orphelins de l'Éden

11.07.2006

tissé serré

Parce qu'il n'y a pas de plus belle preuve de cohérence que le cours de la vie lui-même, laissez-moi vous racontez mon tour au marché dont je reviens tout juste.

Je sors, trop chaudement vêtue, et me dirige vers cette station de métro dans laquelle je m'engouffre au moins une fois par jour. Arrivée sur le quai, je m'engage dans un mouvement qui m'emmènera jusqu'au mur du miroir, dans lequel le chauffeur jette un coup d'oeil pour s'assurer que tous les passagers sont bien à l'intérieur avant de fermer les portes. Sur un des bancs du quai, j'apercois Alx. C'est un garçon, un homme maintenant, que j'ai connu il y a des années lorsque j'étais éprise de son cousin. Je m'arrête pour le saluer. Il a déménagé tout près qu'il m'apprend. Il est très bien dans son immense six et demi à prix réduit, gracieuseté belle-maman.

Il y a un peu plus d'un an, j'avais rencontré Alx. dans un wagon de métro. Je n'avais pas osé prononcer son nom, de peur de me tromper. Ça arrive à tout le monde. En même temps, une fille s'était avancée vers nous et m'avait reconnue. Bien que son visage m'était familier, j'ai mis un bon vingt minutes avant de me rappeler vraiment d'elle et de notre relation. Je raconte tout cela à Alx. sur le banc, en lui apprenant que je l'ai croisé samedi dernier et qu'il était accompagné de deux filles et que je les ai laissé passer en me disant que je le rencontrerais sûrement un autre tantôt.

Je descends à la station suivante, après l'avoir salué de mon statut de fiancée que je lui ai appris et qu'il a trouvé romantique.

Au marché, je vais chez Michaca et c'est l'homme à l'accent gaspésien qui est debout fièrement derrière le comptoir. Je lui demande "elle était bonne la pièce?" parce que la dernière fois, sa soeur, qui se trouvait là, avait parlé de leur sortie du lendemain pour le théâtre. L'homme m'avait appris qu'elle et lui sortent ensemble au théâtre depuis des années, qu'ils vont voir toutes sortes de pièces et qu'ils se procurent des abonnements selon la programmation offerte. Il préfère les classiques. Il est allé voir La société des loisirs. Je vais voir La Société des loisirs samedi après-midi qui vient. C'est le cadeau d'anniversaire que Jl. et Tn. - dont je vous reparlerai - m'offrent. L'homme qui porte un t-shirt sur lequel est inscrit "la terre est une pomme" m'avoue sa déception. Il croit que c'est le texte, qu'il y a quelque chose d'exagérer. Les acteurs sont très bien. Il m'engage à lui en donner des nouvelles.

Plus loin, affairée sur le banc en métal, au pied de l'escalier d'Aliments Merci, j'entends une fille demander "c'est ici les aliments en vrac?" Je me retourne et répond "oui". Je réalise qu'elle demandait à la personne qui l'accompagne. Je reconnais la fille qui me remercie, l'air amusé, et qui s'en va tranquillement. C'est une poète qui m'avait marquée pendant une soirée de poésie. Ses textes étaient forts, bien tramés. Je me souviens d'une histoire de chasseurs et d'orignal.

De retour à la case départ, sauf que je suis chargée de mes victuailles. Le métro m'éructe et un homme, qui traîne un immense sac d'oignons, monte les escaliers juste devant moi. Il me semble qu'il ralentit exprès, ayant flairé ma détermination à remonter à la surface avant que ne se crée un bouchon dans l'escalier roulant. Arrivé au palier, il se penche et je dois l'éviter. Je vois qu'il ramasse quelque chose: une carte de métro périmée. En le dépassant, je me demande ce qu'il en fera. Peut-être l'a-t-il déjà jettée par terre?

Aux coins des rues, à la sortie du métro, une jeune fille au souffle court et à l'accent mélodieux me rejoint et me dit: "je crois que vous avez échappé ceci" en me tendant la carte de métro périmée. Je lui raconte tout ce que j'en sais en lui assurant que je la mettrai au recyclage et que merci beaucoup, elle aurait pu m'appartenir. Je conclus en lui prédisant que quelqu'un courra pour la rejoindre cet hiver, parce qu'elle aura laissé tomber son gant. Elle rit.

On ne sait jamais.