orphelins de l'Éden

5.30.2007

agenda

M. nous a fixé un agenda à respecter pour les travaux. Peinture et pose des planchers de liège. Couche de fond, plafonds, couleurs des murs, planchers. Jusqu'ici, tout va bien. Mes deux perles d'amies, Sr. et Jl. se sont rencontrées pour la toute première fois au coin des rues Des Pins et St-Urbain hier soir vers 17 h 30, là où nous leur avions donné rendez-vous, direction maison. Elles ont caqueté sur la banquette arrière de Jasmine la Fit pendant que nous roulions vers le sud. Quel beau moment pour moi que de les voir réunies et de surcroît, comme Jl. l'a si bien dit, en chemin pour voir la maison en même temps, sans favoritisme ni de ma part ni de celle des circonstances. Ensemble.

Ce soir, c'est Am. qui vient nous donner un coup de main. La soeurette de M. est si généreuse de son temps, spontanément. Ça fait chaud au coeur. Et puis, je me sens bien dans cette maison qui se transforme de l'intérieur. Nous y serons bien, c'est certain. Déjà, je l'aime.

5.28.2007

nuestra casa

Nous avons les clefs. C'est officiellement chez nous maintenant. Cette maison bâtie l'année de la naissance de M. est solidement debout au milieu de ses comparses. Quand je regarde ma cour, je vois du vert et la tension baisse d'une couple de coches.

Puisque nous peinturerons à tous les soirs de cette semaine dans notre nid, après nos heures de travail à nos boulots, je n'aurai pas beaucoup de temps pour vous faire des clins d'oeil. D'ici deux semaines, le rythme devrait reprendre un cours plus normal. Entre-temps, je vous ferai des coucous, promis.

5.25.2007

au petit matin, lui

Parce que je quitte la maison lorsque le bulletin de nouvelles débute à 6 h 30, je me retrouve sur Jarry quelques instants plus tard. À peu près au même moment que je descends mon escalier tordu, M. Jean Roy sort du Boni-Soir au coin Foucher, un sac de plastique pendant au bout dans sa main gauche avec dedans le journal frais imprimé. Nous nous rencontrons toujours entre la rue Des Belges et St-Hubert, souvent au coin de Châteaubriand. Ce matin, je le vois regarder par terre lorsqu'il avance dans ma direction. Il regarde un point précis et continue sa marche. Arrivé à portée de voix, il me dit qu'au pied du parcomètre le plus près de nous, il y a un sou qui n'attend que je ne le ramasse comme une bonne étoile discrète à saisir, tu verras qu'il me dit. Je poursuis ma marche après lui avoir souhaité un bon weekend et lui attend que je le cueille ce cadeau original. Et je le cueille ce cadeau original et je lui dis bien haut "c'est un sou noir américain". Il est heureux de me charmer. M. Jean Roy me manquera. Lui que je croisais presque à tous les matins en me rendant au boulot. Il a une besace pleine de compliments, de bonnes farces, d'anecdoctes pas possibles et de jeux de mots. Il a des yeux bleus comme les glaciers des deux pôles qu'il a vus de ses yeux vus puisqu'il était soldat de mer. Et je le mets dans mon porte-monnaie ce sou, cette étoile, en souvenir de notre lien tissé tranquillement au fil des années qui viennent de passer. M. Jean Roy qui est né dans cette paroisse, M. Jean Roy qui se repose au petit parc les jours ensoleillés, M. Jean Roy qui est revenu sur son coin de terre avant de tirer sa révérence. Un chêne incomparable, un monument au coeur grand comme la plus belle sincérité. Un des personnages de ce quartier qui m'a rentré dans la peau, ma peau de Montréalaise.

5.24.2007

le vert dans notre verger

Dans la touffeur de la fin d'après-midi, j'ai décidé d'emprunter la ruelle pour aller laisser tomber mon film dans la chute du club vidéo. Je déambulais dans cette rue cachée qui donnait sur le coeur des demeures, là où une femme lisait un document broché attablée à un meuble de plastique blanc et où des adolescents grimpaient sur un scooter pour se rendre en quelque lieu. Surtout, les lilas des trois couleurs, blanc, mauve pâle et foncé, mon préféré, embaumaient l'air chaud et leurs fleurs minuscules en grappes pointaient leur floraison au travers de feuillages verts gorgés de la promesse de durer encore quelques mois. Ce vert est là pour la saison qui débute à peine. Toute cette chlorophylle apaise, c'est certain. Le végétal en nous s'éveille à sa vue et vibre dans nos êtres parfois trop éloignés de l'organique qui nous lie à l'origine.

Ce doit être le rosé italien qui me monte à la tête. La poésie s'installe et s'impose. Elle devient maîtresse, elle-même esclave de l'ivresse. Vraiment, le printemps devient l'été et l'esprit se dégourdit pour couler et se lover dans le corps. Le corps, parlons-en. Aujourd'hui, je décide de me vêtir légèrement parce qu'il annonce le premier 30 degrés de l'année. J'opte pour une robe de coton souple que j'ai acheté il y a deux ou trois ans. Elle moule mon corps décemment, mais elle le moule tout de même.

Je ne suis pas tout à fait à l'aise d'exposer mes formes et pourtant, mes formes sont comme toutes celles des femmes qui se promènent dans la ville, ailleurs, dans d'autres pays, depuis des siècles et des siècles. Ils me rendent vulnérable ces regards qui embrassent mon enveloppe sans me connaître. Coquetterie, séduction, intimité, intrusion, liberté. J'aimerais assumer ma féminité sans ressentir la convoitise. Instinct animal qui régit depuis toujours, qui l'emporte sur le savoir-vivre trop souvent, qui l'emporte trop souvent sur la discrétion d'un regard plaisant.

Bien sûr, les hormones rentrent en ligne de compte. Toutes ces peaux qui appairaissent, tous ces grains de beauté qui se dévoilent, ces bouts de cuisses, ces poitrines, ces épaules fières, ces pieds manucurés, ces teints hâlés, cette sueur comme l'amour torride. Chaud, il fait chaud. Et d'après V., la saison s'annonce accablante de mercures élévés. Partout, la beauté émoustille. Le décor féérique des cimes majestueusement vivantes, des cieux cléments et des vents enveloppants est propice à l'envie. Attention toutefois, l'imagination s'anime et peut jouer des tours. Il veut mieux profiter de son partenaire à fond la caisse. C'est moins compliqué et puis surtout, c'est moins décevant.

Petite confession: il fut un temps où ma gourmandise humaine pouvait être assouvie avec facilité. Quelques-uns se sont relayés entre mes bras et je dois me souvenir dans des moments de désir que la mécanique reste fondamentalement la même pour tous. Mais bon, certains ont du talent tandis que d'autres n'ont pas la chimie qui leur permettent d'opérer. Le bon Dieu nous a donné des moyens de nous rencontrer intimimement. Et l'on dit que l'on peut tous trouver chaussure à son pied. Alors, de grâce prenez votre pied quand il vous est possible de le faire. Prenez, embrassez et appréciez. Goûtez. Le fruit n'est plus défendu.

