orphelins de l'Éden

9.27.2006

en forme de moi

Depuis plus d'une semaine que je me préparais mentalement à recommencer à yogayier (je sais le mot n'existe pas, mais je l'aime bien!). Je me concentrais sur tout le bien que la discipline allait m'apporter: souplesse du corps et de l'esprit. J'appréhendais un peu le type d'enseignement. En fait, j'ai été baptisé au hatha yoga, donc très peu pour moi le power yoga et autres variantes plus rythmées ou plus axées sur la performance ou la sudation des participants. J'aime le côté "groundant" des asanas, les postures qui nous transforment en arbre, en montagne, en dauphin ou en corbeau. Le yoga est une poésie du mouvement, posture, contre-posture, respiration profonde comme une mer intérieure au roulis favorisant la concentration et la détente du navire qui porte tant de stress accumulés. Lâcher prise et incarner cet outil qu'il faut apprendre à aimer pour ses forces et ses faiblesses. Le voir se transformer au fil des séances, des semaines. Constater les centimètres que mon corps gagne en élasticité à chaque boucle du salut au soleil. Devenir un chat et un menhir, souple et solide.

Parce qu'une chose mène à une autre et qu'une fois la volonté en branle, tout s'aligne, je n'ai pas été surprise de trouver M-C assise derrière le pupitre où elle faisait les comptes et accueillait à la fois les arrivants à la rencontre de ce soir, première de quelques semaines. Elle m'a saluée, je l'ai saluée. J'étais en terrain connu. Mais dans un nouveau lieu. J'ai connu M-C dans l'autre studio de yoga où j'ai pratiqué avant de délaisser peu à peu la routine bienfaisante. Je choisissais ses cours par dépit au début, puisque ceux de Sy. était paqueté de ses admirateurs. J'aimais beaucoup les cours de Sy. parce que sa voix et son rythme étaient ceux qui m'avaient initiée. Mais avec le temps, j'ai commencé à apprécier la technique de M-C, plus spontanée, plus brouillonne, plus ouverte à présenter de nouvelles postures, à s'amuser à nous faire souffrir gentiment.

Alors, le cours de ce soir est terminé. J'ai déboursé pour douze séances, histoire de délier mon corps qui a gardé la mémoire du yoga. C'est un cadeau que je me fais. Un espace-temps pour décrocher du train-train express des jours qui s'enchaînent, qui m'enchaînent aussi parfois. Une pause kit-kat sans sucre, sans gras, sans sel, sensationnelle.

9.25.2006

coup de barre

En plein entre les deux yeux. La fatigue. Parce que ce soir, après le boulot, il fallait que je réussisse à tout faire: cuisiner, lessiver, nettoyer, faire le marché, la vaisselle. En fin de semaine, la routine a été chamboulée. Nous sommes allés dans le bois. Il fallait donc récupérer le temps et chasser la poussière un lundi soir. Il est 8 h 12, je suis crevée.

Je tiens tout de même à bloguer pour décrire notre week-end dans la nature assainissante de l'Estrie. Avec M. et sa mère, C., nous sommes partis direction nuages gris, samedi en après-midi. La 10 et une route de terre plus tard, nous sommes arrivés Entre cîmes et racines, là où nous allions découvrir le bois blond de notre gîte écologique - voir liens. Après avoir récupérer notre trousse à l'accueil (rouleau de papier de toilette (sèche!), allumettes, linges à vaisselle, clé, chandelles) et avant d'investir notre lieu d'une nuitée, nous avons été accueillis par un cerf, un bichon aux oreilles duveteuses, au regard noir et mouillé, aux pattes graciles piaffant de nervosité. Comme dans un film. Une image parfaite. Au milieu des conifères et de l'eau en suspension dans l'air pluvieux.

Dans notre Ruisseau, nous avons laissé nos bagages gonflés de paranoïaques de la ville, convaincus que nous allions gelés loin de notre pollution étouffante. Je savais bien que les journées seraient douces, mais on dit qu'il vaut mieux prévenir que guérir. Nous avons parcouru le sentier des mélèzes comme dans un conte de fées aux personnages vaporeux et à la forêt gentille. Chaussés de nos bottes de pluie achetées pour l'occasion, M. est allé s'aventurer dans le courant du ruisseau clair, secoué de bonheur, et nous avons planté nos pas dans les trous boueux. Bruits de succion et rigolades à l'abri dans un bain de verdure humide et haute, réconfortante.

