orphelins de l'Éden

9.09.2006

pour la vie

Debout sur le tapis d'entrée dans l'étroit couloir de notre quatre et demi, nous nous sommes fiancés, à midi, un samedi.
M. m'avait annoncé mon cadeau d'anniversaire. Un cadeau à l'avance puisque je ne suis fêtée que dans deux semaines. Depuis quelques jours, il semait des indices dans mon esprit pour éveiller mon impatience. Avec succès bien sûr, il a réussi à titiller ma curiosité. C'est ainsi qu'au bout d'accolades accompagnées de "je t'aime et j'ai hâte à ton anniversaire" et d'affirmations du genre "je suis allé dans un endroit dans lequel même toi aurait hésité à t'aventurer" ou encore "ça me donne du fil à retordre toute cette histoire", j'ai accepté d'attendre par une matinée pluvieuse mon cadeau annoncé.

Au réveil, M. me dit qu'il sait enfin où se trouve l'objet convoité et que si tout va bien, il pourrait me l'offrir à son retour. Je lui dis que pendant son absence, je me rends au marché, faire quelques courses. Non, il insiste, je dois rester à la maison. Il n'en a que pour une petite demi-heure.

Je sors un peu pour aller à la Caisse, pour passer chez la nettoyeur et enfin, aller chercher de la nourriture pour Nougat le gros chat. De retour à l'appartement, je glisse un disque de jazz remixé à la sauce électro que je n'ai pas écouté depuis des mois et, une douzaine de mesures plus tard, j'entends ses pas dans l'escalier. Excitée, j'ouvre la porte. Bredouille, rien dans les mains, ni sac ni boîte. Il est sans cadeau. Interloquée et boudeuse je lui dis qu'il m'a fait des à croire, que c'est pas gentil. Il me dit qu'il a changé d'idée, qu'il me donnera mon cadeau le jour de mon anniversaire. En attendant, le cadeau est en sécurité chez F., notre voisin d'en bas super sympathique. Je boude. Nos fronts sont collés et je me dis qu'après tout, c'est vrai que c'est dans deux semaines mon anniversaire, mais je lui répète tout même pour la forme qu'il m'a fait des à croire, que ce n'est pas gentil, jouer comme ça avec les sentiments des gens.

Il recule et dit: "Veux-tu me fiancer?" et mes yeux s'embuent parce que c'est un moment de rêve qui devient ma réalité. Ma gorge se noue pendant qu'il sort de la poche de son jeans préféré un anneau de métal poli incrusté de diamants minuscules alignés et serrés. Il le glisse dans l'annuaire de ma main droite en me regardant dans les yeux. Je suis convaincue que c'est la bonne main, que l'anneau est chez lui, là où doit rester pour toujours maintenant. Je dis "oui" et j'enfouis mon visage dans son épaule qui est la mienne pour la vie. Je pleure et je ris pendant qu'il me serre avec une force calme et sûre. Nous nous avons pour un bout et voilà, on se le déclare, comme une lettre d'amour qui n'a pas de fin.

Nous faisons l'amour parce que c'est si bon de s'aimer et après, on se rend à la bijouterie pour me choisir une bague qui me sied mieux. Cette fois, c'est dans l'annuaire gauche que l'anneau d'essai est glissé. La préposée qui se rappelle du nom de M. ne cesse de répéter qu'elle n'a jamais entendu parler d'une déclaration aussi rapidement exécutée. Il y a à peine 45 minutes, il repartait avec l'objet qui me suivrait pour des décennies. D'ailleurs, le fil à retordre, c'était parce que ma petite peau "sensiblotte" est allergique au métal, y compris l'or, matériau hypo-allergène semble-t-il. Mon alliance est en acier inoxydable, vraiment hypo-allergène semble-t-il pour les cas comme les miens. Mais si vous préférez, il est en or blanc. Il aurait pu être en paille. C'est un symbole et un symbole, c'est un rappel et dans ce cas-ci, c'est le rappel de l'engagement qui me lie maintenant à M.

Nous sommes promis.

Menu de fiançailles, entre fiancés: mousseux, sandwiches aux tomates des champs avec gruyère pour moi, bacon pour lui, luzerne, oignons verts, servis sur galettes méditérranéennes de chez Première Moisson et bleuets enrobés de chocolat noir.
Déroulement de la journée: une tournée au marché pour choisir les denrées, oreille collée à l'appareil qui propage la bonne nouvelle, film philosophique et charmant (Kamataki pour les intéressés), marche dans un Vieux-Montréal endormi et amour, amour, amour. Comme toujours. Pour toujours.