orphelins de l'Éden

9.28.2009

la bosse du travail

Plus que trois semaines à aller avant de quitter le onzième pour une année. Ma dernière pause du marché du travail remonte à 2003, lorsqu'après ma seule année à avoir enseigner, j'avais touché de l'assurance chômage tout l'été et une bonne partie de l'automne, jusqu'à ce que je commence à faire de la suppléance, supplice qui avait duré trois semaines, le temps que je m'effondre en pleurant devant un groupe de secondaire IV qui avait décidé de me briser. Cet état d'anéantissement honteux m'avait mené à attendre un contrat d'enseignement, en d'autres mots, quelque chose de plus stable. La vie a fait que ce soit alors la porte du onzième qui se soit rouverte, là où j'avais postulé pendant mes études universitaires au cas où ma carrière en enseignement moral et religieux ne décollerait pas comme espéré.

C'est à l'âge de douze ans que j'ai commencé à travailler. À ce moment-là, je gardais deux enfants, un garçon de cinq ans environ et une fillette de huit, le samedi et dimanche, de 8 à 17 h. Je m'occupais d'eux, je faisais le ménage du modeste logement au grand complet, les repas, tout ça pour 50 $ empochés. La mère qui les élevait seule souffrait d'un mal de dos chronique qui la clouait au lit. Puisque nous étions alors cinq enfants à la maison - mes deux soeurs, moi et mes deux demi-frères - que le seul salaire de ma mère nourrissait ou à peu près, nous devions trouver des moyens pour avoir de l'argent de poche et payer notre passe de métro.

Bien sûr, je maudissais ma situation alors. En me rendant à l'immeuble où je devais aller frotter les planchers, faire cuire les hot-dogs et donner les bains, je me percevais comme une victime. La vie était injuste. Pourquoi étais-je la seule parmi mon cercle d'amis qui devaient travailler? Parfois, je m'en prenais plus spécifiquement à ma mère. Je lui en voulais sans comprendre qu'elle faisait tout ce qu'elle pouvait pour nous tirer de la précarité, elle qui était alors mariée à un homme qui ne levait pas le petit doigt pour apporter de l'eau au moulin financier du foyer.

Depuis, j'ai compris que toutes ces années à avoir été obligé à me rendre dans un lieu pour faire mon quart de travail m'ont fourni les expériences qui me rendent aujourd'hui si reconnaissante de tout ce que j'ai et si volontaire à faire l'effort de maintenir une bonne discipline de vie.

Cette année qui vient, ce ne sera pas un congé. Ce sera un nouveau travail. Quelque chose qui ne ressemble à rien de tout ce que j'ai eu à comprendre comme tâche à accomplir au cours de toutes mes années à gagner ma croûte. De m'occuper de bébé Bo. depuis ses premiers instants, constamment, day in, day out, ce sera le travail qui me donnera la plus belle rémunération de toutes. Celle de joies qui gonflent le coeur pour de bon.

9.26.2009

ma conteuse adorée

Ensemble, nous avons roulé vers St-Joseph-du-Lac, cette Mecque québécoise de la pomme. Grand-maman était coquette comme à son habitude, vêtue cette fois d'un habit décontracté rose et d'un col roulé vert menthe. En parlant il y a deux semaines, j'avais compris combien elle aimerait aller cueillir les beaux fruits défendus à même les arbres alors je lui avais promis cette sortie commune.

À peine sur la route, nous avons apprécié le tableau formé par la volée d'outardes aperçue à la hauteur de Mirabel. Comme des gamines, nous avons échangé sur notre joie de voir ces volatiles marquer le début et la fin de la saison froide, d'entendre leurs cris résonner sous les nuages, sur ça, et sur une foule d'autres petites choses. Comme le fait que la nature soit si belle, qu'il est sûr et certain qu'il existe un Grand Artiste.

Ma grand-maman, elle m'a raconté comment elle a ramassé des pommes au verger où nous sommes allées dans les années cinquante et soixante. Elle m'a nommé le propriétaire de l'époque, son fils qui lui a succédé et puis, son fils à lui. Les journées de cueillette s'échelonnait de 8 à 18 h et à l'époque, l'autocueillette n'existait pas. Les bushels coûtaient 2$, mais ceux contenant les pommes tombées par terre, 50¢. Ceux-là, remplis de fruits aussi beaux que les autres plus dispendieux, elles en offraient plusieurs à sa soeur Eg. et son beau-frère At. parce qu'ils avaient une famille nombreuse et qu'avec toutes ces bouches, il fallait absolument garnir la chambre froide de denrées.

