orphelins de l'Éden

8.30.2011

houles

Une journée chargée d'émotions s'achèvera après avoir pondu ce qui suit. Émotions éveillées par des évènements divers, donc émotions mixtes.

C'est aujourd'hui que je rencontrais le nouveau toubib pour mon suivi de grossesse, nouveau parce que souvenez-vous, mon baba cool s'était avéré assez hard core quant à son opinion sur la sage-femmerie et moi, ce genre de réaction agressive, je n'en ai pas besoin. Le hasard avait fait que c'est l'obstétricien qui a suivi ma soeur G. pour ses deux grossesses qui m'avait été proposé au moment de ma demande. Ma soeur G. m'en avait dit beaucoup de bien, alors je m'attendais à une rencontre chaleureuse. Eh bien, parfois, la vie nous rappelle qu'il serait préférable de ne pas avoir d'attentes. Dr. P., je l'ai trouvé assez expéditif merci - bon, je sais, la salle d'attente était bondée, mais quand même, un peu d'humanité, ça ne prend pas plus de temps - et en plus, il m'a fallu presque me mettre à genoux pour obtenir de lui un billet expliquant à mon employeur que je ne pourrais pas travailler des quarts se prolongeant jusqu'à 23 h, pour cause de fatigue liée à ma grossesse évidemment. Il m'a culpabilisée et s'apprêtait à ne pas me fournir le document avant que je ne lui sorte un argument béton: qu'il en avait accordé un à ma soeur qui fait le même emploi que moi et qu'il a suivie. Bref, pas jojo.

Lorsqu'il est arrivé dans le petit local d'auscultation, j'ai demandé à ce Dr. P. s'il pouvait s'occuper de mon suivi à partir de maintenant. Sa réponse a été froide: vous savez nous sommes une équipe, alors ça ne change pas grand-chose. Cette équipe, je la connais un peu de par mon expérience avec Bo. Vers la fin d'un suivi dans cette clinique, les rendez-vous se bousculent et les secrétaires vous jumellent avec le médecin libre la semaine suivante. Aussi, au moment de l'accouchement, c'est l'obstétricien qui est de garde ce jour-là qui procède, pas nécessairement le vôtre. En fait, les chances d'une telle éventualité sont de une sur le nombre d'obstétriciens formant l'équipe, soit neuf je crois.

Si je vous explique tout cela, c'est qu'au moment où j'écris ces lignes, d'autres émotions se brassent dans moi puisqu'il y a à peine une heure, Ct., ma voisine-amie vient de vivre sa seconde césarienne à l'hôpital Pierre-Boucher, elle qui visait comme moi un AVAC.

Nos histoires sont très similaires: premier accouchement se soldant par une césarienne pour cause de siège. Ensuite, Ct. espérait vivre son second accouchement par voie naturelle et en avait parler avec Dr. T., obstétricienne membre de la fameuse équipe. Dr. T. lui avait insufflé beaucoup de confiance en ce que tout irait selon ce qu'elle désirait, qu'elle pourrait même accoucher dans la position de son choix, ce qui n'est pas une procédure normale à Pierre-Boucher, parce que, m'avait-on expliqué la première fois, c'est un hôpital universitaire et tout doit se faire selon le protocole. Bref, cette Dr. T. me semblait bien différente des autres.

Seulement voilà, dans le cas de Ct., la chance sur neuf n'est pas survenue et c'est avec Dr. F., un toubib qu'elle avait rencontré pour la première fois la semaine dernière pour un rendez-vous de suivi qui l'avait laissée avec un goût amer en bouche, qu'elle a dû vivre sa seconde expérience de délivrance. Ses eaux ont commencé à coulé hier après-midi, suivis de légères contractions et lorsqu'elle s'est présentée à l'hôpital aujourd'hui juste après midi, elle n'était pas du tout dilatée. Après plusieurs heures de monitoring, il a été déterminé que sa petite faisait de l'arythmie cardiaque et qu'elle-même souffrait sans doute d'une infection vue sa température élevée, bien qu'elle ait essayé d'expliquer au personnel médical que c'était normale dans son cas, que sa température corporelle a toujours été plus élevée que la moyenne. Quoi qu'il en soit, Dr. F. a tranché vers 17 h 30: césarienne.

