orphelins de l'Éden

10.07.2008

collisions subtiles

Deux fois aujourd'hui que je me suis fait dire que j'ai l'air fatigué. Moi la marmotte qui revendique le droit à son huit heures de cocotte par nuit, j'ai, en effet, moins de six heures de sommeil dans le corps. Plus qu'un droit en fait, un véritable besoin. Mes heures de repos remplissent mes batteries et me garantissent un esprit sain. Ce qui est mieux pour tout le monde.

Si j'ai si peu dormi, c'est que je me suis bougé le popotin jusqu'à tard hier soir au son grunge de Beck, accoutré pareil à un Juif hassidim avec son ample chemise blanche tassée sous un complet sombre et son feutre sur la tête. Un concert décoiffant pour tout dire, alignant les chansons à un rythme essoufflant. La messe rock s'est ouverte sur son plus gros tube et une fois lancé, ce génie a poursuivi son chemin dans son vaste répertoire. À la fin du spectacle, il a invité les membres de MGMT, groupe qui a assuré brillamment la première partie de la soirée, à le rejoindre sur scène pour qu'ils improvisent ensemble. Les deux bands fusionnés ont donné une prestation originale, pleine d'énergie joyeuse et authentique. Assurément un beau moment dans nos vies.

Alors vers 14 h, cet après-midi, mes paupières se sont alourdies considérablement, mais il faut dire pour ma défense que même avec mon huit heures de sommeil dans le corps, les journées sont longues au onzième ces temps-ci. Je me retrouve souvent à devoir lire des documents officiels rédigés dans une langue de bois. Mon cerveau est lent. Je suis de celle qui croit au pouvoir entraînant d'un rythme de vie stimulant et soutenu. Plus on est occupé, plus on a d'énergie pour vaquer à ces occupations. Inversement, si notre quarante heures semaines ne nous rentre pas dans le corps, nous en sortons presque plus épuisés. Bon, d'accord, je vous entends déjà rouspéter et dire que j'exagère, que d'avoir une pause de temps en temps, ça fait du bien. Oui, accordé. Ce que je veux surtout insinuer, c'est qu'une pause qui s'allonge et s'éternise, ce n'est pas bon pour l'esprit ni la volonté. Ça transforme en amibe et ça bouffe l'entrain. L'humain est fait pour le travail. Il a besoin de faire aller ses neurones, ses dix doigts, ses deux pieds. Il a en lui de s'épanouir par l'effort et l'accomplissement.

Est-ce que je m'accomplis en dehors du onzième? Oui, bien sûr. Malgré cette paresse qui me nargue de son opium, je me pousse à me réaliser, à continuer mon boulot de femme, d'être humain, de conjointe, de propriétaire du paradis, de citoyenne, de voisine, de collègue. Je réussis à fermer mon jardin, je sème le sourire aussi souvent que je le peux, je colle mon front à celui de Nougat le gros chat ou à celui de M., je parle à ceux qui me tendent la parole, je marche au petit matin.

J'aime cette nouvelle habitude de marcher pour me rendre au boulot. Je longe René-Lévesque et après deux semaines, je reconnais déjà les signes qui me disent que je suis inscrite dans une routine qui croise le chemin de d'autres routines. Deux coins de rue après ma sortie du 1000 de la Gauchetière, je vois cet homme bossu qui traverse Peel. Plus loin, passée le Crystal, je croise un joggeur. Arrivée au coin de Guy, j'aperçois un homme dans la soixantaine,vêtu d'un jean et d'un coupe-vent bleu. Environ à ce moment, un homme au sac en bandoulière, installé sur un scooter blanc, passe à ma gauche, dans le flot constant des véhicules. Devant le couvent, je croise un homme de mon âge, au visage rond et très pâle, tiré à quatre épingles, mais grelottant dans l'air glacial. Ensuite, devant le Musée de l'Architecture, un Asiatique âgé droit comme un i marche de l'autre côté de la rue dans la même direction que moi. Finalement, quand le onzième surgit au loin, une jeune femme aux chaussures brunes vient parfois dans ma direction sur le trottoir, mais pas à tous les matins. Deux semaines et déjà une routine. À croire que la régularité nous assure notre emprise sur les jours qui filent. À croire que nous sommes unis par ces chassés-croisés invisibles. Seuls, ensemble.

2 Comments:

At 8:26 p.m., Anonymous Anonyme said...

100% d'accord avec toi : les pauses trop longues sont pire que les journées actives. Pis en plus ça passe plus vite quand on s'active bien...

J'ai passé une pause de 10 jours , je peux te dire que je suis bien contente de me voir assigné le mur droit de l'avion cette semaine. Oui oui , je fixe le mur droit, rien de moins ! C'est long , d'une précision sans bornes mais oh combien stimulant !

Tellement que ce soir, je suis vraiment morte de fatigue et que je serai au lit avant 21hrs

M-H

 
At 9:13 p.m., Anonymous Anonyme said...

« ….Ce que je veux surtout insinuer, c'est qu'une pause qui s'allonge et s'éternise, ce n'est pas bon pour l'esprit ni la volonté. Ça transforme en amibe et ça bouffe l'entrain… » mais c’est bon pour la digestion dans son ensemble!!

Sourires et énergie à vous
Bonne journée
Cd-Zin

 

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