orphelins de l'Éden

7.24.2006

exercice de fiction

Je m'emmerde. Métro boulot dodo. Typique. L'humain est un tas de pas grand chose. Pas facile. Pas jojo de déambuler dans des lieux de je m'en foutisme où celui qui crie à s'en arracher le larynx est évité comme un cône incongrûment apparu de nulle part. Peu d'espoir. À part pour les histoires de chamans et de dalaï-lamas, maudits surdoués toujours là à nous barber la médiocrité, l'ordinaire. Vous êtes uniques. Eh bien, mon unicité a oublié son guide de l'utilisateur dans un bac de recyclage. Sur un coin d'asphalte. Sous un soleil de grisaille. Je m'emmerde.

Normalement

Je me lève trop tôt. J'éteins mon foutu réveil-matin avec l'entrain d'une nonne qui jure. N'importe quoi. Pour que le corps s'éveille à cette réalité qui se détache des rêves, je me plante dans ma douche. Et ça y est que la machine à pensées reprend du service. Dans la buée, je passe du point A au point B parce que le pragmatisme me sécurise. Faire le lunch, déjeuner, lire un brin de journalisme, écouter une radio ouverte sur le monde, nourrir mon gros chat, donner une bise toute moelleuse sur les lèvres framboises de mon chéri à l'abri dans la couette toute chaude, se retenir pour ne pas plonger près de lui, fermer la porte à clef, fouler la rue endormie, rencontrer M. Jean Roy qui revient d'acheter son journal, m'engouffrer dans le ventre du dragon et me laisser balloter dans le dit habitacle au décor orange et blanc bourré de gens et surtout de cet électricien habillé de sa tenue bleu royal qui m'indique que je suis bien à l'heure. Pas de bracelet-montre. L'heure est partout dans la ville. Surtout que les écrans se multiplient, les tableaux indicateurs clignotent, les poignets se montrent, les téléphones publics se décrochent.

Mais aujourd'hui, je n'ai pas envie de descendre à Lionel-Groulx et de transférer. Je n'en ai pas envie. Je ne veux pas m'emmerder. Pas une journée de plus. Je continue. Et quand les portes se referment et que je réalise à peine que l'électricien avec qui je descends toujours est parti et que je suis toujours assise, j'ai peur, une peur bleue. Qu'est-ce qui me prend? Tout à coup, je réfléchis. Mon côté pragmatique. J'ai chaud. Une station, deux stations. Je pourrais me lever. Me ressaisir. Retourner au bercail. Doucement, ne pas faire d'esclandre, continuer à m'emmerder, ne pas le dire trop fort. Le droit chemin, le chemin droit. La ligne directrice. Et puis, je m'éloigne. Sur les poignets, les aiguilles courent. Mon sang s'active. Mais enfin, je pourrais prendre un jour de maladie. Oui, c'est ça. Je ferai ce que les autres font. Penaude, je me ressaisis enfin. La pression au niveau du sternum se démantèle sous l'effet miraculeux de cette solution deux poids, deux mesures. Je suis malade, eueu... Une toux subite, merci Pauline. Oui, oui, je me reposerai, sois tranquille. Victoire de la poule mouillée. Pour une journée.

Heureusement

J'ai quelques jours en banque. J'accumule mes jours de maladie par mes bons services à l'état. Eueu... toujours malade, oui Pauline, ça ira mieux demain sans doute, une nuit troublée, des yeux pochés, un front humide. À demain, c'est ça. Mon chéri m'observe. Un sourire narquois me laisse entrevoir qu'il ne m'en veut pas trop de jouer avec le système. De toute façon, je n'ai tué personne. Je les ai travaillé ces foutus privilèges. Il le sait, je le sais. Je culpabilise à peine. Basta. Deuxième journée de farniente. Je prends mon appareil photo et je file. Il enfile ses pantoufles et se met à table pour poursuivre la découverte mathématique qu'il espère tant.

Je continue à marcher. Le vent sec me lèche la peau dénudée pendant que le soleil s'occupe de me la chauffer. Belle collaboration des cieux. Au bureau, c'est un air climatisé qui me conserve. Été comme hiver, je me promène avec un foulard bien serré autour du cou. Mes collègues me voient en gentille tarée. Une excentrique au manteau à carreaux qui se soucie de sa santé. Une indisciplinée de l'aspirine. Sympa. Oui, c'est ça, je suis une disciple de la lubie, une adepte de la vie biscornue. Je mange des plantes, des tubercules, des légumes secs, des petits plats faits avec entrain et souci de mon équilibre. Végé bébé, végé.

Calmement

Je m'étends sur le sol. L'amoureux me laisse décanter pendant qu'il m'apprête un petit plat. Sur ce sol, mes membres se décontractent. Son plat est goûteux, il est mien, énergie nouvelle. La pluie se jette discrètement sur les parois de notre chez-nous. Je suis amoureuse. Un peu moins emmerdée.

Doucement

Le matin me rappelle que je suis une femme étendue près d'un homme, au chaud. Levée, pipi du matin terminé, je convainc Pauline de mon état pitoyable. Oui, oui, je vais aujourd'hui chez un médecin. Je crois bien qu'une semaine suffira. Merci Pauline. Hasta la proxima. L'emmerdement, ça se soigne, c'est certain.

1 Comments:

At 12:18 p.m., Anonymous Anonyme said...

Il y a ces instants où nous ne voulons pas être gérer, ni par le temps, ni par le boulot, ni par quoi que ce soit.Ce refus total c'est aussi le plus beau geste que l'on peut s'offrir à nous-même.S'auto-réaproprié notre être. Sous tes mots, c'est de l'eau fraiche. S.

 

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