5.22.2007

à venir

Bon, c'était un mauvais timing de devoir aller à la bibliothèque nationale pour rapporter des livres et en emprunter d'autres. Premier jour d'une grève, qui selon certains, s'annonce longue. Le service est assuré aux usagers sur les heures de pointe et en fin de soirée. C'est comme ça que je me suis retrouvée sur un quai bondé à la station Atwater à 4 h moins quart. Le train a remonté le tunnel lentement environ une quinzaine de minutes plus tard. La foule compactée dans les wagons découragea ceux qui patientaient depuis plusieurs minutes. J'ai réussi tant bien que mal à me coincer entre deux costauds, là où la porte s'est refermée à deux pouces de mon nez. Une jolie jeune femme à l'accent français disait à chacune des stations haut et fort: "Laissez sortir les gens s'il vous plaît." Mon genre d'individu, poli, meneur et efficace.

Parfois, les foules me foutent la trouille. Quand ça avance aux pas de tortue, je me sens piégée. Quand ça respire d'un même souffle chargé de parfums, de sueurs et de mauvaises haleines, je me projette dans le futur. Dans le wagon, je me suis imaginée une main baladeuse. Je me suis demandée ce que je ferai si quelqu'un s'amusait à me tâter. Qu'aurais-je pu faire parmi cette masse solide d'individus étrangers mais collés les uns contre les autres? Si j'y ai pensé, c'est que c'est déjà arrivé à une fille que j'ai connu au cégep. Un homme avait remonté sa cuisse par le chemin de son bas collant pour venir frotter son sexe de sa main. Elle été tétanisée, humiliée, frappée de dégoût et gelée tout à la fois. Quand les portes s'étaient ouvertes, elle s'était jetée sur le quai. Elle n'a jamais vu le regard de son agresseur. Je me suis aussi imaginé un voleur nain qui profiterai de la manne de sacs posés à même le sol. J'ai touché ma caboche à défaut de bois. Superstition oblige.

Dans deux semaines, mon transport en commun ne sera plus celui du territoire montréalais. C'est ainsi qu'en traversant le pont Champlain hier sur l'heure du dîner, j'ai regardé le fleuve bleu marin et la ville riveraine en réalisant que cette vue-là serait ma nouvelle carte postale quotidienne. Nous revenions d'un premier voyage de boîtes transportées dans notre maison. Notre maison au gazon vert. C'était la première fois que je voyais notre gazon. Nous avons signé notre promesse d'achat au mois de janvier. Le ciel était dégagé et la lumière inondait notre cour dans toute sa splendeur. Nous bénificierons du soleil nourrissant, celui du matin.

J'ai vu l'endroit où je tenterai de récolter quelques légumes cette annéem près de la clôture mitoyenne à notre voisin monsieur R. Arrivée à l'appartement, j'ai déterré mon livre de jardinage pour décider des espèces que j'aimerais semer: concombres, fèves vertes, carottes, maïs et peut-être radis. Je planterai aussi des plants de tomates et de piments. Nous verrâmes comme dirait l'autre.

M. dort mal depuis trois jours. La première nuit, il a accusé le morceau de chocolat mangé à peine une heure avant de se mettre au lit. La deuxième nuit, c'est le hamster dans sa tête qui était sa tête de turc. Cette nuit, c'est son dos. Il est nerveux. Le décompte va de pair avec l'angoisse de l'épreuve, l'adrénaline bienfaitrice avec l'effet secondaire de la boule au ventre. Nous passerons au travers ces jours à venir. Comme à tout coup, c'est certain. Et bientôt, je vous écrirai de ma petite vie tranquille. Assise sur mon deck, paisiblement, je compterai les courants d'air qui passeront et j'écouterai les feuilles poussées. Contemplation de cette vie balieusarde. Mon retour dans une maison depuis l'âge de neuf ans.

5.20.2007

www.piknicelectronik.com

Comme il fait bon de se dégourdir le corps. Et comme il fait bon de se délier l'énergie et de se laisser bercer par le rythme, transpercer par les basses, enlever par les petits bruits électroniques qui battent la mesure. Il fait bon de fermer les yeux et de bouger, les bras dans le vent, le sourire aux lèvres, le ventre ouvert à l'univers. Boom, boom, le coeur de cet univers à nu aspire ceux des danseurs qui composent la foule réunie sous la statue immense aux pattes fines, aux bras multiples. Le site sur l'île Ste-Hélène est un endroit merveilleux qui est comme une terrasse sur le fleuve avec une vue imprenable sur la ville de Montréal. Boom, boom. Et ils sont beaux et belles les beautiful people qui ondoient sur les vagues des platines. Boom, boom, les lunettes soleil immenses, les baskets multicolores, les jeans, les leggings, les jupes, les camisoles, les t-shirts aux imprimés rigolos. Boom, boom.

Le premier piknic de l'année. Tellement différent de celui de l'an dernier où la pluie avait commencé en matinée et que le thermostat nous avait obligé à danser avec nos imperméables. Nous étions un groupe d'une vingtaine, tout au plus. Aujourd'hui, l'événement battait son plein, comme au zénith de sa forme, nous étions des centaines. Il faut dire que depuis deux ans, les médias aiment rappeler régulièrement l'existence de cette réunion dominicale. Maintenant, nombreux sont ceux qui ont migré vers l'île à défaut de la montagne.

Sous la tente où se relaient les DJs invités, c'est un pikniqueur qui est apparu. Il a saisi le microphone, chose assez rare pour un disk-jokey, et avec un accent faussement bêbête, il a parlé un anglais ridicule. Il a affirmé venir du Zimbabwé et s'appeler DJ Slim. Bien sûr, il blaguait en partie. Il était sympathique malgré le fait qu'il coupait les trames musicales pour intervenir sans cesse. Sympathique tout de même. Et puis, sa musique, celle qu'il avait choisie faire tourner sur les tables, était bonne, entraînante.

M. et moi nous sommes beaucoup amusés. Nous aimons nous planter près des colonnes de son qui s'élèvent sur 10 pieds et qui crachent des aigüs et des bruits qui rebondissent, des loupes et des tempos saccadés. La musique électronique est un courant dans lequel il faut plonger pour apprécier toutes les subtilités. Nous n'écoutons que rarement de l'électro à la maison, mais pour danser, il n'y a rien de tel qu'un bon set de beats par minute décoiffant. Le style de techno que je préfère le plus est très rarement présenté aux danseurs des piknics. Le drum'n'bass est une musique extrêmement rapide qui secoue littéralement. Suivre ce rythme c'est comme conduire une Ferrari à tout allure sur une autoroute bondée. Infernal, difficile et très cru. J'adore. Mais bon, seules certaines soirées presque clandestines sont réservées à cette musique née chez les Anglais.

Au piknic, la musique est plus gentille, moins rapide, plus ondulante. Il est facile de se dandiner les hanches sur le groove accessible. D'ailleurs, des gens de tous âges viennent se brasser le popotin en plein jour. La chimie n'opère pas toujours de la même façon. Mais aujourd'hui, pendant le set de DJ Slim, les sourires étaient au rendez-vous et bon dieu de merde qu'il fait bon de danser après des mois de disette.