Au souper, nous avons débouché successivement deux bonnes bouteilles de rouge pendant que nous attendions que la soupe se transforme dans une marmite sur le four à bois jusqu'à bonne consistance. M. était le maître du feu. Fasciné devant les flammes passant du orange au bleu, il bourrait le ventre du dragon de papier journal froissé et de bûches bien sèches. D'ailleurs, à 1 h du matin, nous avons dû nous lever, à deux doigts de crever d'un coup de chaleur. Déshydratés par l'alcool et assaillis par la touffeur, nous sommes sortis, enveloppés de la nuit noire et fraîche, recouvrer nos esprits. Nous avons bu des verres d'eau potable fourni, crachée d'une pompe greffée à un 18 L. Remis au lit, une heure et demi environ plus tard, c'est une souris qui nous a tirés de notre sommeil. Je suis descendue armée d'une lampe de poche au faisceau réduit. C. se tenant derrière moi, nous avons trouvé la coupable du tapage, mais jamais nous n'avons déniché sa cachette. De retour au lit, prise deux.

Le lendemain, chocolat chaud et croissants pour le petit déjeuner suivis d'une sieste pour M. et d'une marche d'une bonne heure pour la mère de M. et moi. M. s'est couché dans le lit de princesse (de prince dans son cas), celui juché plus haut que notre couche et bénéficiant du clapotis du ruisseau par voie de vitrail ouvert dans la corniche. Aux anges, il s'est réveillé l'estomac vide et la faim comblée par un pâté aux patates et des fèves vertes.

Nous avons quitté pour rouler quelques heures dans un canton aux villages typiques flanqués d'églises en bois et d'hôtels de ville aux fioritures architecturales charmantes. Nous nous sommes arrêtés à Knowlton pour fêter le canard. Nous sommes repartis avec du végé-pâté bio délicieux préparé par une jeune femme de Compton et du chocolat de Raphael, là où j'ai trouvé des tablettes moulées représentant des pratiquants du kama sutra. Divin et coquin.
Finalement, nous avons longés vallons et prairies pour nous rendre au Domaine du Ridge, vignoble québécois où ils produisent des alcools de qualité. Je suis repartie avec le Saint-Martin, un de leurs apéros difficile à trouver à Montréal.

Une fois à St-Hubert, chez C., nous avons vidé Jasmine, fidèle machinerie spacieuse et compacte, et fait bouillir le blé d'Inde. La grande séduction, c'est à la portée de tous.

9.22.2006

crazy


Alors voilà, j'ai dansé en plein jour, dehors, mon casque d'écoute sur mes oreilles, mon shuffle dans une poche, mes souliers me portant dans mes tourbillons et mes mouvements nés des rythmes enlevants. J'ai dansé dans un endroit secret, dans le ventre d'une église. Oui, oui, dans le ventre d'une institution sérieuse, ordonnée. J'ai découvert ce lieu l'hiver dernier au cours d'une marche avec M. Il faisait noir et nous avons remarqué pour la première fois cet espace, ce couloir entre l'église et un centre culturel et sportif. Nous avons décidé de l'explorer pour déboucher sur une aire ouverte, un coeur à l'abri des regards. Nous nous sommes embrassés avec de la vapeur, nos duvets nous transformant en M. Muffler. Nous avons quitté en crissant dans la neige fraîche.

Aujourd'hui de retour d'être allée chercher ma bague de fiancée - elle était retournée chez le bijoutier étant trop grande -, la musique plein la tête et le corps, je n'en pouvais plus. Je regardais les cours asphaltées avec cette envie de me lancer dans le vide pour battre au rythme des rythmes.

La danse, le beat, c'est l'une de mes drogues - en plus de la cuisine, de l'amour, de la beauté, de la nature, des mots, des gens. Ma transe, ma cérémonie. Je ne danse pas dans des bars surpeuplés à la piste de danse si petite que c'en est une insulte. Je danse dans des endroits avec des tours de haut-parleurs qui crachent une chimie de mesures qui m'emportent et m'emmènent dans un lieu où je ne suis plus qu'un courant d'eau qui coule au gré de l'air, la musique. Mes soirées de rêve, ce sont les soirées aux airs clandestins dans des endroits désinfectés, aux tables tournantes pour diriger la célébration. Le drum and bass, c'est un véritable délire. Le bpm - beat par minute - endiablé de ces rythmes saccadés et extrêmement rapides mélangés aux moelleuses vibrations reggae. Incomparables.

