orphelins de l'Éden

10.13.2006

conspiration

J'ai passé une partie de ma journée d'hier en compagnie de Ch. Je l'ai rencontrée il y a dix ans alors que je travaillais au café Starbucks du Chapters. Elle habitait Montréal pour y étudier. Ch. est une Franco-Ontarienne d'Ottawa. Un peu moins de deux ans après notre coup de foudre amical, elle est retournée dans son patelin, la sexologie, son champ d'études, ne l'intéressant plus. Pendant environ une année, elle a fait beaucoup d'argent, ayant trouvé un emploi au gouvernement. Seulement, elle aurait dû engranger un peu de ses sous pour payer les impôts qui n'étaient pas déduits à la source et qui l'ont bouffée tout cru à la venue des règlement de comptes du printemps. Un ami qui avait entendu parler de la possibilité d'enseigner l'anglais à l'étranger lui a proposé cette porte de sortie lucrative pour éponger sa dette. Ch. est partie il y a sept ans en Asie.

Après la Corée et le Japon, c'est maintenant à Tawain qu'elle vit. Tapei est une ville sale à l'entendre parler, à part dans les métros neufs où même mâcher de la gomme est interdit. Pas de breuvage ni de nourriture. Des agents refilent des amendes, à part, si comme elle, vous jouez le touriste innocent.

Ch. repousse toujours à un peu plus loin le moment où elle reviendra au Canada. Elle m'avoue que c'est par peur, elle qui est partie à l'autre bout du monde. Elle me dit que sa vie est là-bas maintenant. Et dans un même souffle, elle parle de sa famille et de ses amis ici, une multitude de gens prêts à l'aider à refaire sa vie ici que je lui dis. Je pense à B. qui part pour Hong-Kong mardi, et qui commence à avoir peur. La peur du changement, ça freine ou ça propulse, c'est à nous de choisir.

Je sais que Ch. a beaucoup aimé habité à Montréal. D'ailleurs, elle m'a répété à quelques reprises que c'est la ville qu'elle préfère au pays - elle a déjà habité Vancouver et elle connaît bien Toronto. Alors nous quittons le restaurant et après un trajet de 55 St-Laurent, nous traversons le marché Jean-Talon parce qu'elle veut acheter du végé-pâté. Chez Alfalfa, le nouveau propriétaire m'offre de travailler là pour bénéficier de rabais pour les employés. Il juge que ce serait plus rentable pour moi, compte tenu de mes nombreuses visites. Ch. sourit parce que je lui disais justement que je fréquente le marché régulièrement.

En sortant, nous marchons sur Henri-Julien et Ch. s'arrête ici et là pour photographier des arbres colorés par l'automne. Des amis chinois veulent des clichés de notre coin du monde. J'aperçois Sp., que j'ai vue ce matin au cours de yoga-pyjama. Nous jasons un brin en l'escortant jusqu'au centre là où elle dégustera une salade en tenant le fort pendant les heures administratives.

Nous poursuivons notre marche et sur un coin de rues, ça sent le fromage à plein nez. Un homme à ma gauche transporte un sac d'emplettes et par curiosité je lui demande s'il a du fromage dans ses provisions - non. L'homme me fait remarquer gentiment que deux restaurants fast food opèrent pas trop loin. Je suggère que dix affamés ont commandé simultanément une grosse poutine. Nous rions et nous saluons l'homme.

Deux coins de rue plus loin, nous croisons mon ancien voisin. Nous nous saluons et je commence à trouver que toutes ces rencontres fortuites ressemblent à une grande séduction lancée par l'univers à l'intention de Ch., de plus en plus charmée par la bonté de la vie de quartier et la beauté des rues résidentielles de la métropole.

Quelques coins de rues plus près de mon appartement, je reconnais l'homme qui travaillait jusqu'à hier à la fruiterie où j'achète quelques produits - jus bio, beurre bio, yogourt bio, lait de soya... bio. C'est une personne au coeur en or, drôle et simple. Je le salue et lui souhaite une bonne vie. Il me remercie. J'explique à Ch. que c'est la fille de la fruiterie, une Grecque charmante, qui m'a annoncé son départ ce matin même.

Nous arrivons enfin à l'appartement et je crois que Ch. en a eu plein la vue. Nous écoutons Jean Leclerc gratter sa guitare et David Bowie prophétiser à propos des nuits rave sur Memory of a Free Festival, histoire qu'elle en ait plein les oreilles aussi. Ch. a eu un coup de coeur dernièrement pour ces deux artistes.

Je sais qu'elle reviendra. Montréal est un havre pour les chasseurs de synchronicité. Et Ch. est une guerrière pacifique, généreuse, ouverte de conscience et plus grande que nature. Elle rayonne. Un autre soleil parmi tous ceux qui déambulent déjà. Touchez à l'étoile que vous portez. C'est ce que Ch. m'a offert de plus précieux.