5.18.2007

l'autre tier

Si je dors en moyenne huit heures par nuit, voilà un tier de ma vie de déterminé. Si je travaille quarante heures semaine, c'est que je passe huit de ma journée à mon immeuble-boulot. Un deuxième tier d'envolé, à par pour deux jours par semaine où cette fraction fois deux est vécue en compagnie de mon amoureux.

Trève de calculs, il est simple de comprendre que je passe beaucoup de temps auprès de mes collègues. Dernièrement, je suis assise dans la salle quatre du onzième. Nous sommes quatre à y bosser depuis deux semaines puisque Nk. est parti pour le vieux continent avec mon manuscrit dans ses valises. Alors, reste V., Dn. et Bz. Sur l'heure de dîner, V. et moi allons souvent marcher ensemble. Parfois, nous grimpons une pente abrupte de la Westmount, ville rebelle malgré ses têtes blanches, ville qui frissonne à l'idée de partager sa quiétude et ses fonds avec la grande ville et ses bas-fonds. D'autres fois, nous restons sur le plat et passons dans un parc pour nous rendre à une petite boulangerie-pâtisserie située sur Victoria. Là, des cupcakes au glaçage beurré et des carrés aux fruits et noix de toutes sortes nous attendent sagement dans la vitrine. Il y a bientôt un mois et demi que je gobe un cupcake au moins une fois semaine. Maintenant, la pâtissière s'amuse à colorer le glaçage avec des teintes vibrantes: bleu turquoise, jaune canari, vert St-Patrick, mauve lavande. Les petits gâteaux sont plus sucrés tout à coup.

Ce midi, V. et moi avons opté pour l'itinéraire qui nous mène au marché Atwater. Nous savons, pour l'avoir fait à plusieurs reprises, qu'une heure nous suffit pour faire nos courses tout en prenant un bain d'air frais. Arrivées près de la station Lionel-Groulx, à l'arrière, là où la piste cyclable fait un crochet, un jeune homme à la coiffure hirsute est apparu. Il nous a approché avec des yeux fous aux cernes rouges. Sa peau était mangée de gales et ses vêtements sales pendaient sur son corps maigre. Il nous a baratiné d'une poésie hallucinée. Il voulait de la monnaie, n'importe quoi. Je sentais qu'il était dans un high, un trip superbe qui le suçait de l'intérieur. J'avoue que des consommateurs qui en arrivent à cet état me foutent un peu la trouille. Quand la substance accule à la survie, l'individu est parfois près à tout. Sur mes gardes, j'ai répondu que nous étions bredouille à cet homme qui n'a plus d'âge, plus de moments sereins si ce n'est lorsqu'il met la main sur de la came.

Au marché, j'ai acheté un Itinéraire à ce camelot qui écrit son mot en anglais dans les pages lustrées. Cette fois, il y parle de Détroit. Il sort un album de photos de son sac pour nous montrer le Tiger Stadium qu'il a bel et bien visité. Il nous décrit la ville séparée du sol canadien par une rivière que j'aperçois sur le papier au fini glacé. Finalement, qu'il nous dit, mieux vaut aller ailleurs parce que la ville n'est pas très sécuritaire.

J'avais besoin d'asperges pour le potage de ce soir. À l'entrée, une table indique que les belles tiges vertes viennent du Québec. Ça y est, les arrivages locaux se succèderont pour des mois, par vague. Alors voilà, il est là le temps des asperges locales. V. m'a donné l'idée de faire des röstis. M. raffolera de ces petites galettes de patates, c'est certain. Je mélangerai du navet râpé au tubercule bourré d'amidon.

En rentrant, je remets à Fn. un calendrier que j'ai acheté pour lui à Ax. qui porte main forte à deux filles, dont une d'elle est la soeur de sa belle-soeur ou quelque chose comme ça. Elles ont trouvé le moyen de financer une partie de leur aventure de gazelles en vendant des calendriers proposant des photos d'elles-mêmes artistiques et sexys. Je les trouve courageuses ces filles, culottées. Fn. est un collectionneur de calendriers. Il est aussi un appréciateur de la gente féminine. Il est ravi du cadeau. Ça me fait plaisir cher voisin que je lui dis.

Ce soir, M. et moi allons voir un spectacle. Gary Kurtz, le mentaliste, nous fera courir le hamster dans nos têtes en nous éberluant le scepticisme. C'est notre cadeau de Noël de Cl., la maman de M. Il n'est jamais trop tard pour apprécier un geste généreux. Il n'est jamais trop tard pour rien d'ailleurs.

5.16.2007

rien ne se perd, rien ne se crée

Nous revenons de chez le notaire. Ça y est, nous sommes propriétaires et toutes les dettes qui nous tombent dessus pour les vingt-cinq prochaines années nous rendent légers de bonheur. Ces dettes nous appartiennent pour un bon bout de temps et nous serons responsable de les faire fondre tranquillement, au fur et à mesure que notre actif grandira. Nous avons maintenant notre lopin de terre et notre chaumière. Ou plutôt, la Caisse a notre lopin de terre et notre chaumière, mais bon, c'est tout comme.

Ainsi, ce matin, j'ai quitté l'appartement comme à mon habitude, chaussée de mes baskets vertes et munie de mon sac à dos couleur limette. Seulement, dans son ventre, je transportais un chèque lourd comme une charette chargée de lingots d'or. Ni vu, ni connu.

Et puis, le printemps a décidé de remballer le beau temps, histoire de se faire désirer les rayons davantage. Alors, sur le coin de rue de mon immeuble-boulot, mon parapluie a brisé. Clac! Un coup sec et fatal qui a décrété la mort de cet objet qui m'était fidèle depuis presque quatre ans. Étrangement, c'est arrivé aujourd'hui, jour où nous allions notarier. Ce parapluie, je l'avais acheté pendant une vente trottoir sur la Mont-Royal qui a lieu pendant l'événement Nuit Blanche sur Tableau Noir à la mi-juin. Je me souviens que je venais de passer ma première nuit d'amour avec M. Nuit blanche en effet, mais plutôt sur tableau de chair pendant laquelle nous avions exploré à peu près toutes les parcelles de nos corps. Au petit matin, nous nous étions assoupis, enfin lui, pas moi. Moi, j'étais partie chercher notre petit déjeuner.

Jl. m'avait passé son logement pour le weekend. Je crois qu'elle était allée visiter de la parenté dans son Abitibi. Et moi, j'étais entre deux feux, ici et là, séparée tout récemment de mon ex. La semaine, ma soeur B. et mon beau-frère Bb. m'hébergeaient dans leur jumelé à Bellefeuille parce que je travaillais à St-Jérôme. Je prenais le vélo pour me rendre à l'école où j'enseignais. Il ne me restait que quelques jours à travailler avant la fin de l'année scolaire.

