orphelins de l'Éden

1.29.2009

disciple de la discipline

Sous le soleil semblable à un jaune d'oeuf dans ce ciel tout blanc, je suis allée patiner. L'idée m'est venue que je pourrais profiter des rayons pour occuper les heures de cet après-midi paisible et je suis partie à pied en direction du grand parc, un patin au bout de chaque bras.

Parce que j'étais en congé aujourd'hui. Au onzième, les choses bougent enfin et me revoilà donc dans l'obligation de suivre la rotation inscrite sur l'horaire. Puisque je serai au boulot ce samedi, j'ai donc profité de ma journée pour passer un peu de temps avec moi.

J'avoue que j'ai laissé filer les heures du matin devant l'écran de l'ordinateur à passer d'un site à l'autre. C'est si facile de s'égarer dans le monde virtuel. Si facile de perdre pied dans l'effritement des minutes sans volonté. Bien que mes recherches aient été fondées sur des buts, j'ai eu l'impression malaisée d'improductivité.

Alors j'ai refilé mon habit de neige après le dîner et je suis sortie nettoyer l'entrée de la mince couche blanche qui s'était déposée vers la fin de la tempête d'hier soir après que M. et moi ayons pelleté un bon coup avant de nous mettre au lit vers 22 h 15. Tranquillement, un balancement de pelle après l'autre, je me suis soûlée d'air franc à mon rythme. Ensuite, j'ai posé la pelle et j'ai filé là où il y a un huit de glace d'aménagé pour les Hubertois.

Arrivée à la roulotte où l'on peut enfiler habituellement nos patins, je me suis cognée le nez sur une porte barrée. Décidée à profiter du beau moment pour glisser avec amusement, je me suis trouvée un coin du banc de neige autour de l'anneau glacé et j'ai enfoncé mon postérieur de tout mon poids pour créer une chaise qui me permettrait de me déchausser et de me rechausser aussitôt. Une rebelle à St-Hubert-on-the-beach. Regardée là, cette fille contrevient à l'horaire d'inscrit sur la porte. Elle tournoie toute seule au milieu de l'immense espace public. Ma foi, elle semble prendre plaisir à commettre ce délit.

Plaisir, oui. En avançant sur la surface bosselée et marquée de crevasses à éviter pour ne pas bêcher face première, je pensais à mon chéri, léger comme une plume sur ses patins. Dimanche soir dernier, lui, sa soeur Am. et moi, nous sommes allés profiter des superbes installations à disposition des citoyens de Sainte-Julie. M. volait littéralement, rapide, adroit, dégourdi. Sa soeur et moi, nous nous sommes amusées à tenter de reproduire quelques-unes de ces acrobaties, elle avec davantage de courage que moi. Am. a aussi exercée des sports plus extrêmes dans sa jeunesse, de la planche à neige entre autres. L'agilité et la désinhibition de M. lui viennent quant à lui de ses années à faire du rollerblade de rampe.

À utiliser ma force motrice pour me mouvoir sur l'anneau, je pensais donc à mon chéri. Je l'entendais me dire: "Plie tes genoux, porte ton corps un peu plus vers l'avant." Je l'ai revu m'imitant dimanche soir. Bon dieu que j'ai ri. Apparemment, je ressemble à un quatre par quatre sur patins. J'ai donc pratiqué. Profitant de cette aire déserte, j'ai répété mes changements de direction en croisant mes pieds un devant l'autre. Mes gestes manquent d'assurance, mais à force de les faire, ils s'installeront dans moi pour devenir naturels, apparentés à la souplesse des mouvements réflexes.

Au bout d'une grosse demi-heure, j'ai rechaussé mes boîtes et j'ai bouché mes oreilles des écouteurs qui cracheraient les mélodies qui m'accompagneraient jusqu'à la maison, en empruntant le long chemin pour le retour. Bertrand Cantat a entonné Des armes et je me suis sentie si vivante au coeur de cet espace blanc, même si c'est un meurtrier qui m'émouvait. Ces paroles, cette voix, elles me sont rentrées dedans, véritable dose de poésie totalement en synchronisme avec l'instant. On ne sait jamais ce que la vie nous réserve. Il ne le savait pas non plus Bertrand que l'alcool, sa jalousie, sa violence feraient disparaître Marie. Mais c'est comme ça parfois. Les événements nous dépassent. Même si au fond, ce sont nos sentiments qui motivent nos gestes. Et que plus que l'on pratique des gestes émanant de bons sentiments, plus ils deviennent naturels et garant de notre volonté réflexe. Humain, maîtrise-toi.