quadrature du cercle
J'ai été paresseuse cette semaine. Je n'ai pas beaucoup travaillé à nourrir mon espace blogue. Je m'en excuse. Parfois, l'inspiration n'opère pas aussi facilement. Parfois aussi la semaine de travail l'emporte sur les moments d'évasion créative. Disons que cette fois-ci, c'était un mélange des deux.
L'inspiration. Un rien peut embraser l'égérie et ainsi la transformer en feu de Bengale qui signale l'esprit. Eh oh! Là, vois-tu, une idée, une pointe d'un iceberg à explorer, une particule d'un tableau à déployer dans son ensemble. L'inspiration, soeur de l'intuition.
Adolescente, j'ai écrit un poème portant sur l'inspiration, un espèce d'hommage mélodramatique, tout à fait syntonisé à ma persona Nelligan. Parce que ma première voie d'expression écrite fût des poésies structurées, rimées, pédantes, déconnectées, calquées maladroitement sur les oeuvres sublimes des poètes maudits. Leur perdition par l'écriture m'avait si profondément touchée que je croyais qu'il me fallait connecter à tout prix avec cette névrose pour véritablement livrer par des mots ma vision du monde.
Mais quelle vision justement. À quatorze ans, je n'avais que de grands thèmes d'étamper sur ma peau: la mort, l'amour, l'amitié. La mort de mon père, l'amour auprès de Tr., l'amitié auprès de mes trois complices, entre autres.
Pendant mes années à l'école secondaire, j'ai eu trois très bonnes amies. Nous étions un quatuor équilibré. Malgré que l'adolescence soit souvent une période de rivalités et de jalousies, je peux dire que j'ai eu la chance de ne pas vivre ces embarras nés d'insécurités. J'ai eu l'opportunité d'être entourée de trois filles aux personnalités solides, créatives, trois filles belles et intelligentes, trois filles totalement différentes l'une de l'autre, mais totalement essentielles à notre dynamique de groupuscule. Nous étions quatre.
Il y avait Ct., que j'avais rencontrée dans ma cinquième année primaire, ma première à Montréal. Ct. est devenue ma meilleure amie. Aujourd'hui, nous dirions ma best. Elle habitait près de chez moi et déjà à cette époque, je me souviens avoir été souvent chez elle. Je me souviens de la petite cuisine dans laquelle sa mère, Dn., concoctait toujours des repas extraordinaires. Cet amour de bien nourrir sa famille avec une constance sans faille, c'est elle qui me l'a transmis je crois. Non que maman ne cuisinait pas pour nous, bien au contraire. Mais disons qu'il y avait un je-ne-sais-quoi s'apparentant au plaisir à accomplir la tâche lorsque Dn. besognait au fourneau qui m'inspirait. Ct. vivait dans une famille unie et j'aimais me retrouvée là, parmi eux. Ct. pratiquait le piano avec beaucoup de discipline. Elle était studieuse, structurée, rieuse, née sous une bonne étoile.
En sixième année primaire, j'ai changé d'école pour aller faire du ballet à tous les jours sur le Plateau. Là, j'ai rencontré An., une autre maille du quatuor. La première image que j'ai d'An., c'est qu'elle tenait un livre et qu'elle lisait, très absorbée. C'est elle qui m'a transmis le goût des mots. An. habitait avec sa mère, dans une ambiance totalement opposée à ce que je retrouvais chez Ct. An. était pour ainsi dire laissée à elle-même. Sa mère l'avait amenée très tôt à développer une indépendance d'esprit et de corps. C'est chez An. que je me suis rasée pour la première fois les jambes.
J'ai à nouveau changé d'école au cours de ma première année au secondaire. Si je me souviens bien, A., la troisième maille du quatuor, n'est rentrée dans ma vie qu'en deuxième secondaire. Entre-temps, j'avais retrouvé Ct. et An. m'avait suivie dans cette nouvelle école. Ct. et An. ont noué amitié et puis A. a intégré notre dynamique parce qu'elles étaient comme nous sans doute. Nous étions de petites revendicatrices, des semblants de rebelles. Nous voulions être originales avec brio. Bien sûr, d'année en année, nos personnalités se sont solidifiées, nos valeurs ont plongées leurs racines dans nos expériences respectives et notre lien a toujours tenu bon. Nous avions une dynamique intéressante, sans tension. Bien sûr, il y a eu quelques chicanes, mais des pacotilles qui se sont réglées très rapidement. Étrangement, nous sommes toujours demeurées unies pendant ces années, même si parfois, l'une s'éloignait du noyau pour cause de relation amoureuse ou de choix de vie nouveau. Unies, mais solitaires, individuellement fortes.
C'est peut-être pour ça que lorsque sont arrivées les années post-secondaire, le noyau s'est désagrégé, que la dynamique a cessé d'opérer. Nous nous sommes retrouvées chacune dans nos vies, dans un autre moment de nos vies. Ct. et moi avons perdu contact peu à peu. An. est restée dans ma vie pendant quelques années encore, mais parfois des mois passaient avant que j'aie de ses nouvelles. A. et moi avons fréquenté le même collège, mais au final, nous avons suivi des formations différentes et lorsqu'elle a terminé ses études avant moi, nous nous sommes séparées pour ne nous recroiser que de façons sporadiques dans la ville.
Avec du recul, je peux dire que j'ai été chanceuse d'avoir été si bien entourée pendant les années charnières de la construction de ma personnalité. Mes amies ont été inspirantes. Elles m'ont insufflé des valeurs que je porte encore en moi. Quand je pense à elles, je sais que j'ai été honoré par leur passage dans ma vie. Elles ont été des muses, des pairs incomparables. Je leur dois beaucoup de moi-même. Merci, où que vous soyez.
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