Le logement était situé sur la rue Messier, à deux pas du tout nouveau nid de Sr. et Mx. Ce matin-là, il y a bientôt quatre ans, lorsque je suis arrivée sur l'avenue ouverte aux piétons, j'ai pu admirer les oeuvres exécutées au courant de la nuit. Je m'étais procuré un appareil photo jetable pour immortaliser mes groupes d'étudiants. J'en ai donc profité pour photographier un chat roulé en boule qu'un artiste avait dessiné sur le bitume. Il avait des yeux immenses et un air heureux. C'est là que j'ai déniché mon parapluie, juste en face de ce dessin. Il y avait ce commerce rempli de sac de voyages de toutes sortes, de sacoches, de valises et de parapluies. Je me souviens avoir négocier le prix avec le marchand, chose que je ne fais que très rarement. J'étais repartie avec cet objet long qui me donnait des airs de dandy avec son motif carrelé et son manche de bois patiné.

Après, je m'étais arrêtée aux Copains d'Abord pour des viennoiseries et à la fruiterie pour du jus et des figues fraîches. Revenu au logement, M. et moi avions mangé sans savoir que plus tard, bien plus tard, nous en viendrions à aujourd'hui. Mais mon parapluie semblait savoir lui que son mandat n'allait durer que pour ce premier pan de notre relation, qu'à partir de maintenant, M. et moi, nous rentrions dans une nouvelle étape de notre vie, que notre sac de billes ne serait plus constitué de deux moitiés réunies mais bien d'un ensemble à chérir ensemble, l'un avec l'autre. C'est Louis-José Houde qui avoue attribuer une âme aux objets et bien que le matériel surabonde autour de nous, certains objets ont vraiment un statut particulier. Des associations provoquées par les souvenirs ou les émotions nous lient à ces choses qui nous suivent dans nos demeures, nos sacs à main, nos bureaux. Mon parapluie était un de ceux-là. Mon parapluie est mort. Vive cette nouvelle étape de notre vie. Jamais je ne t'oublierai période d'avant la nidification. C'est par toi que nous sommes passées pour aller de l'avant, vers nos futurs soudés par une matérialité qui accueillera, si Dieu le veut, nos oeuvres d'art ultimes: nos enfants.

5.13.2007

le cercle

En ce dimanche lumineux, beaucoup de fleurs s'achèteront à la hâte, de boîtes de chocolat, de parfums peut-être, de forfaits pour un spa. Tout ça pour dire "maman, je t'aime, je tiens à toi, tu es un phare pour moi." Tout ce que j'espère, c'est qu'il y aura aussi beaucoup de repas pris en famille, harmonieusement, beaucoup de temps passer les uns avec les autres pour cette fête des mères qui revient à chaque deuxième jour du seigneur de mai.

Et chez moi, dans ma petite famille, le clan est à prédominance féminine. Notre aïeule, ma grand-maman douce comme une soie, est veuve depuis maintenant neuf ans. Ma mère, amoureuse ces jours-ci, nous a élevé pratiquement toute seule et puis notre père est mort. Malgré son second mariage et ses autres relations qui ont suivi, notre parent direct, c'est elle. C'est elle qui, il y a trois ans aujourd'hui, a mené B. à l'autel, vers son mari. Ce jour-là, le ciel était couvert, mais pas une goutte de pluie n'est tombée sur le coin de la République Dominicaine qui nous accueillait l'espace d'une semaine. Les sandales dans le sable et les quatre mariachis nous indiquaient bien que c'était ici, maintenant, que ma soeur qui avait tant attendu ce jour béni allait s'unir à l'homme de sa vie, Bb. dont elle était amoureuse depuis plusieurs années déjà. Cette homme qui prend soin d'elle et de leurs enfants. À l'autre bout du monde, à Hong Kong, ils soupent ensemble en amoureux à l'heure qu'il est, eux qui ont toujours douze heures d'avance sur nous.

Je sais qu'à Hong Kong, ils fêtent les mères parce que B. m'a dit hier soir que là-bas, ils fêtent pour un tout pour un rien. Nous l'avons appelée de chez grand-maman pour lui dire que nous pensions à elle et pour lui souhaiter une bon anniversaire de mariage. À tour de rôle, par droit d'aînesse, nous lui avons dit coucou. Nous apprenons que Wiwi fait ses dents et qu'il a la diarrhée. Grand-maman avait cuisiné un roastbeef bien saignant parce que ma mère l'aime comme ça. Ma grand-maman ferait tout pour maman. D'ailleurs, au moment du dessert, elle sert des pêches dans le sirop à ma mère avant tout le monde, avant elle-même. Une action devenue un réflexe depuis longtemps. Maman est sa petite fille. Sa petite fille qui lui a apporté un superbe bouquet de roses couleur vieux rose et de lys aux pétales striés de blanc, rose et jaune. C'est G., fille aînée de maman, qui arrange le bouquet dans le beau vase de cristal taillé que je descends du fond d'une armoire, grandeur oblige. Et comme plusieurs années et plusieurs occasions déjà, j'offre à ma grand-maman une grosse bouteille de mousse pour le bain Druide au parfum d'amande. Elle en raffole. Elle qui nous annonce qu'elle a renoncé aux sucreries devra faire exception puisque G. lui offre du chocolat, des biscuits au croquant d'érable trempés dans un chocolat amer et des bêtises de Cambrai choco-menthe. Une petite étincelle de gourmandise passe dans le regard de ma grand-maman à la dent sucrée.

Nous soupons agréablement, moi de quiches, de salade de chou, de patates pillées, de tiges de brocoli cuites à la vapeur, de crudités en entrée. Ma grand-maman a toujours respecté mon végétarisme. Nous avons eu quelques conversations à l'époque de la mise en branle de mon régime. Elle voulait s'assurer de comprendre ce que j'acceptais de manger maintenant et pourquoi aussi. Ma grand-maman est une femme intelligente qui apprend des autres comme on boit à une fontaine. D'ailleurs, c'est comme cela qu'elle a dû devenir la femme qu'elle est. Essais et erreurs plus que bouquins et instituteurs.

Quand nous sommes arrivées chez elle G. et moi, j'avais encore un peu mal au coeur, moi qui n'aie jamais été affectée par le mal du transport, à part pour cette fois sur ce bateau terriblement tanguant aux côtes de Boston quand j'étais adolescente à manger mes biscuits soda et à scruter l'horizon. La voiture de Rb. l'amoureux de G. est une Subaru WRX aux suspensions un peu douteuses, du genre char sportif qui donne des sensations fortes. À force de zigzaguer dans les chemins sinueux de Ste-Adèle et Saint-Sauveur mon coeur est resté coincé dans ma gorge. Celui de ma mère aussi. Nous revenions d'une journée de spa à l'Eau à la Bouche. Pour son anniversaire, nous avons offert une journée entre filles et de filles à ma mère. Pour la fête des mères, ça été une compostière.