À entendre ce verdict au téléphone, j'ai frémi. Nos histoires se ressemblaient jusqu'à maintenant. Moi, je ne veux pas de Pierre-Boucher, c'est clair comme de l'eau de roche.

Mais le plus gros de mes émotions concerne mon attachement pour garçon, lui qui dort à poings fermés, quittant cette journée qui était notre dernière à nous deux d'une longue série de centaines. Demain débute son intégration en garderie chez Cr.

Après mon rendez-vous merdique auquel il m'a accompagné, nous sommes revenus au paradis le temps de préparer une collation en prévision de sortir pour le restant de la matinée. Au petit parc, nous avons justement rencontré son futur groupe d'amis et Cr. C'est elle qui m'a fait remarquer sans trop sans rendre compte que garçon semblait sentir que le moment de la séparation approchait à grands pas. Il me collait après malgré que nous étions au beau milieu d'un tourbillon de rires et de trajectoires d'enfants.

Il est vrai que depuis une grosse semaine, garçon a commencé à venir me chercher en me tendant la main, pour que je l'accompagne dans des situations qui ne requéraient pas une telle proximité auparavant, comme s'il sentait que bientôt, ce point d'ancrage que je représentais pour lui jusqu'à maintenant, allait quitter son horizon pour des plages horaire prolongées. Imaginez, juste à écrire ces derniers mots, j'éclate en sanglots.

8.26.2011

tourisme d'environs

Installé entre ses parents, garçon vivait sa première promenade en autobus public, d'abord avec appréhension - je ne suis pas attaché, le bruit du moteur qui se réveille me surprend, qui sont tous ces gens autour de moi -, puis avec une joie contenue, à l'image de ses deux petites mains, déposées chacune sur nos cuisses respectives. Nous allions à Montréal, direction le resto italien au centre-ville où le maître d'hôtel Ph. nous accueille toujours à bras ouverts, mais surtout où la nourriture nous comble à tout coup. Sur les bancs devant nous, mamie et son amoureux, qui avaient accepté notre invitation à participer à notre sortie gourmande. Près de la station Bonaventure, tu pointais tous les autobus que nous croisions, fier de reconnaître le mode de transport qui nous ballottait. Au retour, ta joie s'est cette fois exprimée en tatas envoyés à certains passagers autour de toi et en sourires coquins pour les autres. La ville t'a beaucoup impressionnée avec ses tours, ses pigeons, ses rangées de motos stationnées sur les coins de rue. À te voir étourdi par tout ce remue-ménage urbain, tu m'as fait pensé à moi lorsque j'ai mis les pieds à Montréal pour y demeurer à l'âge de huit ans et que dès lors, mon amour pour le bitume n'a cessé de fleurir. Et cet amour, je vous le transmettrai mes enfants, à force de sauts de crapaud exploratoires.

8.24.2011

tuyau

Losrque son alarme sonnait, elle ne sonnait pas, contrairement à celle qui était dans ma chambre. Chez Ct., une de mes meilleures amies pendant mon adolescence, nous nous réveillions dans une pièce minuscule où se mettait à résonner des voix d'un coup. Une radio aux accents français. À l'époque, je trouvais ces bavards bien ringards. Il faut dire que pour toute radio, je gobais le vacarme de CKOI, alors cette émission de la CBF - ancêtre de la SRC - avec ses bulletins d'information si proprets malgré la folie de Le Bigot, ça me paraissait aussi étrange et aseptisé que la musique classique. Ct. jouait du piano depuis des années et des années et son papa avait tout de l'intello, alors ce réveil cérébral ne m'étonnait pas vraiment.

Ce n'est que des années plus tard que je compris que cet accent qui m'apparu plus jeune si pointu était celui de ce que l'on appelle le français international, que ce vocabulaire riche, étoffé et spécifique célébrait une langue superbe. J'étais devenue une jeune adulte de plus en plus amoureuse de cette langue superbe, et le matin, j'aimais bien ce radio magazine qui m'informait autant à propos des actualités régionales qu'internationales, tout en passant par la météo et la culture. De semaine en semaine, je me pris au jeu de syntoniser cette fréquence quotidiennement et maintenant, je ne peux presque plus m'en passer de cette compagnie matinale. Alors, ce matin, comme à à peu près tous les matins du lundi au vendredi, j'allumai les voix de l'équipe de C'est bien meilleur le matin.

