orphelins de l'Éden

9.01.2006

miroir, miroir

Deux fois aujourd'hui j'ai témoigné de l'attrait qu'une personne peut avoir pour son propre reflet. Je m'explique. L'immeuble dans le lequel je besogne est desservi par quatre ascenseurs permettant aux fourmis de retrouver leur cubicule sans s'époumoner. Trois d'entre eux ont leurs parois incrustées de longs miroirs les traversant de toute leur hauteur. Les miroirs au nombre de deux se font face, si bien qu'un passager solitaire peut peut-être vérifier qu'un faux pli ne lui barre pas le cul (sans vulgarité aucune, appelons un chat, un chat).

Alors ce matin, un homme dans la trentaine me précède dans l'embarquement de l'engin coulissant. Une fois à l'intérieur, je me fais discrète, comme à mon habitude, en dirigeant mon regard vers le plancher de linoléum gris, histoire de me faire oublier. L'homme qui descend avant mon étage, se regarde dans un des miroirs, ajuste son collet, observe son faciès, remonte un peu son pantalon un coup parti. Et tout ça, comme s'il était devant sa vanité, peinard, à l'abri des regards. Mais l'ennui, c'est que je suis là. Discrète, mais là putain de merde. Est-ce que j'ai le goût, moi, d'assister à sa scrutation extensive? Non. Va pour le coup d'oeil pour vérifier que l'ensemble ne jure pas trop ou qu'un pan de chemise ne sort pas du pantalon que l'on a oublié de fermer à l'éclair, mais un peu de tenu de l'orgueil lorsqu'on est en présence d'un autre s'il vous plaît.

Prise deux: en revenant de dîner, une femme saute dans l'engin à cordes pour se faire hisser un peu, histoire de se rendre à destination. Je suis là. Nous sommes seules. Seules avec les miroirs qui multiplient la femme en trois puisqu'elle décide de vérifier si une mèche n'a pas volé à son insu dans une position inconvenue et si son maquillage est impeccable et, un coup parti, si aucun objet non désiré n'est coincé dans une anfractuosité de sa dentition.
J'hallucine.
Va pour le repérage de bouffe aux aspects d'algues sur un sable blanc, mais putain de merde, je n'ai pas à assister à ce tête-à-tête imposé. Une salle d'eau, vous connaissez? Il y a là des miroirs, de l'intimité plus souvent qu'autrement et en plus, socialement, c'est vachement recommandé d'y parfaire son hygiène.

Le mythe de Narcisse, vous connaissez?