orphelins de l'Éden

4.30.2012

sans mal

Pile la journée de tes deux ans et demi, tu deviens fiévreux tout à coup, et en plein rendez-vous à la banque - parce que nous travaillons à notre renouvellement hypothécaire -, tout ce que tu veux c'est de te coller à moi.  Nous ne savons pas alors que notre grand chaton se tape sa première maladie infantile.  Pieds-mains-bouche s'affirmera dès le lendemain en se manifestant en vésicules autour de tes lèvres et sur ton popotin.  Tout ça parce que tu avais vu ton ami E. le Brésilien le dimanche précédent et que lui-même l'avait contracté de Mx. l'Ukrainien qui lui, l'avait chopé à leur garderie.  Une saleté plutôt contagieuse qui heureusement s'avère somme toute bénigne.  Les boutons, qui apparaîtront également sur tes mains et de tes genoux au bout de tes pieds, sécheront au bout de sept à dix jours, bien que le risque de contagion perdurera jusqu'à un mois par contact avec tes selles.  Aucun traitement nécessaire cependant.  Ça aussi c'est une bonne nouvelle.

Malheureusement, tes amis chez Cr. vont sans doute devoir passer au travers eux aussi car avant même que les symptômes ne deviennent apparents, tu étais porteur et transmetteur.  Les autres parents ont été compréhensifs et une maman a même déclaré que ça renforcerait les défenses de ses garçons.  De fait, pieds-mains-bouche confère une immunité à vie.  Mais quand même, nous n'aimons jamais être ceux par qui la maladie arrive.  

Fillette semble s'en tirer pourtant.  Peut-être encore grâce au pouvoir protecteur du lait maternel.  D'ailleurs, M. et moi aussi, nous semblons nous en tirer parce que bien que ce soit une maladie infantile qui affecte habituellement les enfants de moins de cinq ans, les adultes peuvent en souffrir grandement.  Le papa de Fr., une amie de garçon, fut même hospitalisé lorsqu'il la combattit.

Il faut dire que la plupart d'entre nous aurait été immunisé tout petit, mais que dans notre temps, les boutons étaient vus comme une éruption passagère, sans autre diagnostic.  L'appellation pieds-mains-bouche est relativement récente, assez du moins pour que beaucoup de nouveaux parents se demandent "qu'est-cé-ça".  Le papa de Fr. est Cubain.  Peut-être est-ce pour cela qu'il a dû vivre sa bataille avec ce virus.  Un genre de bienvenue empoisonné par sa terre d'accueil.  Tu veux t'installer ici, eh ben, va falloir faire du rattrapage au niveau de ton système immunitaire.

Non mais sérieusement, est-ce que la maladie, quelle qu'elle soit, n'impose pas elle-même les limites de ses ravages.  Elle ne choisit pas une terre, elle s'implante plutôt dans un terreau.  Au-delà de notre géopolitique, il y aura toujours sa loi impérieuse et malgré les progrès de la science, elle lorgne la vie avec appétit.  Remercions le jour pour notre santé.  À chaque nouveau matin.

4.23.2012

tout donner pour mieux laisser aller

Je n'y étais pas, mais il paraît qu'il s'est tenu bien droit sur son siège tout au long de la représentation, qu'il dodelinait de la tête aux rythmes de la trame musicale livrée en direct et qu'il applaudissait aux bons moments, pour participer à l'enjouement général.  C'est ainsi que garçon a vécu sa première expérience circassienne.  Ça ne m'étonne pas.  C'est tout lui d'être branché sur la vibration qui l'enveloppe et de se laisser traverser par elle.  Garçon est sensible de cette façon-là.  Monsieur l'empathique qui aura bientôt deux ans et demi.  Que ce don demeure tien jusqu'au bout de tes jours.  Ainsi, tu porteras la clef de l'harmonie qui te permettra de lire les coeurs tout autour.

Et pendant que Bo. continue à m'émerveiller, fillette le fait à sa manière qu'elle a de tourner sur le ventre lorsqu'elle est sur le dos et sur le dos lorsqu'elle est sur le ventre.  Plus forte que ne l'était garçon.  Tandis qu'il se contentait de tout absorber depuis une posture de contemplation, elle n'en peut plus de cette léthargie qui l'empêche de se lever pour marcher.  Sans blague, ses abdominaux sont si développés qu'elle est sur le point de se tirer en position assise quand je l'appuie sur un oreiller.  Demoiselle est de type moteur je crois bien.  À bientôt quatre mois, elle se rapproche à chaque jour un peu plus de cette autonomie musculaire qui marquera le début de la fin de notre fusion physique.  Avant que cet instant ne nous surprenne, je me réjouis de te porter tout contre moi, en boulette au creux de mon bras, et puis demain déjà, tu repousseras les limites de ton monde sans moi.  