Il devait être environ 6 h 50 quand la météorologue du groupe pris la parole pour faire mention d'une manchette de journaux qui avait retenu son attention: un avis d'ébullition de l'eau potable a été émis pour les citoyens des villes de Saint-Hubert et de Saint-Bruno. M. et moi, nous dressons l'oreille simultanément et quelques minutes plus tard, nous lisons sur un site Internet qui nous est obscur que des traces d'E. coli ont été décelées dans l'eau de l'aqueduc municipal. Il est encore tôt, mais nous décidons tout de même de commencer à informer les résidents de l'arrondissement longueillois que nous connaissons pour les avertir car il ne faut pas boire l'eau à moins de la faire bouillir quinze minutes au préalable, ni rincer aucun aliment, ni même se brosser les dents avec. Autour de 8 h, je vais avertir mes voisins directs, encore en robe de chambre, qui s'apprêtaient justement à siroter leur café que je leur conseille de jeter pour respecter cette règle du quinze minutes. Décidément, le monde appartient vraiment à ceux qui s'informent tôt.

Drôle de coïncidence, la veille seulement, ma belle-soeur - qui subit une batterie de tests présentement pour cause de problèmes digestifs - nous rappelle, à sa mère et moi, le cas d'une ville ontarienne Walkerton où l'eau de l'aqueduc fut contaminée à E. coli. Les citoyens non conscients de la présence de cette bactérie ont consommé cette eau pendant peut-être des années avant que les services publics ne les en informent. Par ce temps-là, le mal était fait: plus de la moitié des habitants furent infectés par la bactérie et souffriraient toute leur vie du syndrome du côlon irritable, tandis que d'autres en moururent.

Pour les jours à venir, j'ai donc fait le plein d'eau de source - même si dans ces bouteilles, ce doit être du bisphénol-A qui y flotte - dès l'ouverture de l'épicerie où je suis la seule à dévaliser le rayon de ces contenants. En avant-midi, un communiqué est enfin apparu sur le site de la ville pour annoncer que le problème pourrait être résolu ce vendredi. D'ici là, chaque geste dans la cuisine est devenu calculé pour déprogrammer mon cerveau. Eau potable, comme tu nous es précieuse.

8.22.2011

futur proche

Devant moi, ma dernière semaine complète avec Bo. à temps plein. Au-delà, le début de l'adaptation garderie qui devrait bien aller. À chaque fois que nous croisons Cr., son éducatrice pour les prochaines années, je sais que nous sommes chanceux, très chanceux. Comme M. le dit, elle et Fr., son conjoint, ce sont des gens sans prétention, avec le coeur à la bonne place. Sous leur toit, garçon continuera donc d'avancer dans la vie entouré du genre de contacts humains que nous souhaitons pour lui: chaleureux, simples, reconnaissants.

Ce matin au téléphone, ma grande amie Jl. me réconforte à propos de cet important tournant en m'assurant que pour elle et sa petite famille, la transition d'elle qui recommence son boulot d'enseignante au Cégep et donc de K. à la garderie se passe plutôt rondement. Bien sûr, tout n'est pas instantané, mais l'ajustement s'opère sans heurt. Lorsqu'elle revient à son rôle de maman, elle n'est que plus contente encore de voir ses enfants chéris.

Et plus tard pendant la matinée, quand nous passons faire un coucou à An. mon amie-voisine, elle m'explique que lorsqu'elle a apporté Er. à la garderie pour un second lundi de suite, il a pleuré pour qu'elle reste près de lui. Une fois passée le pas de la porte, elle est tout de suite allée jeter un coup d'oeil à l'intérieur du bâtiment par la fenêtre pour apercevoir, à son grand soulagement, son garçon déjà bien occupé à s'amuser, les yeux secs de ses larmes de crocodile.