Notre journée de spa a débuté avec une heure de massage de détente. Enveloppées dans nos peignoirs de coton blanc immaculé, nous nous sommes chacune laissées guider par nos massothérapeutes. Après cette heure à fondre entre les mains connaisseuses, nous nous sommes attablées, toujours vêtues de nos peignoirs, au Café H2O près d'une grande fenêtre donnant sur un paysage des Laurentides. Maman s'est délecté d'une cuisse de pintade confite accompagné de haricots blancs, G. d'une salade asiatique nouilles soba, germinations et tofu mariné grillé, et moi, d'un superbe gratin à l'oignon parfumé d'un peu de graines de fenouil. L'endroit était pratiquement désert. Nous avions l'impression d'être chez nous, dans une vie de riches et célèbres. Nous avons parlé de la chance que nous avons de pouvoir nous retrouver là où nous sommes aujourd'hui dans nos vies. Maman nous rappelle à quel point il est important de tenir à nos rêves et surtout, de les visualiser. C'est comme cela qu'elle a réussi de passer de l'adolescente de 17 ans enceinte de sa première fille vivant dans une maison sans eau courante, à couper du bois la bedaine ronde pour chauffer une habitation menaçant de s'écrouler à cette femme qui vient d'avoir 52 ans, qui habite une maison perchée à flanc de montagne près d'un lac avec son chien, comme elle l'avait voulu, comme elle l'avait vu.

Et pendant qu'elle nous conseille de visualiser ce que nous voulons, je réalise que ce je que veux, je ne le vois pas assez clairement. Il y a une grande part de moi qui croit au fait que ce que la vie me donne est ce qu'il y a de meilleur pour moi. Malgré cela, je sais que ma volonté peut déplacer des montagnes lorsqu'elle le veut. Alors, je travaillerai à me visualiser heureuse, avec un énorme sourire étampé dans le coeur, accompagnée de mes enfants - combien, je ne sais pas - et M., mon amoureux que j'aime tellement, à signer des dédicaces sur la page de garde d'un de mes nombreux ouvrages publiés. Je me vois aussi en Italie ou en Espagne ou en France, bref quelque part en Europe, à vieillir près d'une maison en pierres plusieurs fois centenaire, à écrire, installer dans un champ sans fin, attabler à mon travail sur un meuble de bois simple, le regard porté vers l'océan s'étirant au loin derrière les vallons qui mènent à la côte, prête à rentrer avec le couchant du soleil pour aller cuisiner un plat de légumes multicolores rehaussés d'huile dorée pour ceux que j'aime et qui seront encore là. À penser tranquillement à tous ceux qui ont été une partie de moi.

5.11.2007

chair commune

De chez Sm., je blogue. Je vous communique toute l'énergie communautaire qui émane de cette réunion née spontanément. Vers 17 h 15, M. et moi sommes sortis sur le balcon arrière pour admirer les plants en pots de P., notre charmant voisin. Et justement, il était là P., armé de sa scie, près à se fabriquer une jardinière. Alors, comme ça, il nous a demandé ce que nous faisions ce soir. Rien de spécial et toi? Et Fn. de se joindre à notre conversation de balcons. Et puis Sm d'apparaître. Ainsi, nous décidons de tous nous réunir dans une demi-heure tapante pour souper et boire un verre de rouge ensemble, convivialement chez Sm. M. et moi partons acheter quelques petits trucs pour renflouer le panier de victuailles qui me servira à préparer cinq et puis six bols de salade-repas puisque Dv. le nouveau pensionnaire-colocataire de P. et J. nos charmants voisins se joint à nous.

C'est de cette façon toute simple que je me retrouve à râper mes courgettes et à essorer ma laitue rouge frisée chez mes voisins du rez-de-chaussée. Nous débouchons nos bouteilles embouteillées il n'y a même pas une semaine de cela, une après l'autre, et je pense que dans un mois, nous n'aurons plus la joie de nous retrouver les uns avec les autres à partager nos conneries, nos boutades, nos expériences de gens qui vieillissent au gré des après-midi qui passent et se ressemblent.

D'ailleurs, après Fn. qui a 67 ans, je suis la plus vieille ici ce soir. Coup de vieux s'il en est un. X. le coloc Belge de Sm. me taquine sur mon âge, mais affirme tout de même que P. paraît plus vieux même s'il est plus jeune que moi d'un an. Je ne sens ni l'âge, ni le temps qui marque mon corps. Cette soirée est nouvelle, neuve comme un sou neuf, reluisante, impeccable. Je veux ne pas avoir de vie antérieure à ce soir, je veux être un poupon qui sent bon pour pouvoir être anonyme et me laisser transpercer par toute cette chaleur humaine qui m'entoure et m'enveloppe sans repères, sans jugement. Je veux absorber cette musique qu'ils créent tous ensemble, maintenant dans la cuisine parce que M. a descendu le jimbe et que P. est revenu d'à côté avec sa guitare. Je veux chanter et me laisser bercer par les balades brouillonnes qui émeuvent nos tripes parce qu'elles sont si rares ces mélodies entamées d'un rien.

Et s'il vous plaît Seigneur, faites que ces moments se répètent dans notre futur de riverain du sud, faites que cette chimie opère là-bas, cette cohésion causée par la proximité des lieux d'habitation, ce partage mutuel de moments grapillés ici et là qui finissent par former un référant réconfortant. Salut toi, être humain qui revient de ta journée que je connais parce que tu vis près de moi et que je me soucie de toi puisque ton humeur affecte la mienne. Aussi, voisin, je tiens à ces conversations anodines qui me situent, je tiens à ce quotidien qui nous soude. Je vous aime mes voisins, Fn., J., Sm., P., X. et Cm. Je nous trouve beaux à jaser de nos balcons, percher chacun chez soi, percher tous ensemble malgré tout. Notre volière est superbe et jamais, vous ne me quitterez, et toujours, vous serez avec moi.

5.09.2007

je crois

Si jamais vous appelez votre bureau d'Accès Montréal et qu'ils vous disent qu'à l'éco-centre, le papier à recycler n'est pas accepté et qu'il faut le passer peu à peu dans votre bac de recyclage, eh bien, sachez que vous pouvez apporter de grandes quantités de papiers à recycler à votre éco-centre. Là, un container vous attend, le ventre capable d'en prendre de la pulpe en devenir. C'est ce que nous venons de faire. Nous y allions pour y laisser des produits chimiques et toxiques trouvés dans les armoires d'enfance de M. Déménagement oblige, le ménage nous fait redécouvrir des objets entassés dans des recoins oubliés. C'est ainsi que sur la table, nous avons déposé une trousse d'apprenti chimiste et des bombes de peinture dont M. se servait au temps où ils graffitait ses murs de chambre et qu'il taguait des parois de St-Hubert.

Et puis hier soir, après des appels pour dénicher le meilleur taux d'assurance habitation, j'ai procédé à vider mes tiroirs de bureau. Avec cette tâche pour mission, nous étions dans un état proche de la transe, M., Nougat le gros chat et moi. Avec en toile de fond l'inquiétant Volta de Bjork, j'éventrais les enveloppes de comptes et de relevés accumulées tandis que M. déchiquetait les informations top secrètes et que Nougat chassait le papier qui planait jusqu'à un tas destiné au recyclage. Nous réduisons le fardeau avant de déplacer notre caravane.

