écraser pour se décrasser
Samedi prendra fin la Semaine québécoise pour un avenir sans tabac. Si je profite de cet événement d'actualité pour nourrir les lignes qui suivent, c'est que je me compte parmi les chanceux à ne m'être jamais rendue accroc de cette affliction. La cigarette tue mais elle pollue aussi et elle pue. Elle transforme en toxicomane, elle enlaidit, elle fait circuler de l'argent qui transige dans les poches de ceux qui n'ont pas votre santé à coeur.
Je suis heureuse d'avoir été un peu influençable lors de ma sixième année au primaire. Ce jour-là, j'étais chez mon amie An. Elle était déjà une jeune fille entreprenante, audacieuse et originale. J'avoue qu'à cet âge-là, sa personnalité si déterminée comparée à la mienne faisait son effet sur moi. Alors quand elle m'a suggéré de tirer sur la cigarette qu'elle venait d'allumer dans la pièce qui servait de chambre d'amis dans l'appartement de la rue De Lorimier qu'elle habitait avec sa mère et l'amoureux de celle-ci, j'ai fermé les lèvres autour du filtre et j'ai aspiré. Instantanément, mon contact avec l'oxygène, ce lien auquel on ne pense jamais tant qu'il existe par nos fonctions primaires, s'est tari, asséché et pour cette grosse seconde-là, j'ai cru mourir. Puis, j'ai craché tout mon soûl. Prochaine chose que je savais, mon corps s'était précipité d'instinct à la source d'eau la plus près - lire ici l'évier de la salle de bain - et j'aspirais le liquide, sachant inconsciemment que presque la majorité de cette transparence est composée d'oxygène. J'ai gobé goulée après goulée pour me ramener à la vie. Cette bouffée de fumée-là, elle venait d'une More menthol. Des années et des années plus tard, j'ai su que la menthe a la propriété de dilater les alvéoles permettant ainsi une pénétration encore plus profonde de la fumée dans l'appareil respiratoire. Chanceuse dans mon expérience qui s'est avérée un véritable turn-off qui m'a marqué au fer rouge.
Mais en fait, peut-être pas tout à fait assez rouge le fer parce que lors de ma première année au cégep, quelqu'un m'a initié au cigarillo à saveur de rhum. À l'époque, on pouvait les trouver en tabagie et il n'y en avait pas une panoplie de saveurs comme aujourd'hui. De nos jours, les bonzes de l'industrie du tabac ont flairé la bonne affaire en faisant l'association "jeunes" et "cigarillos à saveurs adoucissantes", au grand dam des parents qui tentaient jusqu'alors de décourager leurs enfants en leur disant que fumer, ça ne goûte pas bon. Quoi qu'il en soit, quand j'ai essayé ces petits cigares, j'ai beaucoup, beaucoup aimé leur goût. Tant et tellement que je suis allée m'en acheter un paquet que j'ai tout fumé en buvant de la bière dans les heures de la soirée qui a suivi. Il y avait huit cigarillos dans le paquet et quand je me suis rendue au dernier, j'ai eu un de ses maux de coeur pas possible qui m'a fait me précipiter à une cuvette pour régurgiter tout mon soûl. Bonne chose parfois d'être de tempérament excessif. Et décidément pas due. Grand ouf de soulagement.
Je remercie donc mon système qui n'a jamais voulu accepter cette pollution. Grâce à mon corps sensible, je suis libre face à cette substance asservissante. Je souhaite à tous les fumeurs de s'offrir le cadeau de briser leurs fers et de revenir aux avantages d'un monde sans fumée. Vous verrez, l'exhaltation du high naturel que fourni une bonne respiration vaut l'enfer qu'il vous faudra traverser pour revenir à cette restauration de votre cordon ombilical avec l'atmosphère. Du courage.
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