orphelins de l'Éden

10.01.2006

la familia

Par un samedi lumineux, M., ma grand-mère et moi avons roulé direction chez ma mère, endroit niché dans une myriade de feuillages colorés, ouvert sur une nappe d'eau tranquille et noire. La famille se réunit pour corder le bois. Ma grand-mère s'est occupée de préparer le rôti de porc, le jambon fumé au miel et au sirop d'érable et le ragoût de boulettes, sans oublier la salade de chou, les tartes, deux aux framboises et deux miniatures au sirop d'érable, les préférées de ma mère, et une quiche fromage et brocoli pour sa petite-fille végétarienne, j'ai nommé, moi. Elle nous nourrit comme par temps des fêtes.

Autour de la table, pour le dîner, de nouveaux visages animent la discussion: R., mon nouveau beau-frère qui ne mange que de la viande et du sucré, et F., l'ami de ma mère. E., ma poulette d'amour, utilise une fourchette spéciale pour sa dextérité de fillette de presque deux ans. Elle charme M. de son sourire en forme de coeur.

Vaisselle rincée et dessert englouti, nous enfilons les gants rêches qui nous permettrons de manipuler les bûches sans tracas. Deux d'entre nous bourrent les barrouettes de bûches, empilées en tas dans le stationnement, et les roulent jusqu'aux trois autres d'entre nous qui s'occupent à monter des rangées hautes de six pieds et longues de douze, à l'abri sous un toit de tôle. L'année dernière, une rangée mal montée s'était affaissée. Il n'y avait pas eu de blessés. Cette année, tout roule sur des roulettes.

M., B. et moi avons été les derniers empileurs à opérer sur les rangées cette année pendant la corvée. B. était de bonne humeur, blagueuse et d'énergie pétillante. Elle s'est moquée de moi gentiment en disant à M. que j'étais une germaine (lisez gère-mène), une petite boss des bécosses, de faire attention à mon tempérament. Pour la première fois de ma vie, je lui ai dis que ce trait de personnalité, c'est sans doute grâce à elle qu'il me définit en partie, que cette part de moi, elle en est responsable.

B. et moi étions inséparables dans notre enfance. La légende veut qu'une fois qu'elle ait réalisé, après une colère terrible de ma mère, qu'elle n'avait pas le droit de m'éliminer - elle m'avait poussé en bas des escaliers lorsque j'étais dans ma "marchette" et ma tête a abouti à deux centimètres d'un marteau au crochet relevé -, elle aurait flairé mon potentiel d'esclave.
Les enfants ne sont pas méchants, ils survivent dans leur ligue, avec leurs propres moyens. C'est ainsi que B. me faisait courir derrière son vélo pour aller chez nos amis - nous habitions la campagne, alors j'en ai mangé des kilomètres - et que lorsque nous jouions à l'avion, j'étais l'avion.

Plus tard, à l'adolescence nous avons tissé des souvenirs de complicité, elle la grande soeur cool et moi la jeune soeur, appendice de son noyau d'amis, mais tolérée. Lorsque j'ai eu mon premier chum, nous partagions encore la même chambre B. et moi. Une porte à l'arrière de la maison donnait sur cette pièce, où plusieurs secrets ont été scellés. Plus tard, nos premières expériences de vie autonome en appartement ont été communes puisque nous étions toutes les deux unies dans cette nouvelle étape de notre existence. Nous allions faire notre épicerie au Super C avec la Civic rouge coupée de B. Nous remplissions notre panier de façon gargantuesque. Les denrées nutritives ne faisaient pas moisson, mais il y avait toujours des pommes pour B. qui en est friande.

Nous nous sommes séparées quelques temps par discorde, sans jamais couper les ponts. Nous nous sommes remariées comme le dit B., le temps d'une colocation de deux ans sur la rue Fabre. Cette fois, nous nous sommes séparées pour laisser cours au futur qui nous attendait. B. m'a hébergée pendant trois semaines chez elle et Bb., son mari au coeur en or, quelques annés plus tard. C'était un moment de transition.

B. et moi nous sommes toujours dit que nous aboutirions ensemble à notre vieillesse à nous bercer sur le même balcon, à ne plus parler parce que notre lien, nos histoires, nos chicanes parleraient d'eux-mêmes.

B. s'en va dans un mois vers l'autre bout du monde, Em. et Wiwi. avec elle. Et un immense vide creusera notre famille. Un trou béant le temps de quatre ans. Elle reviendra, ils reviendront, quelques semaines ou quelques mois peut-être pendant un été. Mais ce sera l'internet qui nous permettra de garder contact, ce ne sera plus un coup de télépone anodin, juste pour dire "allo, comment ça va?", ce sera un coup de téléphone calculé "ok, il est vingt heures ici, il est huit heures là-bas...". Bien sûr, maintenant, il y a des moyens pour se rapprocher de nos proches éloignés, comme des forfaits de frais téléphoniques avantageux et la webcam. Quoi qu'il en soit, ce sera dur. L'habitude sans doute, le manque.

Il paraît qu'on s'adapte à tout. Et de toute façon, je la retrouverai un jour sur un balcon.

1 Comments:

At 10:01 p.m., Anonymous Anonyme said...

LA FAMILIA...tres importante
Oui c'est moi LBF (lire "LE" Beau-frere) Je peut goute les tartes de Gmere et de son salade au chou. J'aurais aime etre la pour le bois , un bon workout !! Hier soir nous avons ete voir les feux d'artifices pour celebrer la fete national de la Chine. Presqu'un demi heure de fireworks avec 450 000 de spectateurs !!! Une bonne foule. Pour une simple demonstration contre le governement il peut avoir une couple de 100 milles de personne. En regardant les feux je me disais comment B et E aurait aime ca ..avec 450 000 personne je me sentais un peu seul....LA FAMILIA

 

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