À tous les jours de mai, j'ai pensé au moins une fois par jour à cet endroit qui sera bientôt le berceau de nos quotidiens. Ce weekend, nous sommes passés tout près de notre maison. M. a voulu me montrer les alentours. À bord de Jasmine la Fit, j'ai suivi des yeux le tracé de la piste cyclable et en esprit, j'ai pédalé avec de jeunes garçons plein de liberté dans les cheveux, le sourire, les yeux plissés et je me suis imaginée mes enfants comme eux; j'ai constaté que j'aurais accès au parc immense encore plus facilement que je ne le croyais, à trois ou quatre coins de rue seulement; j'ai vu des champs plein de brousailles à distance de marche dans lesquels je pourrais enfourcher les herbes folles pour aller m'y installer et tenter de dessiner cette nature pleine de teintes et de textures.

Aujourd'hui, c'est sur mon balcon arrière que je me suis projetée parce que j'ai pensé qu'il allait falloir installer une toile pour nous protéger de l'Astre. Revenue de mon heure de dîner passée dans un soleil plombant à lire, j'ai senti que ma joue gauche chauffait. Avec V. nous avons discuté du soleil qui darde des rayons qui cuisent la peau. Cette année, après ma marche du Jour de la Terre, des petites cloques d'eau se sont formées sur mon menton. Du jamais vu dans ma carrière de Terrienne qui ne se barbouille pas de crème solaire, mais qui profite de tous les soleils, celui de toutes les saisons. J'essaie de ne pas trop angoisser sur le sort que vivront nos enfants. Autruche? Non. Si la planète décide de nous éliminer, elle le fera bien en temps et lieu. Pour l'instant, je pense plutôt m'acheter un chapeau et bien sûr, je continuerai à croire que chaque geste responsable posé en vue de considérer la santé de la planète bleue en est un qui deviendra bientôt un réflexe conscient pour l'espèce humaine qui aura compris qu'elle est une part de l'ensemble et non l'ensemble.

5.07.2007

carpe diem

J'ai une ampoule sous mon pied droit. J'ai beaucoup, beaucoup marché aujourd'hui. C'est aussi aujourd'hui que j'ai enfilé mes Birks pour aller au boulot pour la première fois cette année. Jour de première, c'était aujourd'hui que je la rencontrais. Elle était assise au pied d'un arbre centenaire étirant son corps gris tout près de Félix moulé et immobilisé dans le Parc Lafontaine. C'était notre point de repère. Elle était assise en lotus, son vélo stationné en fidèle copain à ses côtés.

M-H, enfin, en chair et en os. Et tu sais quoi, j'ai à peine remarqué tes cheveux blancs dont tu m'avais parlés. J'ai plutôt été frappé par ton calme, ta sérénité. Tu attendais. Tu m'as dit que juste avant mon arrivée, tu observais un chien qui courait après des comparses, loin de son maître. Pendant que nous faisions rencontre, tu m'as offert un peu de thé vert de ton thermos. Je t'ai expliqué pendant notre sandwich pris en commun, plus d'heure après le parc, que ce breuvage me garde réveillée tard lorsque j'en bois après 14 h. Une abeille est venue se poser sur ma main pendant que tu m'expliquais comment toi et ton amoureux vous êtes connus. Une fourmi m'a ensuite mordu le mollet parce que mes jambes s'allongeaient sur elle. Pendant que nous échangions ceci, cela, des adolescents tentaient de s'allumer des cigares.

Je t'ai proposé d'aller prendre une bouchée et puis voilà, nous avons longé Rachel jusqu'à St-Denis où nous nous sommes butées le nez à une Faim du Monde fermée les lundis. Nous avons finalement machouillé plaisamment un sandwich hummus maison, dattes et roquette chez Soupesoup. Et beaucoup parlé. Et beaucoup marché. Pendant que la 45 arrivait, tu es partie sur ton vélo, tranquillement, toi qui me disais quelques instants auparavant que tu étais casse-cou sur deux roues. À la prochaine M-H.

Bien sûr, je lui ai parlé de la maison qui approche. Plusieurs coups de téléphone encore pendant ma pause du matin: notaire, conseillère, agent immobilier, conseillère, agent immobilier, ping, pong, ping, pong. Ça arrive à pas de géant ce jour où nous arriverons avec notre chèque certifié pour repartir avec nos clefs. L'appart est un bordel. Johnny l'écureuil chie et pisse dans notre cabanon. Les champignons prolifèrent sur les murs de la salle de bain. Et nous avons choisi nos couleurs pour notre nid à St-Hubert-on-the-beach: sel de mer pour la chambre avec plafond peau de tambour, chocolat chaud pour le coeur-couloir de notre plein-pied, arôme de chocolat pour le salon et feuille de thé séchée pour la cuisine. Miam, miam. Ah oui, soleil du désert pour la salle de travail qui se convertira en chambre pour bébés quand bébés il y aura. Du boulot en perspective, sans compter les planchers de liège à installer, la marquetterie à d'abord arracher et le déménagement à proprement dit et le divan qui se fait livrer et le technicien de Videotron le lundi matin et les électros le samedi et le compteur d'Hydro à noter et...

Bon, au fond, j'ai le ventre plein comme dirait ma mère que j'aime et que j'adore. D'ailleurs, c'est son anniversaire aujourd'hui et une amie à elle l'a emmenée faire un tour d'hélicoptère. Rien de moins. Et pour l'anniversaire d'Ax. un collègue qui a eu 30 ans vendredi qui vient de passer, son amoureuse lui a payé la surprise d'un saut en parachute hier. Et au parc pendant ma conversation d'introduction avec M-H, un groupe avait bandé une corde sur laquelle ils se relayaient à faire les funambules.

La vie, c'est tout cela, et puis, il suffit de croire pour la voir.

5.05.2007

réveil

Deux heures plus tard, je suis de retour devant l'écran. J'ai petit déjeuner sur mon balcon arrière dans un soleil ardent, tel que prévu. Pendant mon heure à me repaître de pain et de mots, deux V d'outardes passent dans le ciel direction est. Avec ma main en visière, je réussis à observer leur formation se faire et se défaire. J'aime beaucoup les V d'outardes et leurs cris portés dans le vent.

J'observe aussi l'Italien qui arrive dans la ruelle en poussant une barouette vide. J'en conclus qu'il arrive des jardins communautaires rue Christophe-Colomb, là où il a un morceau de terre qu'il cultive en compagnie de comparses piocheurs, en plus de son jardin aménagé à l'arrière de sa maison d'un étage coincée entre deux duplex. Une fillette fait rebondir un ballon de basket sur une porte de garage un peu plus loin dans la ruelle. Le bruit du choc caoutchouc contre métal résonne comme un métronome.

M. se lève plus tôt que je ne l'avais prévu. Il a du mal à dormir qu'il me dit. Il me parle de sa soirée d'hier. Il me raconte que notre charmant voisin P. est venu les rejoindre, lui et Fn. en grimpant de son balcon à celui de Fn. Tiens, tiens. Je repense à mon rêve dans lequel P. grimpait aussi sur les balcons.

M. me raconte qu'à la SAQ, Fn. qui sentait le fond de tonne, a rempli deux bouteilles plus qu'il ne le fallait. Un préposé lui a donné deux options: les vider ou boire l'excédent. Fn. a déclaré solennellement qu'il ne faut jamais gaspiller le sang du Christ, boutade qui a bien fait rigoler des ganstaz tout près d'eux.