Alors, j'ai dansé aujourd'hui parce qu'il y avait quelques semaines que je n'avais pas eu ma dose de laisser-aller. En plus, deux fois j'ai entendu "j'apprends à tous les jours" au cours de la journée. Alors, j'ai été la troisième. J'apprends à me faire plaisir, à m'amuser, à me laisser élever par mes propres lubies, à me désinhiber. C'est bon, oh! si bon.

N.B. Ma journée d'hier, celle de mon anniversaire a été tout simplement merveilleuse. Après mon repas en amoureux, nous avons traversé la rue pour aller fouiner chez Preloved - voir liens - boutique où l'on peut trouver des vêtements usagés redesignés. Fantastique et made in Kanada. Allez voir! C'est un bijou d'endroit.

9.21.2006

joyeux anniversaire

Je célèbre aujourd'hui la fin de ma vingt-neuvième année, le début de ma troisième décennie. L'année prochaine, le chiffre trente sera ma nouvelle étiquette. Je profite de ma dernière année dans le clan de la vingtaine, même si en réalité le chiffre n'est qu'une illusion, un calcul arrangeant pour les frissonnants du vieillissement.
Dans ma tête, je suis au moment présent. Je sais que c'est facile à dire quand on a encore la peau ferme et l'éclat de la jeunesse, mais la beauté transcende les âges. Ma mère maintenant quinquagénaire est un exemple vivant de ce constat. Aussi hier, j'ai vu une femme dans la quarantaine bien sonnée sur la rue Sainte-Catherine. Elle portait une jupe mi-longue et des bottes de cuir hautes. Son visage était harmonieux, ses cheveux mi-courts. Elle était raffinée et dégageait un sex appeal du tonnerre. De toutes les femmes sur l'artère du shopping montréalais, elle était la plus remarquable.

Aujourd'hui, je me fais plaisir. De moi à moi - comme dirait ma mère en se bécotant le revers de la main - je profiterais d'une séance de massage s'étalant sur deux heures. Je dînerais dans un parc ensoleillé et me régalerai d'un brownie de chez Maison Kakao. Ensuite, je m'abandonnerai à la concentration du coiffeur de chez Beauté Business. En soirée, je souperais en tête-à-tête avec M. aux Vivres en dégustant notre dernier coup de coeur culinaire: la poutine du Samourai. Sans oublier tous les voeux d'amour et de belle année à venir formulés dans la journée par mes proches.

Qui dit mieux?

9.19.2006

voyage de nuit

Vendredi soir, nous sommes sortis. C'était l'anniversaire de D., ami de M., qui, au bout de trois ans, m'était encore inconnu. Ils ne se voient plus beaucoup depuis que M. a déménagé de l'autre côté des ponts. Avec D., j'ai parlé du grain de sable inanimé à ces yeux, brassé de l'intérieur par leur valse de neutrons et de protons aux miens. Énergie à la base de tout.

Plus tard, en sirotant mon verre d'eau - gentiment offert par le barman que je salue pour sa générosité parce qu'une bouteille de 500 ml m'aurait coûté le prix d'un 18 L en épicerie - j'ai discuté avec Jh., de la signification de son nom biblique et de la magie des coïncidences, de livres et de rêves. Elle me dit qu'elle croit pouvoir parlé aux gens qu'elle rencontre dans ses rêves, sur un autre plan. Justement, deux jours plus tôt, en faisant ma vaisselle - toujours à refaire - je pensais aux rêves et au fait que les invités de mes songes sont parfois des gens que je connais et d'autres fois, ce sont des étrangers. Peut-être que lorsque mon corps se détend, comme tous nos corps qui plongent dans l'inconscient et le subconscient, il se détache de son enveloppe. Peut-être que mon essence se balade et rencontre sur un autre plan l'essence d'autres, comme je croiserais des individus lorsque je me promène en plein jour, au grand soleil et que je les salue d'un regard franc et souriant.

Jh. vois-tu, les hasards n'existent que pour nous rappeler de temps en temps que le tissu de l'existence est tissé serré et qu'il est parfois bon de se le faire remettre sous le nez ce constat plus grand que nature afin qu'on se souvienne qu'au fond, tout va bien, que "jusqu'ici tout va bien" comme le dirait Hubert dans le film La Haine de Mathieu Kassovitz.