Avant d'arriver au verger Lafrance, le hasard a fait que je devais arrêter chez la rempailleuse pour récupérer la chaise berçante de mon grand-père à présent restaurée. Ma grand-maman n'a cessé de dire "que les gens allaient en être malades" tellement elle était embellie par le travail de la sympathique artisane. J'étais heureuse de lui montrer que son mari vivrait parmi nous au paradis grâce à une de ses créations.

En tournant les pommes sur les branches pour les détacher sans endommager les arbres, je souriais à tous les "qu'elles sont belles" que grand-maman lançait à chaque trente secondes. Qu'elles sont rouges, que c'est beau. En nous promenant entre les pommiers lourds de fruits, nous avons croqué dans la chair sucrée de joyaux choisis parmi tous les autres à portée. J'ai photographié le bonheur enfantin de cette femme aux cheveux blancs comme neige et moi, je me disais à toutes les trente secondes, comme elle est belle.

9.24.2009

passage


Tranquillement, la mort s'installe parmi les palettes de l'été.

Sur un même être, le duel fait sa marque et bientôt, tout sera oublié.

9.22.2009

partage

À quelques instants du dodo, tout juste de retour d'une belle visite chez mes anciens charmants voisins revenus de leur fantastique aventure de six mois en Asie en compagnie de leur si joli petit, tout petit Mt., qui est devenu bien grand, je te sens bien réveillé bébé Bo., à cogner derrière mon nombril. À Mt., qui a bientôt huit mois, nous avons dit que vous seriez copains bientôt tous les deux, lui avec une courte avance sur toi. Le plus drôle, c'est que tu as été conçu le jour même où lui il naissait, le 6 février dernier.

J. et Ps. sont toujours ces amis hyper intéressants et accueillants qui furètent pour vivre le plus en accord avec leurs valeurs. Autour d'un souper animé par l'énergie grouillante de leur tout petit, ils me passent leurs expériences et m'expliquent leurs volontés éducatrices qui font vibrer ma corde sensible. Je suis si heureuse de les avoir comme défricheurs de sentiers moins empruntés dans lesquels nous aimerions nous aussi nous engager. Bien sûr, toutes les expériences et tous les conseils de tous ceux qui m'entourent sont autant de pierres à l'édification de ma préparation à être un parent. Rien n'est négligeable. Je vise donc l'équilibre entre la sagesse collective et notre sagesse de cellule, dans un esprit d'ouverture qui permettra l'essai et l'erreur sans gravité, en accord avec nos valeurs. N'est-ce pas l'occasion ultime de mettre en pratique nos principes de vie, de les éprouver?

Toutes ces années à travailler sur moi pour toi. J'espère être à la hauteur.

9.20.2009

filon

Week-end booké au quart de tour. La routine régulière - courses, ménage, popote - en plus de d'autres arrêts obligés. De ceux-là, il y en a un qui nous a fait sourire, M. et moi, celui de devoir nous rendre au Festival de la galette de sarrasin et des saveurs du terroir de St-Eustache. Oui, vous avez bien lu. Nous devions nous pointer là parce que dans le village des artisans, une participante est une rempailleuse qui allait redonner un siège à la chaise berçante dans laquelle je veux m'installer pour donner le sein à bébé Bo.

Cette chaise, elle est toute spéciale puisque c'est mon grand-père maternel qui l'avait fabriquée solidement de ses propres mains en guise de cadeau à ma mère il y a environ trente ans de cela. Après deux décennies sous le toit d'un frère de mon père à cause d'un testament merdeux, cet oncle a finalement décidé qu'il était temps de le redonner à ma mère. Il n'est jamais trop tard qu'il paraît.

Ma mère retrouvant ainsi aussi la table à manger, les chaises qui l'accompagnaient et un banc double, en plus de la berçante, décide de me léguer cette dernière parce qu'elle sait que j'en ferai bon usage. La récupérant, je comprends que cet oncle l'a sans doute entreposée à l'extérieur parce que le cordage est mangé par la moisissure et que des taches de saleté ronge le bois de la charpente. Je coupe le fond en me disant que je le referais tisser.