M. s'installe à l'instant sur le balcon pour boire son café. Il a enfilé à son tour le chandail capuchon pantoufle. Le fond de l'air est frais. M. vient de sursauter parce que l'écureuil qui a élu domicile dans notre cabanon a bien failli s'élancer sur le balcon. Il a freiné son saut l'air de dire "qu'est-ce qu'il fout là lui?" Quand je vais porter mon recyclage, je le salue bien que je ne le voies pas. L'important, c'est de ne pas emporter ses bébés avec nous quand nous quitterons. En fait, je ne sais pas s'il a des bébés. Et l'autre jour, pendant que nous faisions une vaisselle, toujours à refaire, M. m'a demandé si j'avais déjà vu des bébés écureuils. Non, je ne crois pas. Des jeunes, sans doute, des bébés imberbes et fripés, jamais.

Je vous laisse sur le bruit de coups flanqués sur une plaque dans le jardin de l'Italien par un comparse piocheur. Ils travaillent à l'amélioration de l'infrastructure qui portera bientôt gourganes, tomates, laitues et oignons. J'ai jeté mon dévolu d'empaquetage sur mes nombreux pots Masson vides. Cette année, il y aura foison à canner. Vivement les récoltes de nos champs et jardins. Vivement le dégourdissement de la terre qui nous donnera toute sa vitalité.

tôt ou tard

Devant l'écran d'ordinateur, j'ai des écouteurs vissés sur les oreilles parce que je viens de me réveiller d'un rêve qui m'a laissé une chanson en tête: Hello darkness my old friend, it's good to meet with you again. Alors Simon and Garfunkel m'accompagnent dans ce petit matin radieux et je vous raconte un peu ce songe vivide.

Je rêve qu'à peine réveillée, je vois un camion déposer quelqu'un sur le balcon avant avec empressement. Quand j'ouvre la porte, je découvre un homme assis avec un tailleur, un air impassible sur ses traits. Mon charmant voisin P. saute sur le balcon et vient voir le drôle de phénomène qui est atterri là. Je tente de questionner l'homme qui ne cille pas. Lorsqu'il parle enfin, il s'exprime en espagnol. Heureusement, P. le comprend et me traduit que l'homme doit se cacher et qu'il veut rester ici. Je dis que c'est impossible et d'abord pourquoi? P. demande et l'homme ne bronche pas. Je m'impatiente et je demande si c'est parce qu'il est un exilé politique. L'homme me regarde en souriant et je comprends qu'il comprend le français. Mais voilà, maintenant c'est un minuscule, tout petit, tout petit chat noir qui nous annonce qu'il est un Guatémaltèque réfugié ici parce qu'il a eu des problèmes en faisant les taxes de quelqu'un. Qui au juste? Nul autre que le président du pays.

Alors, pendant que je tiens le minuscule chat noir dans le creux de ma paume, j'essaie de lui expliquer que le voisinage remarquera sa présence, qu'il ne serait pas caché, mais plutôt à la vue de tous et compagnie. Il veut rester pour trois jours. Là, P. remarque qu'aux coin St-Hubert et Jarry, on sécurise le périmètre. Rien de bien nouveau puisqu'il y a en moyenne un accident par semaine à cet endroit maudit. Mais Fn. notre voisin est assis sur les marches de béton du dépanneur du coin. Il discute avec un agent de la paix. P. s'inquiète et se rappelle que Fn. a oublié ses cartes chez lui. Alors P. bondit du balcon après l'avoir enfourché pour courir chez lui et venir en aide à Fn. Quelques instants après, Fn. est là, sans problème.

Je me retrouve sur la scène de l'accident avec le minuscule chat caché dans ma main. Je vois un homme aux cheveux blond roux tétanisé dans un véhicule qui en a empalé un autre. Je remarque la musique qui s'élève. C'est un jeu d'harmonies vocales, un chanson de Crosby, Still, Nash and Young. Elle monte du véhicule du blond roux qui n'a pas une égratignure. C'est un bolide de l'armée, mais un modèle berline montée sur des suspensions plus élevées qu'une voiture ordinaire. Le Jeep dans lequel cette automobile couleur vert armée est rentré est dans un mauvais état. Et je fredonne accompagnée d'un jeune homme qui connaît l'air.

Je me réveille. Je remonte le fil de ce rêve assez facilement. Je rejette les couvertures de sur moi à 6 h 38. J'ai fait la grâce matinée d'une bonne heure. M. roupille profondément. Je le borde et j'enfile un chandail capuchon confortable comme une vieille pantoufle.

Dans le couloir, une boîte traîne là. Elle ne contient ni livres ni vaisselles ni babioles décoratives. Elle cache cinq bouteilles de vin. M. et Fn. sont allés à la SAQ dépôt au Marché L'Acadie pour une première fois hier soir. Il aurait fallu que les bouteilles soient lavées impeccablement et que leurs étiquettes soient enlevées. Mais bon, ils ont dit que c'étaient leur première fois alors ils ont été autorisés à remplir les bouteilles après que les étiquettes aient été barbouillées de marqueur et qu'elles eues été stérilisées sur place. De toute façon, elles sont toujours stérilisées sur place. Il faut choisir le cépage parmi ceux qui sont disponibles pour le remplissage. M. et Fn. ont opté pour un Languedoc. Il faut acheter le vin en vrac par multiple de six. Alors les deux amis sont repartis avec six bouteilles chaque qui leur revenait à 8,00$ chacune. M. a bien aimé installé les bouchons de liège. J'en conclus que ces bouteilles peuvent être parfaites pour accompagner des repas de semaine.

Je me suis couchée tôt tandis que M. est remonté de chez Fn. vers 3 h du matin. Il déjeunera sans doute quand je dînerai. Je lirai ce matin en me prélassant dans le soleil vigoureux. Je mangerai mes rôties beurrées de tartinade choco-noisette. Je ferai peut-être du ménage ici et là, silencieusement, en vue du déménagement. Les armoires de la cuisine représentent beaucoup de travail, tandis que les tiroirs de mon bureau seront une énorme tâche de débroussaillage. Une chose à la fois doux Jésus, une chose à la fois. On a rien sans rien et de trier le matériel qui s'entasse ici et là, c'est aussi désengorger un peu de nous-mêmes non?

5.03.2007

oui, oui, oui

Il a dit qu'il serait près à partir. Il me l'annonce lorsque j'arrive à la maison avec une bonne heure de retard. Ce soir, à la station Bonaventure, ils font évacuer le train et la station. Je me retrouve sur De la Gauchetière à devoir trouver un trajet alternatif. J'opte pour celui de la 535 qui remonte Du Parc jusqu'à Jarry. Dans l'autobus bondé, quelqu'un pète. Je fends la fenêtre, histoire de faire circuler l'air compact qui porte cette odeur infecte. Je réussis à avancer considérablement ma lecture qui me transporte vers la fin du 5e siècle, début 6e, en France, à l'époque où Clovis, roi des Francs, se fait baptiser et oindre du saint chrême, de Clotilde, sa femme chrétienne, de sainte Geneviève, Reims, Paris, Tours, et tout cet univers qui fait partie de notre histoire collective, les Huns, les Romains, la Brittonie, l'Armorique, les Alamans, tout ça.