Revenons aux rêves. Après y avoir réfléchi un beau jour, je me suis dit que mourir, ce sera sans doute comme rêver. C'est à dire que nous vivrons "dans notre tête" des événements farfelus, agencés au gré d'éléments grapillés ici et là, au cours de notre vie. Et puis, à un moment, nous sombrerons. Comme la nuit, pendant en moyenne huit heures que nous disparaissons de notre propre champ de pensées pour ressurgir parfois dans un univers sans queue ni tête pour ensuite se réveiller et aller faire pipi.

Cette nuit, je suis allée te visiter cher beau-frère, habitant de Hong-Kong maintenant. Dans mon rêve, je voyageais avec S. Nous avions laissé nos bagages chez ma mère où habitait aussi B., ta femme qui te manque tant, dans les montagnes. Nous devions prendre le train pour nous rendre dans la ville côtière. Le train qui se transformait en bâteau et qui menait au cinéma. Peut-être que c'est ton appel au onzième ce weekend pendant que je travaillais qui m'a donné envie de m'envoler si loin pendant ma détente nocturne. Peut-être que c'est la série d'articles publiés dans le Journal de Montréal du samedi décrivant la cité où tout se trouve, dont toi, tes parents et Ga., qui parle avec un accent français après seulement quelques jours de classe dans son collège international.

La Terre est une petite boulette, un petit grain de sable.

9.18.2006

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tu m'attendais

Je bous.
J'en veux à ces différences, à ces fossés qui nous séparent.
Toujours seul.
Même en amour.
Toujours notre perception parfois remise en question
nos valeurs qui se heurtent
divergence qui salope la communication
puis vient le terrain d'entente parce qu'il faut bien se rallier à un point
se dire que la vie à deux c'est mettre de l'eau dans son vin.
Pourquoi sommes-nous capable d'osmose en même temps de trou noir.
Tout à l'heure, j'ai eu l'impression d'un étranger qui t'a possédé
tu m'as parlé avec un tel dégoût l'air de dire "je veux te faire mal" et tu as réussi
parce que j'ai blessé ton amour-propre,
tu as salopé le mien
victoire de quoi à la fin?
J'ai dévalé l'escalier
Je voulais fuir ma maison, mon nid
parce que tu n'y étais plus.
Il faudra nous réconcilier
je ne veux pas être assise ici, sur ce trottoir, dans la pénombre,
je veux être pelotonnée avec toi
mais voilà, nous nous sommes disputés

pour une connerie

qui était importante pour moi
qui était invisible pour toi
Après l'indident, il y avait Tout le monde en parle.
Loin de moi, tu cuvais ta bouderie.
J'ai tenté de mettre en mots un plan de désamorcement, mais en vain.
Tu as fait apparaître cet autre qui t'habite,
celui qui sort quand tu es blessé et colérique.
Je te parlais calmement, tu m'as taillardée avec la froideur du détachement feint.
Tu as voulu que je dise "pardon".
Je l'avais déjà fait
tu n'as tout simplement pas entendu.
Je rentre.
J'espère que tu m'attends.

Tu m'attendais. Tu t'es excusé.
Étendus dans le lit, face à face de tout notre long, nous avons discuté de ce qui venait de nous ébranler. Parce que parfois ça arrive, il faut s'outiller de communication, savoir revenir sur le moment culminant, pouvoir l'expliquer avec des mots. Tu m'as dit "j'étais en colère, en colère contre moi". Je t'ai dis: "J'ai eu mal". J'ai repensé à toi venu me chercher samedi soir, parce que je travaillais jusqu'à 1 h du matin. Tu t'es installé sur la banquette arrière dans la voiture, à l'abri de la fraîche, emmitouflé dans une couverture, les jambes allongées sur le banc de devant renversé, avantage de la Fit, notre Jasmine. Tu écoutais God Speed You Black Emperor avec ta tuque en polar, achetée à un concert de la St-Jean au Spectrum, création des Loco Locass en forme de fleur de lys, calée sur ta tête de garçon endormi. Derrière la buée de la vitre, tu étais beau. Comme hier soir, face à face de tout notre long. Je me suis tournée et tu m'as collée serrée. Osmose et trou noir, finalement, c'est le battement de l'univers.