Quand vient le temps de trouver quelqu'un pour faire le boulot, je réalise que cette tâche a deux noms possibles, le cannage ou le rempaillage, et que peu nombreux sont ceux qui pratiquent ces métiers traditionnels. Mes recherches sur Internet me mène d'abord à une artisane fantastique qui oeuvre dans la Capitale. Après avoir pris contact avec elle, je laisse tomber l'idée de faire appel à sa créativité pour cause de trop grande distance nous séparant. Mon deuxième choix s'arrête sur une femme qui a son atelier à Deux-Montagnes. En l'appelant, elle m'informe de sa présence au dit festival et c'est ainsi que nous nous retrouvons à aller à sa rencontre sous sa tente, berçante pendant entre nous deux, au bout de nos bras, afin de le lui la léguer pour une semaine.

Le plus drôle, c'est que cette femme, elle me dit à quel point elle aime mon prénom. Comme à mon habitude, je dis que je passerai le compliment à ma mère, même si vraiment, c'est mon père qui l'avait choisi. Mais la femme continue et ajoute qu'elle se souvient de ce prénom qu'un personnage d'une télésérie portait parce qu'elle a nommé son fils Frédéric, comme l'amoureux de cette Ludivine. Je lui rappelle le nom de la télésérie: Les gens de Mogador. Elle se souvient maintenant, oui c'est ça. Depuis toutes mes années de vie, c'est la première fois que je rencontre quelqu'un qui peut replacer mon prénom selon l'origine qui a inspiré mon père, et en plus, cette personne m'annonce qu'elle a nommé son propre fils d'après l'amoureux de cette fameuse beauté incarnée par Marie-France Pisier qui avait tant marqué mon père qu'il a tenu à nommer sa dernière fille en son honneur.

À deux jours de mon anniversaire, je n'ai pu que sourire à l'idée de penser que tu me saluais pour mes trente-deux ans bien à ta façon cher papa. Ta fille n'est plus tout à fait jeune, ni tout à fait vieille, mais ta fille s'émerveille.

9.17.2009

pépites d'or confectionnées

Journée de fin d'été parfaite aux airs murmurés gaiement pour me tenir compagnie pendant mes parenthèses marchées. Le moral est en forme. L'énergie est au rendez-vous. Rien à voir avec les batteries à terre de la semaine dernière.

Je quitte la maison à l'aurore avec un cadeau sur les mains. Sur les mains, parce qu'hier, mes doigts ont cherché à se cacher dans mes poches pour se protéger du vent de plus en plus froid qui souffle toujours fort dans le couloir créé par les immeubles entourant le Centre Bell. Alors avant de quitter le paradis, je pense à prendre avec moi les belles mitaines bleues tricotées que la belle-mère de ma soeur B. m'a offerte - elles et une foule d'autres magnifiques pièces, dont une veste minuscule et une couverture pour bébé Bo. - début juillet lorsque nous étions restées là-bas quelques jours. Mes menottes emmitouflées ont tout simplement frétillé de plaisir pendant que dans mon fort intérieur résonnait un "vive le confort".

Je rentre au paradis avec un cadeau dans les mains. Un pot de relish concoctée par ma deuxième voisine à gauche, Jn., que je rencontre régulièrement le matin et le soir dans l'autobus. Quand je lui demande comment s'est passée la corvée culinaire dont elle m'avait parlée la semaine dernière, elle me répond qu'avec un hachoir à viande, c'est tellement facile de passer les légumes - piments doux, chou, oignons, tomates vertes -, et ajoute: "Aimes-tu la relish?" Moi? Je suis une fan absolue de tous ces condiments maison faits avec amour. Alors, voilà, j'hérite d'un pot Masson bourré de dur labeur que je dégusterai avec des oeufs cuits sur le plat peut-être ou un morceau de pâté aux patates. Le bonheur total.

Quand toute cette abondance pleut, comment ne pas se tourner vers les cieux?

