orphelins de l'Éden

8.27.2013

coin de paix

J'habite mon quartier, par toutes ces sorties à pied quotidiennes, depuis des années maintenant.  Je connais plusieurs de mes voisins, superficiellement, mais tout de même, nous nous saluons si nous nous croisons, nous jasons parfois un peu.

Bonjour madame D., je vous le dis, votre gazon est le plus vert de toute la rue.  Elle est secouée d'un rire gêné, fidèle à elle-même.  Cette grand-maman aux yeux perçants qui vit seule, à moins d'une dizaine de maisons de la mienne, j'en suis venue à la saluer parce qu'elle entretient bien son terrain et qu'elle le fait souvent.  Au bout de plusieurs fois à passer devant chez elle en marchant, me rendant au petit parc avec les cocos, le salut est venu de lui-même, et puis, de petites jasettes de rien du tout, toujours sympathiques et positives.  Merci madame D. d'avoir égayer mes journées par nos conversations sporadiques, que je lui ai dit la semaine dernière.  Il est temps pour moi de retourner au travail.

Elle le savait que ce moment venait, nous en avions parlé.  Tout comme avec monsieur L., un autre voisin, celui du tilleul immense, fournisseur de minuscules billes, très appréciées des petites menottes de fillette.  Tu es prête, qu'il me demande il y a deux semaines.  On ne peut plus, que je réponds.  Il le faut bien.

Et puis, ma voisine d'en face, Ll., me confie en venant m'offrir un bol de prunes violet foncé à la chair jaune tout juste cueillies dans sa cour arrière hier, qu'elle n'a bénéficié que de quatre mois pour ses deux derniers, à l'époque.  Tu es chanceuse d'avoir pu rester tout ce temps auprès des tiens.  Oui, je le sais.  Je l'ai apprécié ce bonheur tranquille des quatre dernières années, qui m'a permis de couver mes tout-petits.

Cette toile communautaire, je l'ai tissée au fil de tous ces jours d'insulaire.  Seule à vivre mon congé de maternité.  Me souvenir des silences d'hiver des premiers mois de garçon qui m'ont vu si impatiente dans l'attente de M., revenant du travail en début de soirée, à chaque jour fini, comme un chien fidèle.  De cette impression d'éternité qui s'est répétée avec l'arrivée de fillette, avec la différence d'une plus grande fatigue d'accumulée, dans l'accomplissement du maternage, de l'entretien de la maison.  De la liberté délicieuse des journées plus chaudes, qui nous ont permis de recommencer à sillonner les trottoirs et pavés de notre petit coin du monde.

Salut, madame C. et ton chien Lexie.  Salut monsieur R., ours mal léché au coeur de miel.  Salut, monsieur M. et madame G., couple béton, partenaire jusqu'au bout des ongles, et à vous aussi, madame P. et monsieur R., marcheurs invétérés, main dans la main, beau temps, mauvais temps.  Salut à toutes les petites familles croisées au petit parc.  Salut petit parc, qui mérite autant, sinon plus, d'être reconnu que tous les autres, tellement tu as été au centre de nombreuses rencontres fructueuses et de moments d'intimité avec mes cocos.

Je serai toujours là.  Seulement, plus souvent ailleurs.