orphelins de l'Éden

5.13.2010

la moyenne

Pendant que je démêlais la brassée de guenilles toutes chaudes sorties de la sécheuse, je jouais à coucou avec garçon couché sur la table à langer a.k.a. la table à plier les lessives propres. Il rigolait à chaque linge déposé sur son visage. Il est où Bo.? Il est où? J'ai beau répété cette action suivie de cette question une tonne de fois, le jeu l'amuse toujours autant. Dans son excitation, il retient sa respiration quand le tissu recouvre son faciès. Je lui dis: Respire poulet, respire. Lui ne demande qu'à poursuivre cet échange amusant.

Tout à coup, ça sent l'asperge.

Je pense que c'est peut-être le dernier pipi de monsieur évacué dans l'évier de la salle de bain que j'ai oublié de rincer qui fait flotter ce relent. Parce qu'il faut dire que monsieur mange maintenant des asperges depuis hier et comme moi, l'odeur de son urine peut en témoigner. Je continue à jouer et à observer le pantalon de garçon tout à la fois. C'est bientôt le temps d'un autre pipi, mais pour l'instant, aucune trace mouillée dans son entrejambe cependant que l'odeur est bien présente elle.

Ça serait pratique si tous les aliments provoquaient ce phénomène biochimique. Ainsi, je n'aurais pas tout le temps à toucher le pantalon de garçon pour détecter un accident lorsqu'il est assis dans sa chaise haute par exemple ou en indien entre mes jambes, dos à moi. Mon odorat suffirait pour repérer les fuites.

Je termine de plier les linges et quand je viens pour prendre garçon afin d'aller ranger ceux de la cuisine, je réalise que l'urine avait imbibé l'arrière de son pantalon. Monsieur l'asperge va.

Sinon, il y a de meilleurs jours que d'autres dans cette aventure de bébé pas de couche. Mais plus nous persévérons, plus nous constatons que Bo. saisit le concept d'évacuer lorsque nous le lui proposons. Je sais bien que l'un des buts de l'hygiène naturelle est d'en venir à comprendre la façon qu'a l'enfant de communiquer ses besoins d'évacuation, mais pour être honnête, dans notre cas, j'ai l'impression que c'est davantage garçon qui apprend à laisser aller quand nous l'installons sur son petit pot. Chose certaine, l'expérience n'est pas contraignante pour lui et il ne passe pas des dizaine de minutes de suite vissé à son mini trône. Nous ne sommes pas des fans de performance. Il fait une association, tout simplement.

Monsieur l'asperge est encore un poids en extension. Lors de notre visite chez ta pédiatre, Dr. Y. nous a confirmé que tu poursuivais ta lancée aux deux extrêmes des courbes de croissance. Deux extrêmes parce qu'il y a deux courbes: une pour le poids et une autre pour la grandeur. Dans mon livre à moi, il faudrait réunir ses deux données et n'en faire qu'une seule parce que dans le cas de Bo. par exemple, il figure dans le 10ième percentile pour le poids, assez logiquement d'ailleurs puisque simultanément, il atteint les 97ième percentile côté grandeur. Une moyenne du poids et de la grandeur, voilà qui serait définitivement plus représentatif.

Avant la rencontre avec Dr. Y., je me sentais comme une gamine devant passer à la confesse. Je me préparais mentalement à lui avouer que nous n'avions pas utilisé de crème à base de cortisone tel qu'elle nous l'avait prescrite pour la peau de Bo. Je m'imaginais son speech moralisateur sur l'importance de suivre les consignes des médecins, surtout qu'il y a deux semaines, quand les rougeurs ont empiré, j'avais obtenu d'elle un billet pour consulter un dermatologue. À ce moment-là, elle avait prescrit une crème encore plus concentrée en cortisone, que bien sûr, nous n'avons pas appliquée. Bref, je n'ai pas eu à passer aux aveux parce qu'elle a trouvé que sa peau allait beaucoup mieux, certaine que son traitement avait été suivi à la lettre.

Je ne suis pas passé aux aveux parce que de toute manière, Dr. Y. est très occupée à nous débiter son savoir de médecin. La rencontre est brève, mais elle y va de questions banales et machinales sur le développement de garçon: répond-il à son nom? passe-t-il des objets d'une main à l'autre? s'asseoit-il en tenant seul pendant quelques secondes? Quand elle en vient à: mange-t-il? et que je réponds oui, elle y va de ses recommandations tirées du guide alimentaire canadien. Un véritable enregistrement tellement la cassette est bien huilée. À la croire, il faudrait que garçon mange trois repas par jour: céréales le matin et le soir, protéines le midi, légumes deux fois par jour, fruits trois fois par jour. C'est pas un garçon de six mois qu'on a, c'est un bûcheron. Nous l'écoutons et sachant très bien que ça ne changerait rien d'engager la conversation, M. et moi opinons passivement. Oui, oui, madame la médecin. Elle poursuit ses recommandations express en ajoutant que Bo. arrive à l'âge où il explorera les environs de la maison qu'il faut sécuriser - non, vraiment? - et pensez à bloquer les escaliers bien sûr - ouf merci du conseil, on est de pauvres nazes. Parfois, il me faut mordre ma langue et me rappelez que des discours de la sorte sont construits pour monsieur-madame-tout-le-monde. Pour elle, nous ne sommes qu'un dossier parmi la pile de dossiers.