9.15.2009

à la croisée des dimensions

Après m'avoir demandé comment avait été ma journée au onzième et m'écouter la lui décrire, il m'a ensuite surpris avec ce: "Pis as-tu rêvé hier soir?" Mon amoureux sait très bien que je rêve à toutes les nuits, mais là, cette question, elle était surprenante du fait que ce que je voulais vous rapporter aujourd'hui, c'était justement un extrait d'un de mes rêves.

Dans ce rêve, le paradis était annexé à la maison des voisins à notre gauche, ceux avec lesquels nous jasons de temps en temps lorsque nous nous croisons à l'avant de nos chaumières, à l'occasion donc. Chez moi, il y a ma mère et mes deux soeurs, aucune trace de M. Ma soeur B. fouille dans une boîte et ma mère lui dit de laisser tomber cette idée de vouloir réviser l'arbre généalogique. Sans l'écouter, ma soeur sort de toute cette paperasse un portrait de nos ancêtres. Sur l'image, plusieurs de nos aïeux se tiennent côte à côte, debout. B. interpelle ma soeur G. et moi-même pour que nous venions voir ces visages de plus près. En nous approchant, elle ajoute que plusieurs d'entre eux nous ressemblent, ma soeur G. et moi. Je regarde l'image et les gens représentés y sont dessinés plutôt qu'immortalisés sur papier photo. De fait, je reconnais que plusieurs des visages ressemblent au mien. À ce moment-là, ma soeur B. me révèle que je suis en fait la fille de Joseph, un grand-oncle de la famille de ma mère - dans la réalité, nous n'avons pas de grand-oncle nommé Joseph -, et d'une jeune femme qu'il avait engrossée. B. continue le récit en me disant que puisque maman venait d'enfanter une brochette - dans mon rêve, je comprends que cela veut dire des triplettes siamoises puisqu'il est question de douze membres - morte-née et que l'oncle ne voulait pas de moi, elle a accepté de me prendre pour fille.

Eh ben.

Plus tard aujourd'hui, mon esprit revient au songe et réalise avec étrangeté que selon certains historiens, Jésus serait né d'un Joseph septuagénaire et d'une Marie dans sa jeune vingtaine.

Eh ben.

Sinon, je suis encore capable d'enfiler un pantalon acheté au début de ma carrière au onzième, il y a plus de cinq ans maintenant, et bébé Bo. n'a pas encore tourné selon les palpations faites par l'obstétricien hier matin, à ma requête seulement. Tu as encore deux semaines pour le faire garçon. J'ai commencé à t'y encourager plus sérieusement. Et puis, on dirait que tu as commencé à culbuter cet après-midi puisque j'ai senti ta tête - que le gentil médecin, qui n'était pas le baba cool Dr. C., mais un collègue de celui-ci, a tracé avec ses mains sur mon ventre pour me faire comprendre ta position - changer de place. La bosse qui était en haut à droite dans mon abdomen est ailleurs. Avec mes paumes, je me tâte et je n'arrive pas à te voir tout à fait. Tout ira bien. Ce sera un accouchement naturel, tout ce qu'il y a de plus simple, nonobstant la douleur qui me fera serrer les dents. Tu naîtras de mes entrailles tout ratatiner, comme tous ces ancêtres qui ont mené à toi, bébé Bo., fils de l'Amour, venu célébrer la Vie.

9.13.2009

mon mec à moi

M. reprend le boulot demain. Après trois semaines à passer ses journées à faire progresser le chantier de sous-sol à temps plein, il vivra peut-être une ou deux journées de manque. Il reste encore beaucoup à faire, mais beaucoup a été fait déjà et nous sommes encouragés des résultats temporaires.

Ce soir, nous nous collerons devant le téléviseur. Besoin de nous sentir, de nous aimer, de partager un moment de détente, malgré que la tendresse soit au rendez-vous dans une foule de petits instants précieux entre nous. M. veut un baiser avant de redescendre travailler, je cherche ses bras pour me blottir à mon retour du onzième, dans notre îlet - notre grand lit -, nous passons toujours de longues minutes en cuillère.