Je prépare Bo. en lui glissant parfois que bientôt, il pourra être auprès d'amis à longueur de journée, aux bons soins de Cr., parce que je retourne travailler. Je viendrai te cueillir en fin de journée, prête à te cajoler jusqu'à la dernière minute avant ta nuit. Tu seras mon revigorant, je serai ta maman. Tu n'en demandes pas plus.

8.19.2011

pour ta joie

Je ne suis pas du genre foule. Les places des festivals, très peu pour moi. Les couloirs bondés du Biodôme, il m'a fallu tout mon petit change pour les parcourir ce printemps, par amour pour garçon que nous voulions voir s'émerveiller. Alors quand M. m'a fortement suggéré début juin le Zoo de Granby comme activité familiale estivale, je n'ai pas exprimé beaucoup d'enthousiasme. Une ou deux semaines plus tard, ma belle-soeur en a remis avec un "si vous allez au Zoo de Granby cet été, je veux absolument venir avec vous". Histoire de bien enfoncer ce clou, An., mon amie-voisine Brésilienne, en a rajouté avec un "we have to go to Granby Zoo" lorsqu'ils sont revenus de leur patrie peu de temps après la demande spéciale formulée par la marraine de garçon. Une véritable conspiration. Cerise sur la sundae, même au Vermont, en parcourant les pages d'un journal local, je suis tombée sur une publicité pleine page de cette attraction touristique estrienne. We have to go.

Avec Am., soeurette de M., nous fixons donc une date bien à l'avance parce qu'elle est infirmière et que tenter de suivre son horaire de travail, c'est comme se lancer de plein fouet dans des mathématiques pures. Ajout au tableau, tout juste hier, la veille donc de notre fameuse sortie tant attendue, nous apprenons que Mr., le mononcle de garçon, fou du Kodak, sera aussi de la partie. C'est que ce caméraman bosse également suivant des heures rock and roll. Mathématiques pures multipliées par deux.

Quand nous arrivons dans le stationnement, les voitures se suivent à la file indienne. Le moteur à peine éteint, je remarque que de chaque véhicule qui nous entoure débarque une petite famille, poussette, sac à couche, sac à dos, bébé, enfants, glacière, tout le bataclan compris. Activité familiale estivale sur plusieurs calendriers.

Marraine et mononcle trouvés, nous débutons notre visite de ce site semblable à Disneyland avec ses allées en pavé uni, ses boutiques de peluches et ses gadgets à l'effigie des animaux vedettes du parc, ses crèmeries, ses restos, son minirail. Heureusement, malgré le nombre de gens qui ont convergé à Granby aujourd'hui, nous n'avons pas l'impression d'oppression que je déteste tant, ni dans les sentiers qui nous amènent d'un enclos à l'autre, ni dans l'aquarium, ni dans la mini-ferme, ni pour dîner dans une aire de pique-nique, jamais.

Mais surtout, tout le plaisir, c'est de voir garçon imiter le rhinocéros qui broute, un poisson immobile qui ne cesse d'ouvrir sa bouche en O pour respirer, la trompe de l'éléphant qui s'élance pour jeter du sable sur son corps, de l'entendre miauler sans arrêt pour interpeller le léopard des neiges ou saluer en boucle les kangourous trop retirer dans leur espace par rapport à nous à son goût.


Ce soir, avant de se mettre au lit, ton papa fouille dans la collection de bouquins sur les animaux que Jc., ton grand-papa, nous a offert. Il trouve celui sur les rhinocéros, les éléphants, les kangourous et plusieurs encore pour te rappeler tous les animaux que nous avons pu observer. Il les feuillettera sûrement dès demain matin avec toi, heureux de se remémorer le succès de cette journée qui t'a, à coup sûr, émerveillé.

8.16.2011

petites vies

À force de fréquenter les petits parcs dans notre coin, je finis par revoir des visages et à retenir des prénoms. Par exemple, hier, pendant notre sortie au petit parc de l'autre côté du grand parc, là où à tous les matins vers 9 h 45, un groupe d'une vingtaine d'enfants d'une CPE débarque pour jouer le temps d'une bonne heure, je recroise Sn. et sa petite El., à mon grand étonnement.