4.19.2012

renverser la vapeur

Tandis que les magnolias sont sur le point d'exploser en fleurs et que les jonquilles ont déjà déployé leurs ombrelles curcumine, je remarque de plus en plus de papillons qui virevoltent sous le soleil de mon trente-quatrième printemps.  Ils me rappellent ceux de mon enfance, les printemps en campagne, où les monarques étaient nombreux à fendre l'air de leur zébrures distinctives.  À ce moment-là, leur présence allait de soi.  Aujourd'hui, leur population a chuté vertigineusement et les environnementalistes sonnent le glas.  Notre monde change vite.  Les dommages de notre empreinte écologique étiolent les beautés naturelles.  À ce rythme, que seront mes printemps futurs.  La faune et la flore relèveront-elles des légendes plus que de leur réalité.  Quand on sait par exemple que selon des études, les mers seront vidées de leurs poissons pour cause de pêches abusives d'ici trente ans, comment ne pas frémir.  Serons-nous endiguer ces sombres perspectives et reconnaître le trésor précieux qui scintille sous nos yeux, dès ce jour, sans pour autant vouloir le piller.    

4.11.2012

liens

Ma soeur B. l'a enfin rencontrée.  Il faut dire qu'elle habite à deux heures et demie de route de chez nous et que depuis que son mari a quitté pour Beijing, ses journées sont bookées de bord en bord comme on dit.  Il a quitté pour la capitale chinoise parce qu'il a décroché un autre contrat de travail qui fait que toute la petite famille retourne vivre sur le continent asiatique pour un autre trois ou quatre ans dès juillet.  D'ici là, ma soeur doit continuer à travailler, à s'occuper des enfants et de leur immense maison rose, en plus de préparer un déménagement international.  Superwoman, c'est elle.  Tout ça pour revenir au fait qu'elle n'avait pas encore rencontrée fillette.

Quand je suis allée coucher garçon pour sa sieste, elle s'en est occupée.  Nous étions tous réunis pour la Pâques chez maman et Jc. et quand je les ai retrouvées au sous-sol, B. tenait fillette bien serrée contre elle.  Cette petite humaine de trois mois qui ne la connaissait ni d'Adam ni d'Ève se sentait en sécurité près d'elle.  C'est que fillette est dans cette phase où je suis son soleil, sa lune, son univers tout entier, ou presque.  Mais avec cette tante, à la voix si similaire à la mienne, qui avait décidé qu'elle l'aimait sans borne, elle s'est abandonnée.  Cette image de ma soeur tenant fillette contre elle, je la grave dans mon coeur tellement elles étaient belles dans cet instant de partage tout amour.  Et un jour, lorsque nos têtes auront blanchi, je t'en reparlerai, chère complice depuis mes premiers jours, pour te rappeler peut-être à quel point tu es unique et attachante, pleinement toi-même.

4.05.2012

extensions

Quand tu te réveilles, tu pleurniches.  C'est ton appel à nous.  Ohé, venez me chercher.  Alors, je viens et je te déballe.  Parce que lorsque tu dors dans l'îlet, c'est que tu t'es assoupie tout emmaillotée, en chialant une plainte qui me jette ton haleine au visage, que je trouve délicieuse à respirer bien sûr, en bonne maman gaga.

À ton réveil, tu veux le sein, même si seulement une heure et demie s'est écoulée depuis la dernière fois.  Tu es une gourmande.  Tu bois souvent et donc, tu régurgites l'extra une fois de temps en temps.  Ton papa était un peu mal pris ce weekend lorsque c'est arrivé à deux reprises, avec un sursis qui lui avait juste laissé la chance de vous nettoyer toi et lui.  C'est comme ça avec un petit bébé.  Il faut être près à se faire barbouiller, mais surtout, il faut être prêt à débarbouiller.

Et puis, tu m'as fait un magnifique cadeau lundi soir, juste avant que tu ne t'endormes pour notre nuit.  Tu m'as donné deux éclats de rire, composé chacun de trois sons cristallins qui m'ont permis d'entendre une précision de ta voix m'a-t-il semblé, ces sons étant fort différents de ceux de tes gazouillis, adorables eux aussi, bien sûr.  J'en ai eu des larmes aux yeux tellement tu m'as prise par surprise.

Et puis, ce lundi-là, deux autres évènements sont venus consolider l'importance de ce jour, une te concernant et l'autre à propos de ton grand frère.  Toi, c'est que je t'ai installée dans la poussette pour une première marche de centaines dans ce véhicule et que tu as aimé au point d'en faire une belle sieste au grand air.  Nos marches avec l'Ergo se limiteront maintenant à nous rendre chez Cr. l'éducatrice de garçon pour aller le cueillir à la fin de sa journée avec ses amis.

Pour garçon, c'est qu'il a fait pipi debout.  Avec M., ils sont partis après le souper pour faire une grande marche dans le grand parc.  Ne voulant pas faire de pipi avant de partir, ce qui devait arriver arriva.  L'envie s'éveilla lorsqu'ils parvinrent pile à la moitié du parcours.  M. était confiant que garçon comprendrait cette fois comment se soulager debout et il eut raison.  Il était fier de son coup mon petit bonhomme.

Quant à moi, un dernier vestige de ma grossesse de toi se concrétise, un an après ta conception.  Je perds mes cheveux abondamment.  Je m'y attendais vu la chute capillaire intense qui m'avait éclairci le coco quatre mois après la naissance de garçon. Dans ton cas, il n'en aura fallu que trois avant que les hormones ne décident de me plumer.

Mon corps ne gardera plus que les varices pour lui rappeler qu'il fût un vaisseau.  Jusqu'à ce que je me décide à aller quérir l'expertise nécessaire pour soigner ces vaisseaux.  Heureusement, une fois eux effacés, restera pour toujours vos deux bouilles adorées.  Mon usure vaut mille millions de fois votre belle santé.