Je me dis que je suis bénie de l'avoir près de moi, moi qui a longtemps cru que je serais seule sur mon chemin de vie, seule parce qu'incapable de me laisser aller dans une relation sans penser qu'elle toucherait inévitablement à sa fin dans un futur rapproché. Avant M., il y a eu plusieurs tentatives de vie à deux, mais au bout de trois ans, je sentais toujours qu'il était temps de passer à autre chose. Contre toute attente, M. s'est avéré celui qui m'a mené au-delà de cette barrière. Contre toute attente parce que tant de choses semblaient nous séparer au départ. Si différents si nous comparions nos expériences de vie jusqu'avant notre rencontre, mais si semblables lorsque nous communiquions notre essence.

Nous sommes dans notre septième année de relation. Il paraît que c'est tout un pivot dans un couple, que souvent c'est là que ça passe ou que ça casse. Avec les tourments qui nous ont sérieusement hantés à certains moments pendant ses années partagées, je ne peux m'imaginer meilleures conditions pour poursuivre notre route que celles qui dans lesquelles nous baignons aujourd'hui. Nous sommes amoureux, plongés dans un bonheur commun. Totalement orientés vers la cohérence d'un effort à maintenir cet état de grâce. De surcroît, parents à être. En un mot, engagés.

9.11.2009

laps préparatoire

Je me suis installée le plus confortablement possible sur deux chaises de bureau - sur une le haut de mon corps basculé légèrement vers l'arrière; sur l'autre mes jambes repliées en indien et appuyées sur les accoudoirs - pour somnoler pendant mes deux pauses de la journée. Une vraie première dans ma carrière au onzième. Une grosse fatigue me poursuit depuis quelques jours. Je sens que mon corps-vaisseau commence à rechigner de se tirer du lit aussi tôt le matin et de ne pas pouvoir se régénérer par une petite sieste dans l'après-midi. Alors aujourd'hui, j'ai cédé et je me suis assoupie le temps de faire le plein.

Je me souviens d'une fois où, pendant mon troisième stage en enseignement, je m'étais couchée en chien de fusil à même le sol du bureau de ma maître-associée. Elle donnait un cours et j'avais un mal de coeur qui persistait d'un souper trop gras la veille pris trop tard sur un estomac épuisé par mes nouvelles tâches. Le bonheur de me laisser tomber dans ce non lieu qu'est le sommeil à ce moment-là fut immense. Un véritable soulagement de pouvoir tirer sur la plug comme on dit et d'ainsi mettre fin à l'agonie.

Alors voilà, je commence ma trente-quatrième semaine de grossesse et mes limites se définissent côté énergie. Calmos que mon système me dit. La Lu va devoir préserver ses forces.

C'est fou, dans deux mois, je te tiens au creux de mes bras et j'aurai alors changé quelques-unes de tes couches souillées par tes séances de boire à mes seins.

Justement, hier soir, j'ai assisté à mon premier cours prénatal, portant sur l'allaitement celui-là. Je tenais à suivre ces séances informatives parce que bien que je sois entourée de femmes d'expériences et que j'aie lu au sujet de l'accouchement, de l'allaitement et des soins pour bébé Bo., je me disais que cet extra ne serait pas de trop. J'aime grappiller toutes les connaissances que je peux et plus nombreuses les sources, meilleures les chances de tomber sur un détail précieux.

J'étais la seule maman non accompagnée de la réunion. M. poursuivant les travaux au sous-sol et ayant obtenu une offre d'aide de son ami Al., je n'en ai pas fait un plat. Pendant que le groupe se formait à chaque nouvelle arrivée de couples quelques minutes avant la rencontre débutant à 19 h, je sentais les regards de pitié tournés furtivement vers moi, solitaire concentrée sur la lecture d'un bouquin écrit en anglais que je débute à peine.

Après deux heures de contenu sur l'allaitement, j'ai constaté que de fait, toutes les conversations que j'ai entretenues avec ces femmes d'expériences qui m'entourent et mes lectures à ce sujet m'ont donné une bonne longueur d'avance sur ce que je vivrai très bientôt par rapport aux autres présents à la réunion. Tant et tellement que je répondais à certaines questions des participants avec une demie seconde d'avance sur l'animatrice. Loin de moi l'intention de manquer d'humilité, mais vraiment, je crois que je suis prête, du moins en théorie, à plonger dans cette nouvelle expérience. Reste à voir si tu les seras toi aussi. Mais je sais que tout ira à merveille chaton. Nous formerons le parfait tableau de contentement.

