rebirth, suite
Tu es si prêt à présent et je n'ai pas peur. Ensemble, nous franchirons cette étape qui te révélera à nous et je te sentirai sur moi, plutôt que dans moi. Dr P débute la chirurgie et M. prend place à mes côtés. Je lui serre les doigts parce qu'il est le fil qui me tient accrochée à tout ce qui se passe. Ce qui se passe, ce croisement entre le passé et le présent, cette superposition qui s'opère pendant que mon esprit se concentre. Aucune place pour la tristesse puisque tout l'espace est occupé par ma joie jaillit de ce que tu t'en viens enfin.
L'anesthésiste me glisse à l'oreille qu'au train où va l'intervention, tu verras le jour à 10 h 53. Moins de dix minutes donc entre le premier geste opératoire posé par Dr P et ta première respiration autonome. Finalement, l'inhalothérapeute annonce 10 h 51 lorsque tu pousses un petit cri de chaton. Notre fille est née.
Je recommande à M. de jeter un coup d'oeil de l'autre côté du champ stérile, où se déroule l'expulsion, pour te voir chère perle qui quitte à peine son écrin. Il le fait et Dr P le tance gentiment en lui expliquant que s'il veut garder de bons souvenirs, mieux vaut attendre qu'ils nous la présentent là où il y a un peu moins de sang et de quincaillerie. Il est rigolo Dr P. Elle apparaît alors portée dans ses mains au-dessus de l'écran bleu, notre ange.
Rapidement, elle se fait examiner et évaluer. Son APGAR est excellent: 9-9-9. On l'emmaillote et comme promis, on vient me la déposer dans mon cou. C'est que ma poitrine déborde de l'autre côté du champ stérile et que l'espace est restreint pour accueillir son petit corps, mais du moins, je peux la toucher. Elle est si prêt de mon visage tourné lui vers les projecteurs de la salle d'opération que je ne peux pas la voir vraiment. Mais ce que j'ai entre-aperçu de ton visage, c'est que toi aussi, tu as le nez du côté de ton papa, comme ton frère.
Vient le temps de nous séparer et papa part avec toi vers le département de maternité pendant que je me fais recoudre par Dr P qui blague à propos des points de suture que j'ai demandés. Il dit qu'il y avait longtemps qu'il n'avait recousu un bas de pantalon. Le personnel médical est curieux de savoir pourquoi j'ai demandé à les avoir, plutôt que les fameuses agrafes. Je leur explique que la première fois, la cicatrisation avait longue et douloureuse, une plaie qui était restée fragile en fait. L'inhalothérapeute me confie tout bas qu'elle aurait voulu la même chose.
Maintenant, on me roule à la salle de réveil. Nouvelle étape de mon plan de naissance à discuter avec l'infirmière qui m'attend là-bas. J'aimerais être auprès de ma fille le plus rapidement possible s'il vous plaît, sans excéder une heure de séparation depuis sa naissance, si cruciale pour le succès de l'allaitement. L'infirmière m'explique que je dois rester la demi-heure requise et que de toute manière, dans mon cas, il faut qu'une chambre soit libre avant de monter un étage plus haut parce que je ne peux pas être stationnée dans un couloir avec tous les appareils qui doivent mesurer mes signes vitaux. Mais voyant combien je tiens à mettre ma fille au sein dans les plus courts délais, cette femme au sourire chaleureux et au regard bleu perçant, se démène pour faire bouger les choses à la maternité pour notre cas. En attendant, elle m'apprend que le centre hospitalier Pierre-Boucher vise la certification Ami des bébés et que bientôt, les nourrissons pourront demeurer avec leur maman dans la salle de réveil. Nous parlons pendant toute mon attente et j'apprend que depuis six ans, elle et son conjoint tentent de concevoir leur second enfant, sans succès. Je lui rappelle la simplicité et l'efficacité de la méthode sympto-thermique. Elle avoue qu'elle n'y était pas revenue depuis qu'elle travaillait des quarts de jour de façon régulière. Enfin, après un troisième coup de téléphone à l'étage, elle apprend qu'une chambre privée plus dispendieuse que ce pourquoi nous avions donné notre accord est libre: nous la prenons, que je lui intime. Bientôt, je te retrouve et je pourrai mieux te scruter, mais juste avant de partir pour de bon de ce lieu entre-deux, l'infirmière m'apprend que les nouveaux-nés ne ressentent pas la faim pendant un bon douze heures après leur naissance et que c'est que leur réflexe de succion acquis pendant leur gestation qu'ils cherchent à combler en s'accrochant au sein dès leur premier bol d'air. Ça me rassure un peu.
C'est donc une heure et demie plus tard que je te mets enfin au sein et tu sais quoi, tu es une petite championne. Ton papa dit qu'il était temps que j'arrive parce que c'est sur son mamelon à lui que tu t'accrochais depuis tout ce temps. À t'observer, je vois que ta prise est bonne et que tu bois avec un mouvement qui va jusqu'à ta tempe, comme A-M ma guérisseuse m'a appris qu'il le faut.
La boucle est bouclée. Je te tiens contre moi et tu es toute petite. Tes traits se fixent tranquillement dans mes cellules grises. C'est à peine croyable de t'imaginer ne plus jamais quitter ma vie, mais je suis croyante. Tu l'apprendras bien assez vite. Croyante et reconnaissante. Complétée par une nouvelle âme. La tienne.
1 Comments:
quel bonheur de lire ces lignes! merci pour la belle présentation de la venue au monde de ta fille! tu en fais changer des choses toi, un jour ce sera peut être le retour aux ourlets de pantalons en masse :o)
bravo pour l'allaitement, quel bonheur que ce soit si smooth, tu es bien placée pour apprécier cela!
gros becs à tous et au plaisir de venir vous dire coucou pr vrai!
JO
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