Sn., un natif du Manitoba marié à une Québécoise, m'explique que sa petite lui est revenue pour deux semaines parce que son éducatrice en milieu familial est en congé. El., qui a tellement grandi dans le dernier mois et demi, a commencé la garderie début juillet, d'où mon étonnement de les voir là. Tout se passe bien pour elle là-bas, heureusement. Il paraît même que Sn. éprouve un peu de jalousie à l'entendre gazouiller de joie dès qu'ils arrivent à proximité de la garderie.

Aujourd'hui, dans le petit parc juste à deux pas du paradis, c'est un grand-papa accompagné de sa petite-fille Nm. que je revois après plus d'un mois eux aussi. Plus loin, sur un banc, je vois l'arrière-grand-mère de Nm. et je la salue. Cette femme m'a déjà raconté que lorsqu'elle a emménagé dans la maison où elle habite encore, juste de l'autre côté de la rue, il n'y avait rien que des champs à perte de vue. Ni maisons, ni petit parc, ni boulevard. Lorsqu'elle vient vers nous, elle me répète qu'elle habite juste de l'autre côté de la rue et qu'il n'y avait rien que des champs à perte de vue lorsqu'elle a emménagé dans sa maison. Ce genre de répétition, tout le monde peut en faire, surtout quand il est question de papoter avec des visages familiers certes, mais tout de même beaucoup plus étrangers qu'autre chose. Nous en venons ensuite à ses enfants, ses petits-enfants, ses nièces et neveux et leur enfants à eux, à toute cette famille qui l'entoure et la visite encore régulièrement, pour son plus grand bonheur, elle, une femme autonome âgée de 82 ans. Rien de plus fort et de plus durable que les liens familiaux.

À un moment, elle nous salue parce qu'un homme est venu couper le gazon chez elle et qu'elle doit aller le payer. À peine engagée sur le sentier pavé qui mène à la rue, son fils me confie que ça devient de plus en plus difficile, que l'Alzheimer, ce mal foudroyant, a débuté ses ravages dans le cerveau de cette doyenne. À tous les jours, un membre de leur nombreuse famille vient s'assurer qu'elle se porte bien, que sa sécurité n'est pas compromise par un rond du poêle laissé allumé par exemple. Son fils s'occupe de payer ses factures, qu'elle jette à présent plus souvent qu'autrement sinon. Il dit aussi: lorsqu'elle partira, c'est moi qui sera l'aïeul à présent. Mon coeur se serre sous l'effet de ce fatalisme. Encore si vivante avec son regard perçant bleu électrique m'a-t-il semblé, mais déjà si près de sa fin selon sa propre chair.

8.14.2011

trou sans fond

Il a plus souvent qu'autrement un très bon appétit, mais ces jours-ci, c'est encore plus vrai. Sûrement une autre de ces fameuses poussées de croissance. D'ailleurs, sa mamie lui a apporté de beaux vêtements tout neufs s'il vous plaît aujourd'hui même parce que j'avais mentionné que nous devions lui trouver de nouveaux pantalons en prévision de la garderie et de mon boulot qui commençaient bientôt et qui allaient me laisser avec moins de temps pour faire des lessives, donc laps de rotation plus long nécessitant un nombre plus élevé de fripes. Bref, elle arrive avec du 3T et sur le coup, je dis qu'ils seront sûrement trop longs, mais que nous pourrons les tourner au bas le temps qu'il grandisse. Juste pour voir, nous lui enfilons une paire et quel n'est pas mon étonnement de constater que la longueur est parfaite, même avant le lavage qui les fera sans doute refouler un peu. Mon bambou adoré.

Ce matin, vous auriez dû le voir engloutir un longan après l'autre assis sur le rebord de ciment dans le stationnement du Kim Phat, cet épicerie asiatique immense sur Taschereau. Nous étions allés chercher des feuilles de bananier pour cuire du poisson sur le BBQ plus tard cette semaine et pour la première fois depuis que ce marché desservant une grande communauté sino-canadienne principalement installée à Brossard avait investi ce nouvel espace il y a maintenant sans doute deux ans nous mettions les pieds dans cet antre qui projette sur un autre continent.