9.09.2009

boost

Hier soir, M. et moi, nous avons été frappés en plein front par une coïncidence grosse comme quelque chose d'arrangée par le gars des vues.

Rentrée au paradis d'une journée occupée au onzième et d'un retour à la maison dans un autobus bondé à craquer, j'ai retrouvé M. sur le bord d'un mini burn-out tellement il était découragé par les travaux qui n'avaient pas, selon son regard un peu trop pessimiste à mon goût, avancé d'un ïota. Avec le peu d'énergie restante, j'ai bien tenté de lui remonter le moral, mais mon ton robotique et rationnel dû à la fatigue qui me gagnait n'a pas eu tout à fait le dessus sur son broyage de noir.

Alors juste après le souper, nous sautons dans Jasmine la Fit direction Réno-Dépôt, là où M. a l'impression de passer ses journées, pour échanger des luminaires et de la laine minérale, chacun dans notre bulle, à plat.

Au comptoir des retours, tout change. Arrivé de nulle part, le cousin de M., S. l'électricien, celui dont nous attendions absolument des nouvelles pour pouvoir avancer côté installations électriques justement, salue mon amoureux comme si de rien n'était. C'est à peine si M. et moi on ne s'est pas frotté les yeux tellement ça n'avait pas de bon sens comme apparition. Nous n'avions jamais, au grand jamais, rencontré son cousin en dehors des meetings familiaux qui ont lieu une fois aux ans et demi environ. Et là, il est devant nous, dans un moment de creux évident, juste quand pas plus tard que la veille, M. demandait de l'aide de sa soeur pour demander à ce même cousin, via Facebook, de communiquer avec nous le plus rapidement possible s'il vous plaît.

Je demande à S.: est-ce que je peux t'embrasser? De me frotter les joues contre les siennes, c'était un peu comme de me pincer. L'univers a ouvert une trappe pour le laisser tomber à deux pieds de nous. D'un claquement de doigts, notre banque de motivation s'est remplie à ras bord. Go figure.

9.07.2009

éloge de la lenteur

Dehors le jour resplendissant passe tranquillement pendant que je le regarde depuis l'intérieur. Mon corps est à la paresse et je veux être près de mon amoureux que je n'ai vu beaucoup cette fin de semaine il me semble. Je vaque à mes menues occupations ménagères et voilà comment on comble des heures sans s'en apercevoir.

Je lis d'un trait tout le contenu du blogue de M-A, véritablement littéraire celui-là. Quel talent d'écrivain et je le lui laisse savoir qu'elle m'éblouit par ses écrits. Ensuite, je replonge dans le lit, histoire de me laisser aller à l'engourdissement délicieux de la fatigue. Je suis en congé après tout. Petite gâterie d'avant-midi donc. Et quel plaisir de rencontrer M. qui remonte du sous-sol à mon réveil. Il s'approche, m'embrasse avec désir et me rejoint dans l'îlot drapé. Dieu que l'amour est bon. Repus, M. retourne au chantier et je me mets au fourneau. Aujourd'hui, je fais des muffins aux bleuets frais et copeaux d'amandes.

Pendant que nous dînons, ma soeur G. et son amoureux nous font la surprise d'un saut de crapaud, le temps de constater l'avancement des travaux entrepris et de nous laisser avec une bonne idée, celle de répartir le poids d'un poutre transversale sur deux piliers dissimulés dans les murs plutôt que de bloquer l'espace central avec un seul. Merci.

Entre deux lessives, je descends appliquer une couche de teinture sur les deux poutres que nous avons décidé de sabler pour exposer leur beauté dans les deux pièces pendant que mon amoureux installe les caissons des lumières encastrées. Cette tâche accomplie, je remonte nettoyer la pile de casseroles, vider le lave-vaisselle et suspendre les fringues sur la corde.

Décidément, elle me plaît ma vie de petite femme au foyer. Elle est douce et simple. Paisible. Pleine. Mienne.

