orphelins de l'Éden

6.23.2009

franc-parler

Dans l'autobus ce matin, j'ai eu une bouffée de nostalgie à l'idée qu'il y a quinze ans, à pareille date, je marchais dans les couloirs de mon école secondaire, mes pieds s'accrochant aux centaines de feuilles jonchant le sol, jetées là par des élèves heureux de vider leur casier en fin d'année scolaire. Les examens terminés, l'été pouvait enfin commencer et avec ce début grandiose, sonnait le glas de la Fête Nationale. Je me suis souvenue de cette année de mes quatorze ans où, avec mon amoureux Tr. et des amis à lui, nous avions déambulé pendant le jour férié dans les rues animées de festivités de quartier dans les environs du boulevard Côte-St-Luc pour aboutir dans le sous-sol d'un des compères à boire du Jack Daniel's. Pas une bonne idée quand on a l'estomac qui ne supporte pas bien l'alcool, mais que voulez-vous, si jeunesse savait...

Vingt minutes plus tard, en marchant vers le onzième, j'ai repensé avec étonnement au fait que je suis si attachée au Québec, et que dans mon identité, cette part connectée à la Belle Province prenne autant de place. Surtout que d'origine, je sois pourtant Franco-Ontarienne. En fait, si je suis fière d'être citoyenne de la province de la loi 101, c'est sans doute parce que je suis si amoureuse de la langue française, point à la ligne. J'habite la région montréalaise depuis mes neuf ans, j'ai grandi auparavant dans une famille francophone bien que basée dans un village ontarien, mes grands-parents qui ont leurs racines dans le Comté de Prescott-Russell situé dans l'est de l'Ontario ont vécu toutes leurs vies en parlant le français. Ma famille est francophone depuis des générations et je souhaite léguée à mes enfants cet amour de cette langue si riche quand elle est bien parlée et bien écrite.

Honnêtement, j'ai peur pour la langue de chez-nous. À voir les technologies inciter les utilisateurs à trouver des raccourcis qui tronquent les mots, qui martyrisent les structures de phrase, à apprendre que les nouvelles grammaires ont décidé d'aplanir l'usage en soustrayant de nombreux accents, trémas, signes de ponctuation pour faciliter la mise en application, je me dis que nous perdons, avec toutes ces concessions, la force et la beauté de la langue, qu'avec ce nivellement par le bas, nous hypothéquons la richesse de notre héritage, mais aussi de notre futur en tant que peuple. Les francophones ne doivent pas diminuer la mise en pratique de leurs communications. Aucun peuple ne devrait se satisfaire de si peu parce que je crois que le langage structure la pensée. Conséquemment, si nous visons une langue facile et simpliste, notre structure mentale écopera elle aussi. La diversification du vocabulaire ne devrait pas être le seul apanage de l'élite qui a gardé le nez dans les bouquins. Elle devrait être un outil pour se dépasser en tant qu'êtres humains conscients que la liberté, c'est de savoir s'exprimer.