui est né dans cette paroisse, M. Jean Roy qui se repose au petit parc les jours ensoleillés, M. Jean Roy qui est revenu sur son coin de terre avant de tirer sa révérence. Un chêne incomparable, un monument au coeur grand comme la plus belle sincérité. Un des personnages de ce quartier qui m'a rentré dans la peau, ma peau de Montréalaise.