9.05.2009

blast from the past

Si j'ai parlé de ma mémoire semblable à une passoire plus tôt cette semaine, c'est qu'elle devra être au meilleure de sa forme demain lorsque je rencontrerai des gens que j'ai côtoyé il y a quatorze ans parce que j'ai alors participé, deux années de suite, à monter une pièce de théâtre au sein d'une troupe. Les joyeux lurons qui ont joué Cabaret Neiges Noires de Dominic Champagne et Nuits Blanches de Jean-Frédéric Messier se retrouvent après des années à avoir roulé leur bosse de la vingtaine jusqu'à une nouvelle décennie.

Cette réunion flashback est l'initiative de S-P, cet ami loyal qui m'a tant appris pendant mes années cégepiennes partagées à ses côtés. Dans son logement situé tout près du Collège Maisonneuve où nous nous sommes tous connus, les histoires de chacun se dévoileront et nous comblerons les années qui nous séparent en révélant nos parcours. Bien sûr, la nostalgie risque de faire renaître des anecdotes liées à l'époque de notre complicité collective. Quoi qu'il en soit, mes co-épquipiers étaient des gens fascinants alors. Ils le seront encore assurément.

Il y aura sans doute M-M l'exubérante qui a poursuivi une carrière dans le jeu de scène. Elle a tenu un rôle secondaire dans le remake d'Un homme et son péché il y a quelques années et joué dans des pièces de théâtre, entre autre une pour sûr à la Licorne. Dernièrement, je l'ai aussi entr'aperçue dans les pages de l'hebdomadaire Voir parce qu'elle est la co-auteur d'un livre de recettes pour petits budgets qui a séduit la critique.

Je parle d'elle, mais en fait, je ne sais pas qui des deux troupes se présentera. Certains d'entre nous, comme S-P, M-M, moi et d'autres ont fait partie de la troupe deux ans de suite. De ceux-là, il y a eu Fr., arrivé tout juste de Port-Cartier, accompagné de M-A. Les deux amis ont décidé de s'enrôler dans cette activité parascolaire ensemble. Fr. était ce bon vivant, rieur, fan de Genesis devenu cuisinier. M-A, je l'ai recroisée à l'université et elle était alors une étudiante brillante récoltant les bourses rondelettes avec sa moyenne fracassante. Il y avait aussi Mt., jeune femme douée pour l'écriture qui a d'ailleurs été acceptée à l'École Nationale de Théâtre en scénarisation juste après avoir complété son DEC en Lettres. Mt. qui est maman de deux jeunes filles aujourd'hui puisqu'elle était tombée enceinte peu de temps après le cégep. Je me souviens de son mariage auquel quelques-uns de la troupe avaient été invités. Une belle cérémonie conviviale quelque part en campagne avec Lhasa en trame de fond.

Peut-être y aura-t-il Br., un de mes ex qui est prof de philosophie depuis quelques années au même cégep où Jl., ma très bonne amie, est elle-même prof de littérature. Petit monde. Peut-être y aura-t-il un autre de mes ex, J-B, qui a fait partie de la troupe la première année. Ma soeur B. l'a recroisé à l'hôpital Sainte-Justine il y a quatre ans environ. Il était médecin là-bas. Peut-être y aura-t-il St., la belle rouquine à l'esprit ambitieux qui a d'ailleurs mené sa vie professionnelle de front. Je l'ai vue l'été dernier aux serres où nous allons chercher nos plantes au printemps depuis trois ans. Elle habitait la rive-sud elle aussi et était toute fière de me parler de son petit bonhomme tout neuf.

Il y en aura certainement d'autres. S-P me dit que nous serons une dizaine. Peu importe le nombre, je crois que la magie sera au rendez-vous. Comme elle le fut dans ce petit local où nous nous entassions pendant des heures entre les cours. La magie d'une chimie de groupe marquante à vie.

9.03.2009

collaboration

Ils sont quatre à jaser autour de la table de cuisine. En échange de l'aide fournie par les amis de M., je leur ai servi un bon souper: tournedos de boeuf bio, frites maison, fondue parmesan, laitue verte. M. a même débouché une bouteille de mousseux pour terminer le repas en beauté. Les panneaux de gypse qui ont été plus compliqués à transporter à la maison et à rentrer au sous-sol que prévu, sont finalement empilés après leur bon effort de groupuscule. L'union fait la force, nul doute.

