orphelins de l'Éden

9.01.2009

meursault

Vous ai-je déjà dit que j'ai une mémoire absolument nulle pour les prénoms? Pas pour ceux des gens que je rencontre là maintenant au présent, mais plutôt pour retenir ceux d'individus que j'ai côtoyés dans mon passé. Pas tous les prénoms en bloc bien sûr, mais pour certains, on dirait que mon cerveau ne retrouve tout simplement plus le chemin qu'il a déjà pourtant pu suivre nombre de fois sans difficulté. Souvent, ce n'est qu'une lettre qui apparaît très clairement dans ces cas de "brain freeze", la première lettre du prénom de la personne qui est devant moi et qui elle me reconnaît et me nomme, moi, la fille au nom peu commun. Au fil des ans, j'ai développé deux théories pour expliquer ce phénomène embarrassant qui me paralyse parfois en société.

Primo. Ça remonte à un moment bien précis quand adolescente âgée d'environ 15 ans, j'attendais quelqu'un au métro Berri-UQÀM en compagnie d'une amie à moi à ce moment-là de ma vie. Je dis une amie, mais c'était plutôt une connaissance que je fréquentais régulièrement par l'entreprise d'une autre connaissance qui était la blonde d'un ami de mon amoureux de l'époque. Vous voyez? Bref, je suis avec cette fille et là, une personne que je connais - je ne me souviens plus qui du tout ni d'où je la connaissais - arrive et me salue et je lui présente la fille avec qui je suis par politesse, mais là, je commets une bourde incroyable en ne la prénommant pas correctement. Et la paire d'yeux qu'elle me lance alors cette fille avec qui je suis là à attendre quelqu'un et que je suis supposée connaître assez bien quand même me fusille et je reçois de plein fouet toute la douleur, la déception, l'humiliation même qui la traverse. Cette marque au fer rouge opérée par ces émotions à vif si pures ont sans doute contribué à ce blocage qui me scie lorsque je dois nommer quelqu'un et que mes cellules grises se transforment en bouillie.

Deuxio. Je suis le genre de personne qui observe beaucoup et qui tente d'être le plus branchée possible au déroulement de mes scènes au quotidien. Je crois que cette énergie à investir le présent est telle que mon passé en écope. Parce qu'en plus de certains prénoms, certaines de mes actions que mes parents ou amis me relatent parfois m'étonnent comme si j'entendais parler d'elles - me concernant pourtant - pour la toute première fois de ma vie.

Parfois, j'ai l'impression d'être l'étrangère de moi-même.