Parce que c'était l'heure de la collation et que Bo. faisait des "mmmm...." pour me faire comprendre que son estomac grondait, je me suis installée devant des bacs pleins de ce fruit caché dans une peau fine et jaunâtre s'apparentant au litchi pour faire comme les autres clients plantés là à détacher patiemment les joyaux tout ronds de leur branches avant de les fourrer dans leur sac à la douzaine. Je me doutais que cette nouveauté mielleuse plairait à mon gourmand. Il nous a fallu faire le tour des allés rapidement parce qu'il nous empressait d'en gober. C'est ainsi que nous nous sommes installés à côté de Jasmine la Fit pour sustenter sa voracité et garçon n'a pas été déçu. Si nous ne l'avions arrêté après une vingtaine, il aurait avaler tout le contenu du sac. Le seul argument qui l'a convaincu d'arrêter pour que nous continuons les courses, c'est qu'au prochain arrêt, chez Avril, il mangerait un croissant. Finalement, il a aussi dévoré le mien. Glouton va.

8.11.2011

presque à l'embranchement

Moins d'un mois avant le retour au onzième. Autour de moi, quand il en est question, on me demande surtout si ça me stresse, si je me sens nerveuse. Non, pas du tout ou si peu. Je sais depuis longtemps que lorsque je remettrai les pieds dans mon environnement de travail, je serai au même stade que lorsque j'y ai mis les pieds pour la première fois en janvier 2004, à la différence que je connaîtrai un peu plus de collègues, bien que sur ce point aussi, j'aurai l'impression de nouveauté considérant qu'une dizaine d'employés ont intégré les rangs au cours de ces deux dernières années et que d'autres que je connais sont devenus des patrons. Bref, je me sentirai comme une petite nouvelle, surtout que point de vue technique, j'aurai là aussi beaucoup de rattrapage à faire. Fondamentalement, mon boulot demeure le même, mais les outils pour l'exécuter ont complètement changé. Je passe donc de celle qui formait les nouveaux employés à celle qui devra suivre une formation. Comment ne pas aborder toute cette étape avec humilité.

Nerveuse, je le suis surtout pour l'adaptation que nous devrons tous opérer au paradis. Bo. devra s'adapter à ses journées à la garderie, auprès de Cr. et de ses amis, M. devra s'adapter au fait qu'il sera celui qui s'occupera de garçon au petit matin, avant de partir au boulot puisque je dois quitter bien avant lui, et je devrai m'adapter au vide près de moi que je ressentirai assurément lorsque je chercherai mon compagnon de tous les jours depuis les 22 derniers mois.

Garçon, que j'ai été privilégiée de te voir grandir de si près. Mon coeur est serré à l'idée de penser que plus jamais, nous n'aurons cette belle proximité exclusive au quotidien parce que ta soeur viendra, ce qui sera un ajout formidable à notre dynamique, don't get me wrong, puis, que je reprendrai définitivement le travail, et que tu commenceras éventuellement l'école, et que tout ce qui nous restera, ce sera quelques semaines de congés partagés ici et là.

Privilégiée et consciente que le jour viendrait. À la garderie, dans deux semaines, tu commenceras une belle étape qui te permettra de poursuivre ton épanouissement, un peu plus détaché de moi. Il le fallait bien. C'était écrit dans nos histoires.

8.09.2011

lève-toi et marche

Je terminais tout juste une longue et belle conversation téléphonique avec ma grande amie Jl. et ta sieste tirait à sa fin. D'ailleurs, si j'étais remontée à l'étage, c'est que je t'avais entendu prononcer un "maman" un peu empâté par voie de baby phone. En ouvrant la porte de ta chambre, j'avais constaté que tu étais encore assoupi. Ces fausses alarmes sont rares, mais habituellement, elles signifient que ton réveil définitif n'est plus très loin.