Demain, j'entame mon huitième mois de grossesse. Depuis deux jours, je pense au fait que bébé Bo. doit tourner et se placer correctement, tête vers le bas. Bizarrement, Mt., un des convives, l'ami des amis de M., que j'ai rencontré pour la première fois aujourd'hui, nous a raconté que sa petite qui a maintenant 15 mois, s'est présentée par le siège, malgré des manipulations de version au préalable, ce qui a mené à une césarienne. Deuxième histoire d'accouchement avec complications dans la même journée. Puisque plus tôt, en après-midi, un homme que je rencontrais aussi pour la première fois, mais au onzième cette fois, m'a parlé de l'expérience angoissante de la naissance de son garçon qui a maintenant 15 ans, mais qui a failli perdre la vie à son arrivée dans le monde. Loin de lui l'intention de m'apeurer, vraiment. Il m'en a parlé avec une ouverture touchante pour me sensibiliser au fait que ce moment est crucial pour les années à venir de l'enfant, surtout pour sa santé. Il m'a expliqué comment son garçon à l'âge de neuf ans a commencé à avoir des problèmes à l'école, qu'il partait dans son monde pendant de cours instants rapprochés. Bien sûr, le médecin généraliste a diagnostiqué un trouble de l'attention, mais le neurologue lui a posé une question qui a surpris l'homme: comment s'est déroulé l'accouchement de votre enfant? Finalement, le garçon souffrait d'une forme d'épilepsie particulière qui s'est résorbée avec une médication qui a duré deux ans et tout ça en lien avec le traumatisme ressenti par le nourrisson.

Je te parle de temps en temps et je te demande de collaborer le grand jour. Ensemble, nous devons réussir la plus grande chose de nos vies. Avec la présence de ton papa à nos côtés, nul doute que tout ira pour le mieux. L'union fait la force.

9.01.2009

meursault

Vous ai-je déjà dit que j'ai une mémoire absolument nulle pour les prénoms? Pas pour ceux des gens que je rencontre là maintenant au présent, mais plutôt pour retenir ceux d'individus que j'ai côtoyés dans mon passé. Pas tous les prénoms en bloc bien sûr, mais pour certains, on dirait que mon cerveau ne retrouve tout simplement plus le chemin qu'il a déjà pourtant pu suivre nombre de fois sans difficulté. Souvent, ce n'est qu'une lettre qui apparaît très clairement dans ces cas de "brain freeze", la première lettre du prénom de la personne qui est devant moi et qui elle me reconnaît et me nomme, moi, la fille au nom peu commun. Au fil des ans, j'ai développé deux théories pour expliquer ce phénomène embarrassant qui me paralyse parfois en société.

Primo. Ça remonte à un moment bien précis quand adolescente âgée d'environ 15 ans, j'attendais quelqu'un au métro Berri-UQÀM en compagnie d'une amie à moi à ce moment-là de ma vie. Je dis une amie, mais c'était plutôt une connaissance que je fréquentais régulièrement par l'entreprise d'une autre connaissance qui était la blonde d'un ami de mon amoureux de l'époque. Vous voyez? Bref, je suis avec cette fille et là, une personne que je connais - je ne me souviens plus qui du tout ni d'où je la connaissais - arrive et me salue et je lui présente la fille avec qui je suis par politesse, mais là, je commets une bourde incroyable en ne la prénommant pas correctement. Et la paire d'yeux qu'elle me lance alors cette fille avec qui je suis là à attendre quelqu'un et que je suis supposée connaître assez bien quand même me fusille et je reçois de plein fouet toute la douleur, la déception, l'humiliation même qui la traverse. Cette marque au fer rouge opérée par ces émotions à vif si pures ont sans doute contribué à ce blocage qui me scie lorsque je dois nommer quelqu'un et que mes cellules grises se transforment en bouillie.

Deuxio. Je suis le genre de personne qui observe beaucoup et qui tente d'être le plus branchée possible au déroulement de mes scènes au quotidien. Je crois que cette énergie à investir le présent est telle que mon passé en écope. Parce qu'en plus de certains prénoms, certaines de mes actions que mes parents ou amis me relatent parfois m'étonnent comme si j'entendais parler d'elles - me concernant pourtant - pour la toute première fois de ma vie.

Parfois, j'ai l'impression d'être l'étrangère de moi-même.