Je n'en crois pas mes oreilles. Il a accepté. Hier soir, j'ai étayé tous les arguments favorables à cette décision, tous les pourquois qui devraient le faire pencher vers l'acceptation plutôt que le refus. Et ce matin, en parlant avec V. et Dn., mes collègues-amis, ils me disent que je dois absolument l'appeler, là, maintenant, le faire revenir sur sa décision, parce qu'il doit saisir l'occasion qu'il m'a dit vouloir décliner. Il doit parler avec son patron aujourd'hui. Alors je saute sur le téléphone à 7 h 40 et je l'appelle, lui qui n'aime pas trop que je l'appelle au boulot.

- Chéri, mes collègues disent que tu dois dire "oui".

Et V. d'en rajouter en arrière-plan. Et lui, M., l'homme de ma vie, de me répondre par grognements. Avec de la joie dans la voix, je lui dis que c'est une occasion unique, a one in a lifetime opportunity. Je sens dans sa voix que j'ai peut-être trop poussé, que là, c'est bien vrai, il refusera et qu'en plus, nous risquons d'avoir une petite discussion ce soir, du genre, "c'est ma décision et surtout, c'est notre vie privée, pourquoi avoir impliqué le jugement d'étrangers dans tout ce processus."

Mais voilà, il a dit à son patron rencontré dans un couloir ce matin, vers l'heure du café, que oui, il partirait bien, mais qu'il doit avoir plus de détails s'il vous plaît et qu'il peut seulement au mois de juillet parce que nous déménageons au mois de juin.

Il a accepté. M. a fait le saut. Il s'est lancé dans une possible aventure, c'est déjà beaucoup. Une aventure qui implique qu'il aille représenter sa compagnie à l'étranger. On lui a proposé de partir pour une période de deux à quatre mois en Corée. Et il a dit oui. Mais pour peu, il disait non. Et j'aurais compris. Mais je suis si heureuse pour lui de ce oui. Même s'il ne part peut-être pas. Parce que son patron lui a dit qu'ils sont quatre intéressés à visiter ce pays divisé nord-sud. Je suis si heureuse qu'il ait surmonté ses peurs: je baragouine l'anglais, je ne suis pas un technicien mais un programmeur, je ne connais pas le produit que je suis supposé vendre, je ne lis pas le coréen. Et pour chacun de ces arguments je lui en opposais des meilleurs: l'anglais te viendra bien assez vite en immersion, tu acquéreras une autonomie du tonnerre qui sera de l'or en bar dans ton curriculum vitae, tu reviendras transformer positivement de cette expérience de vie à l'autre bout du monde, après la Corée plus aucun pays ne te fera peur, si la compagnie te l'a proposé c'est que tu es considéré comme compétent, de la programmation tu as toute ta vie pour en faire, nous n'avons pas d'enfant il faut saisir l'opportunité maintenant, etc.

Et puis, on verra bien. Seul l'avenir sait et les cartes, elles étaient assez encourageantes: Connaissance, Âme, Homme, Royaume et d'autres aussi belles. À part pour une, inversée par rappport aux autres étalées sur le plancher de notre salon: Crime. D'abord alarmé, je dis à M.: Ce serait un crime que tu n'acceptes pas. Et voilà, mon amoureux et moi, on va peut-être faire l'amour au téléphone bientôt, qui sait?

5.01.2007

des enveloppes et des cartons

Alors on dort un peu et on reprend du poil de la bête. Je suis une batterie. Mon lit est mon chargeur. C'est aussi simple que cela.

Pendant que je prépare le cari de ce soir, j'écoute Living with war de Neil Young. Toutes les balades lancent un cri de paix à la maison blanche bien que l'artiste soit natif du sol canadien. Je crois qu'il est plutôt et définitivement un citoyen du monde. À chacun de fabriquer sa colombe et de la propulser selon ses moyens.

Il y a une semaine et un jour exactement, le temps doux m'a permis d'aller rejoindre mon charmant voisin, P. sur son balcon arrière, où il m'attendait pour me livrer sa critique de mon manuscrit. Jamais personne auparavant n'avait disséqué mes écrits de la sorte. Et bien qu'il m'ait répété à quelques reprises qu'il n'était pas un expert en la matière, il a fait ça en véritable pro. Il avait gribouillé des impressions au fur et à mesure que sa lecture avançait. Il a été honnête et explicatif. C'est le plus important. Il a aimé et il a trouvé certaines longueurs. Il a souligné la profondeur de certains passages et l'humour de d'autres. Il n'a pas supporté les dialogues échangés entre l'héroïne et son amoureux. Il a trouvé parfois que c'était trop poétique, trop romantique, très fille. Il m'a dit que j'avais un talent indéniable pour l'écriture. Je l'ai remercié chaleureusement. Je le refais encore: Merci P., merci.

J'avais moi-même relu mon texte. C'est pour cela que j'ai pris la décision d'envoyer mon dernier texte plutôt que mon premier. Il y avait trop de travail à faire sur ce manuscrit pondu il y a bientôt dix ans. Une grande restructuration s'impose. Quoi qu'il en soit, mes enveloppes ont été scellées aujourd'hui et passées à Nk. mon collègue qui s'envole dans deux jours pour la France. De là, il fera un saut au bureau de poste, les affranchira et puis basta. Il m'a fallu changer l'adresse de retour que j'avais indiquées sur les enveloppes il y a plus d'un an de cela. Je n'avais jamais franchi le pas de l'envoi au travers l'océan par manque de sous. Les réponses arriveront dans notre nouveau chez-nous.

À ce propos, la pièce dans laquelle je vous écris est encombrée de boîtes de carton. Pendant deux semaines, je les ai empilées derrière des bureaux au travail. Dans mon immeuble, il y a beaucoup de papiers de toutes sortes: papier cul, papier main, papier pour imprimer toutes les choses importantes à imprimer. Nous sommes allés chercher la cargaison à bord de Jasmine, notre super Fit. En rentrant du travail ce soir, M. a marché jusqu'au Rona de quartier pour acheter un machin truc qui permet d'appliquer le tape en professionnels. Après le souper, je m'attaque à la bibliothèque et au salon. Le décompte déménagement est officiellement en branle. Bientôt, nous passerons chez le notaire et puis, voilà, nous serons propriétaires d'un plein-pied.

En fin de semaine, pendant le souper d'anniversaire de ma maman, ma grand-mère m'a dit que je pourrai semer des concombres et planter des plants de tomate vers la mi-juin. Moi qui croyais ne pas pouvoir travailler ma terre cette année. Ces deux légumes-fruits seront mes premiers bébés. Je suis émue rien qu'à l'idée de les voir gonfler dans le soleil, gorgée d'eau et de vitamines. Vivement le mois qui s'en vient pour qu'après, je vous écrive de mon paradis.