De fait, j'ai entendu tes couvertures froufrouter environ dix minutes plus tard. J'avais les deux mains occupées à arranger une belle pastèque rose et sucrée. J'attendais ton fameux appel, ce "maman" mielleux que j'aime tant et qui m'indique que tu es prêt à être cueilli. Lorsque tu le prononces, je me dirige vers ta chambre, j'ouvre ta porte, je te trouve encore étendu sur le dos, les yeux ouverts, mais les paupières bouffies. Je ferme le récepteur du baby phone, je tire ton store, j'ouvre ta fenêtre et j'éteins le ventilateur, tout ça en te couvrant de mots doux. Ensuite, je ne peux m'empêcher de venir poser des bisous sur ton corps qui sent le sommeil.

Mais aujourd'hui, c'est un grincement de porte qui m'a fait lever la tête et c'est toi, debout dans la cuisine qui m'a surprise, venu à moi tout naturellement, comme si tu avais toujours fait ça. Silencieux, endormi, mignon comme tout. Je n'ai pu m'empêcher de rire. Un geste si simple, que tu avais décidé de poser pour la première fois. Qui sait si demain tu le reproduiras. Peut-être me trouveras-tu cette fois assoupie dans mon lit et viendras-tu te coller à moi, mon grand garçon.

8.07.2011

only human

Une bête d'habitudes comme moi, fatiguée par cumul de surcroît, lancée dans un week-end hyper-chargé qui nous fait même découcher dans un hôtel "basic" par nécessité plus que par plaisir, ne pouvait faire autrement qu'exploser une fois rentrée au paradis. Mais voilà, toutes ces raisons ne sont pas assez bonnes pour expliquer à elles seules le débordement spectaculaire qui a eu lieu. Cette bête d'habitudes que je suis est surtout aussi le genre de personne à en prendre beaucoup sur ses épaules au quotidien à force de vouloir alléger le fardeau de son amoureux, pour ensuite balayer les minimes miettes de ressentiment sous le tapis. Là, elles s'y entassent au fil des mois et deviennent des mottes de débris qui mutent en buttes qui me font finalement m'écrouler sous mon propre poids, tout ça parce que je n'arrive pas à mettre le doigt sur le bobo assez rapidement et que toujours, j'essaie d'épargner à mon couple ces conversations pénibles qui font grandir à coups de masse.

Peut-être était-ce parce que tu arrives dans quelques mois que cet ajustement était nécessaire. Quoi qu'il en soit, ton papa et moi, nous sommes soudés, de toute évidence plus forts que mes éruptions volcaniques sporadiques. C'est d'ailleurs pour cela, parce qu'il est mon chêne qui ne brise pas même s'il ploie, que c'est avec lui que j'ai voulu vous co-naître, mes amours.

8.04.2011

repos forcé

Au moment de servir le repas du soir, je me brûle le bout des doigts de la main gauche. A-yoye. Mon cerveau fatigué n'a pas souvent à me transmettre le message que le wok est bouillant jusqu'au manche parce qu'il a été enfourné. Alors, fatigué, il flanche et je me brûle. Main dans l'eau froide pendant le souper. Garçon croit que c'est un jeu. M. décide de l'amener s'épivarder dans un parc quand les assiettes sont vides, seul avec lui, pour que je me repose un peu. Rarissime initiative qu'il répétera demain soir, mais cette fois pour se rendre dans un immense pet shop, où un perroquet émeraude les impressionnera. Me reposer pour notre fille qu'il m'intime. Oui papa.

8.02.2011

timing

J'exulte. Cela ne fait qu'une journée que nous savons un peu plus qui tu es et déjà, c'est comme si les astres s'alignaient pour la suite des choses jusqu'à ton arrivée, suite des choses que je veux douce et naturelle, pour toi et moi.

La coordinatrice du projet d'implantation de maison de naissance à Richelieu m'a téléphonée il y a une heure pour me garantir qu'une sage-femme - fort probablement de St-Hubert-on-the-beach en plus - allait me contacter autour de la mi-septembre afin de planifier une première rencontre. Vive ma volonté.

Bien sûr, ce n'est qu'à partir de cette première rencontre que cette sage-femme prendra la décision de nous suivre jusqu'au bout, oui ou non. Mais la coordinatrice s'est fait très rassurante, les sages-femmes sont tout à fait préparées à procéder à des AVAC et puisque je suis une femme en santé et que la grossesse progresse rondement, nous devrions pouvoir accoucher aux bons soins de cette professionnelle.

