orphelins de l'Éden

3.05.2009

mots clefs: pour mon dossier personnel

Deuxième trou dans une veine. Au creux du bras gauche cette fois-ci, parce que mardi dernier, l'infirmière qui m'a fait la prise de sang était aussi nerveuse qu'une stagiaire et qu'elle m'a fouillé le vaisseau bien dodu pourtant en changeant l'aiguille trois fois de place. Aujourd'hui, la technicienne au laboratoire privé a fait ça en un tournemain, en vraie pro.

Quand elle a vu mon nom, elle n'a pas pu s'empêcher de dire que c'est elle qui avait procédé à l'analyse de la fiole de mardi et puisque je sais que le taux de HCG est supposé doubler ou à peu près aux deux jours, je lui ai demandé à cette douce femme ronde et blonde si je pouvais avoir les résultats aujourd'hui ou peut-être samedi, lorsque je viendrais pour ma dernière des trois prises de sang nécessaires pour constater ou non l'évolution du taux de l'hormone de grossesse dans mon système. Elle m'a répondu très gentiment que malheureusement, elle ne le pouvait pas parce que ce n'est pas précisé par le médecin sur la prescription demandant ces analyses. Elle m'apprend en effet que si je l'avais demandé au médecin, il aurait pu inscrire une mention toute simple me permettant d'avoir les résultats pour mes dossiers personnels. Incroyable comme il faut apprendre ces choses à nos dépens. Oui bordel, M. et moi aurions grandement apprécié avoir cette information avant notre rencontre médicale de vendredi prochain pour ainsi nous épargner une autre semaine d'incertitude.

Même si au fond, nous savons que tout va bien. Que tu es encore là petit être, que tu as écouté les prières de tes parents et que tu continues à creuser ton nid comme le dit si bien ton papa.

Mais tout de même, voilà un autre exemple de notre système de santé occidental qui nous rend si obligés face au bon vouloir du corps médical. Les docteurs savent, les docteurs connaissent, les docteurs palpent et prescrivent, ils scrutent et comparent, ils diagnostiquent, ils traitent nos corps, notre santé globale, notre bagage personnel, héréditaire. Les docteurs nouveaux détenteurs des clefs de notre bien-être. Après le prêtre nous passant à la confesse, des décennies de blouses blanches qui détiennent les secrets de la vie et de la mort.

Bien sûr, j'use d'ironie, mais à peine. Combien d'entre vous avez déjà osé remettre en question ce qu'un médecin vous avait collé comme étiquette sur la santé ou tendu comme prescription. Combien seulement posent des questions lorsqu'ils sont là devant cet individu tout-puissant qui s'exprime dans un jargon mystérieux pour décrire les sources de vos maux. Pour ma part, il m'a fallu vivre des expériences assez particulières dans un aspect de ma santé pour comprendre que d'un médecin à l'autre qui observait mon cas, le diagnostique changeait parfois, ainsi que la médication prescrite. Je précise ici que ce n'est pas le cas pour tous les problèmes de santé qui m'ont amené à l'hôpital ou en clinique, mais disons que mon attitude a commencé à changer dès lors. J'ai réalisé que les docteurs sont des êtres humains avec une capacité x à emmagasiner des connaissances y, tout comme moi. Tout comme moi, ils doivent se plonger dans des lectures pour saisir des affections qu'ils n'ont pas croisées auparavant. Aussi, quand on y pense bien, les médecins généralistes ne sont pas des spécialistes et les spécialistes orientent leur pratique selon une école de pensée ou selon ce que l'industrie pharmaceutique leur suggère comme nouvelle pilule miracle. Tout ça en plus de toutes les maladies possibles à supposément connaître sur le bout de leurs doigts, toutes les variantes exceptionnelles, toutes les dimensions infiniment nombreuses de la santé d'un individu. Un médecin est un être d'expériences professionnelles, de préférences de pratique, de valeurs propres influençant son regard sur le processus de guérison à privilégier et sur le concept même de la santé. Un médecin est un humain.

Pendant des années, j'ai été suivi par une femme médecin que j'étais allée rencontrer dès mon arrivée au cégep. De là, elle a été mon lien principal avec le monde de la santé pendant des années. J'allais la voir pour mes examens gynécologiques annuels. Plus tard, ma santé m'a joué des tours et j'ai dû rencontrer d'autres médecins, spécialistes ceux-là. Mais je continuais d'aller la voir elle, une fois l'an, pour renouveler la prescription de mon anovulant. Dr. V. était chaleureusement à l'écoute, totalement au courant de toutes les sphères de ma santé. Je n'avais aucun secret pour elle. Je me disais que si j'omettais des informations me concernant, elle n'aurait pas toutes les pièces du puzzle qui lui permettraient de mieux me suivre. Je me voyais sous son aile pendant des années et des années encore. Mais un jour, elle m'a annoncé qu'elle passait au privé et qu'une de ses collègues prendrait mon dossier. Dr. B. est très gentille, très compétente, mais j'ai alors eu l'impression d'avoir perdu une complice importante de ma vie.

Parce que dans mon idéal, un médecin, c'est quelqu'un qui devient un partenaire pour du long terme. Mon médecin devrait être capable de me reconnaître lorsque je pénètre son bureau, de prendre le temps de combler le vide en procédant à un bilan de santé assurant un aperçu de l'interlude s'étant écoulé depuis notre dernière rencontre. Il devrait aussi répondre à mes questions, ne pas me faire sentir comme une incapable, une non initiée. Ma santé, je la porte à tous les secondes qui coulent dans les sables du temps. Je suis concernée, nécessairement. Concernée et désireuse de comprendre. Un bon médecin arrive à vulgariser à son patient, à le rassurer ou à lui dire la vérité sur la gravité de la situation, mais avec humanité. Un bon médecin est connecté à la personne qui consulte.

Je sais que les médecins travaillent dans des conditions de consultation et de traitement extrêmement contraignantes. Je sais qu'il y a une pénurie de blouses blanches inversement proportionnelle à la hausse des besoins sociaux côté santé. Et comme je l'ai déjà dit dans cet espace, je crois que c'est à nous citoyens d'optimiser nos rencontres avec ces professionnels, de s'informer avant la rencontre sur notre possible problème physique, de tirer le meilleur de la rencontre au moment où elle survient, de poser toutes les questions et de préparer le prochain rendez-vous en dressant une liste de questions qui sont survenues après coup. Je crois qu'il est de notre devoir de nous responsabiliser en s'alimenter de façon optimale, en se maintenant en bonne forme, en cultivant notre jardin intérieur. Mais en contrepartie, ce que j'aimerais parfois du corps médical, c'est un petit peu de confiance de leur part sur ma capacité à saisir les informations liées à ma santé. De grâce, que cette barrière entre le patient et le personnel soignant s'amincie pour laisser filtrer des notions qui nous aiderait à prendre en main notre santé, vraiment. Parce que notre santé, elle n'est pas dans un dossier coincé entre des milliers d'autres dossiers. Notre santé, elle est nous, constamment.

1 Comments:

At 8:32 p.m., Anonymous Anonyme said...

Je t'aime fort et te serre fort dans mes bras!
Courage et foi
J.

 

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