orphelins de l'Éden

10.24.2006

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Pendant que les pois chiches se réhydratent dans une marmite et que la cuve de ma lessiveuse tourbillone à cent mille à l'heure pour essorer ma brassée de blanc et que mes plantes absorbent l'eau que je viens de leur donner parce que c'est mardi matin, je viens m'asseoir pour écrire. Je ne sais pas où allé aujourd'hui avec mes mots qui se plaisent habituellement à décrire des détails du quotidien pour créer des histoires, des tranches de vie. Pas spécialement spéciale ma vie, à part le fait que personne d'autre ne la vit et que je suis entourée de dizaines de personnes qui m'aident à rire et à aimer. Spéciale alors, superbe, incomparablement riche. Spéciale parce que je suis en santé et que la santé, c'est le terreau nécessaire à l'exploration de l'univers sous tous ses angles et sans souci. Privilégiée, je suis. Je vois, je touche, je mange, je m'émeus, j'écris, je marche, je danse, je parle, j'écoute. Je me réjouis et je remercie.

De petites perles sont toujours à portée. L'autre jour, au métro Jean-Talon, revenant de faire mon marché à pied, chargée comme un mulet, je m'engage dans l'escalier, entrée Bélanger, près d'une lunetterie. Une femme s'arrête à chaque marche qu'elle réussit à descendre. Ses sacs sont lourds, elle est âgée. Elle est contrainte par les circonstances. Je lui offre mon aide, malgré ma propre charge. Je peux y arriver. Je l'escorte jusqu'au quai où arrivera le train qui l'emmènera un peu plus près de chez elle. Avant de nous séparer, elle me dit: "Que Dieu vous bénisse!" Et comment ne pas continuer avec le coeur léger. Cette femme me donne une gratitude authentique. Je l'accueille avec une gratitude authentique. La roue tourne et le bonheur jaillit.

Et je devrais peut-être rebaptiser mon blogue "rencontrer des gens en les aidant à transporter leurs paquets", mais j'ai choisi "orphelins de l'Eden" parce que nos racines sont toutes les mêmes. Nous sommes tous de la même espèce égarée et unie, paradoxalement. Je crois qu'il faut pleurer des larmes de sang, souffrir de manque, se perdre dans la solitude forcée pour se retrouver dans ce jardin qui ne nous quitte jamais malgré les épreuves. Tant qu'il y a la conscience, il y a la possibilité de choisir de dire oui.