La coordinatrice m'explique que l'accouchement se déroulerait à l'hôpital de Richelieu où des locaux sont prêtés aux sages-femmes le temps que la maison de naissance soit rénovée et prête au printemps 2012. Elle me dit que pour un accouchement à la maison, puisque l'hôpital est un peu loin du paradis, c'est moins recommandé. De toute manière, M. n'accepterait pas du tout cette possibilité et je veux que nous soyons tous les deux à l'aise le grand jour venu. Le plus beau, c'est que même si j'accouche à l'hôpital, trois petites heures là-bas après la délivrance suffiront avant de pouvoir reprendre le chemin du paradis. Nous reviendrons au calme de notre nid et à ton grand frère qui, je le sais déjà, deviendra dès lors ton plus grand compagnon à vie.

8.01.2011

depuis quelques jours, je sens donc une libellule me frôler de ses ailes

Deux grands verres de lait de soya au chocolat pour bien remplir ma vessie dès 6 h 30. L'échographie est à 7 h 45. C'est donc aujourd'hui que nous devons nous rendre en radiologie pour rapporter avec nous des gros morceaux de ton identité. Qu'ils nous disent que tu es en santé, que toutes les mesures concordent aux standards qui déterminent la normalité morphologique. Ensuite, que nous sachions enfin comment t'adresser.

Ton papa est nerveux. En quittant le paradis, où ton grand frère reste auprès de sa mamie, il m'avoue que c'est encore plus difficile pour ses nerfs qu'une entrevue ou un examen. Respire, que je lui dis, nous saurons ce que nous attendons depuis des mois, n'est-ce pas merveilleux? Malgré tout, sa jambe a la bougeotte dans la salle d'attente comme lorsqu'il a bu un café de trop dans sa journée.

Une technologue vient nous chercher. Dès que nous nous installons dans la pièce - M. sur un siège pivotant à côté du lit où je suis étendue -, elle barbouille mon bas-ventre de gelée gelée, enfile des gants et commence à glisser la sonde dans la substance gluante. À ma grande surprise, elle tourne l'écran vers nous pour déjà nous montrer quelques parties de toi. Ici, la tête, là sa colonne vertébrale. Voulez-vous connaître le sexe de l'enfant? Wow, déjà, mais oui, oui. Je suis si étonnée de cette expérience complètement différente d'avec Bo., où la technologue avait avec elle une apprenante et que j'étais devenue un cobaye un peu délaissé.

La technologue aux cheveux blancs déplace la sonde habilement et stoppe lorsqu'elle trouve quelque chose qui me fait m'exclamer: ah, ce sont ses pieds. Mais non, qu'elle répond, ce sont ses cuisses - plus tard elle avouera que je n'avais pas tout à fait tort de penser cela car à ce stade-ci, les fémurs sont aussi grands que les pieds - et entre les deux, le sexe. Elle amène le curseur et nous pointe les parties génitales. Alors selon vous? J'hésite à répondre parce qu'avec garçon, même avec le curseur, je n'avais pas saisi l'image du pénis. C'est M. qui tente un: c'est un garçon? La technologue soupire, habituée de constater à quel point ce qui lui semble évident ne l'est pas pour les parents. Mais non, l'image est claire comme dans les livres, qu'elle nous annonce, c'est une fille.

Notre fille. Mes yeux et ceux de ton papa s'embuent et débordent. Notre sirène dans mon ventre, notre perle dans son huître. M. te voulait tant, bien qu'il avait fait la paix avec l'idée d'avoir un autre garçon. Il savait que l'important, c'était que nous apprenions que tu es en santé et de la tête aux pieds, tu l'es. Il irradie de bonheur. Il a eu ce qu'il désirait. Son garçon, sa fille, comme ce qu'il a lui-même connu, étant le grand frère de sa soeur. Je suis heureuse moi aussi, évidemment. Une petite demoiselle à aimer de tout mon coeur.

La famille se définit. Nous sommes comblés.