9.15.2006

labeur et réjouissance

Ça y est. Mes premières cannes sont alignées sur mon comptoir. Tranquillement, elles refroidissent. Demain, je les rangerai dans les armoires. Dix pots, quatre heures de travail, aucune brûlure. Ce sont des choses qui peuvent arriver. L'année dernière, une éclaboussure m'a fait agonir à l'étape cruciale de l'écoulement des tomates vers le ventre du pot au moyen d'un entonnoir. J'y ai appliqué de la pâte à dents, comme me l'a appris ma grand-mère quelques années plus tôt, quand, en douleur à cause d'un potage aux lentilles rouges bouillant qui avait giclé sur mon visage, je l'avais appelé en désespoir de cause. Des trucs de grand-mère, c'est infaillible. Aujourd'hui, je sais aussi que le miel enduit sur la peau rougie et blessée soulage. C'est mon Dictionnaire des remèdes naturels qui m'a refilé ce truc.

Ça y est. Ma bague de fiancée enserre mon doigt, l'annuaire de ma main gauche. C'est M. qui l'y a glissée il y a à peine une quarantaine de minutes. La préposée à la bijouterie a téléphoné à 19 h 45 pour lui annoncer que l'anneau était arrivé. Nous avons descendu St-Hubert main dans la main, sur un nuage. Les bars crados et les boutiques bourrées de rouleaux de tissus et de dentelles se succèdent bizarrement sur cette artère multiculturelle où les rythmes latins côtoient les battements africains. Quelques restaurants accueillent quelques clients et nous voilà au coin de Jean-Talon en moins de deux. Nous sommes revenus avec ce changement entre nous. Je porte le symbole. M. se réjouit de sa brillance. Il est poli, discret et superbe. Nous avons tournoyé sous les néons. Notre danse de fiancés.

coq-à-l'âme

Je l'avoue. Nous avons écouté hier soir la première émission d'Occupation double à TVA. Pas au complet, mais nous avons quand même passé le cap de la première heure. Honnêtement, M. et moi n'avions aucune idée du concept de cette version de la télé-réalité. L'amour in progress pour tous les Québécois curieux d'observer le cours de développements à prime abord imprévisibles. Mais là, grâce à des maîtres de casting, il est possible de suivre aux détails près l'éclosion de la complicité, de palper le désir, de témoigner des ravages de l'attirance. Des beaux gars, des belles filles. Tous issus de familles propres, tous contribuant à la productivité de la société en poursuivant des études ou des carrières stimulantes. À quand la participante issue de St-Henri travaillant comme serveuse sexy et qui, pour s'en sortir, envoie sa canditature se faire analyser par un pannel dans l'espoir de se faire aimer pour la vie dans une maison de rêve? Jeunesse tonifiée par des produits de beauté et des séances de cardio évoluant avec ambition et assurance dans une société où tout est possible. C'est plus winner. Comprenez-moi bien, je suis jeune et tournée vers l'avenir. L'auto-destruction, très peu pour moi. Mes cellules ont besoin que je veille à leur régénération paisible. Pourtant, je vise le juste milieu. J'investis dans le développement de la créativité et de la curiosité qui me mène à ma liberté intérieure.
J'y réfléchissais, c'est tout.

Jour de congé. Enfin, un dodo insoumis au réveil-matin. Mes habitudes avaient été chamboulées.
Mercredi soir, M. et moi nous sommes mis au lit à 18 h 30 pour nous réveiller une heure trente plus tard, histoire de récupérer un peu de sommeil, parce que ce soir, nous allions assister à un spectacle. Après avoir fait une vaisselle absolument nécessaire, moi avec mon air bougon, lui avec ses yeux fripés, nous avons filé vers le Club Soda où nous attendait des turntablelists aux mix surprenants. M. a pris un certain temps avant de commencer à apprécier ces bribes de chansons intemporelles (par exemple American Woman version Lenny Kravitz, Bust the move de Young MC, quelques mesures de Led Zeppelin et Oye como va de Santana) morcelées et mixées avec des beats hip-hop entraînants et fluides.

C'est tout un art d'être DJ old school, but it's an acquired taste. Pour moi, le hip-hop n'a rien à voir avec le rap actuel. Le hip-hop, c'est une culture alliant les graffers, les breakdancers, les turntablelists et les MCs fidèles aux DJs guidant le flow. C'est aussi un mode de pensée smooth bien que revendicateur. Écoutez Joyful Rebellion de K-Os, un Canadien aux textes philosophiques. Le hip-hop, c'est un mouvement de guerriers pacifiques. Ce ne sont pas eux qui posent avec des femmes dénudées et écartées sur le capot d'une voiture, affublés de bling-bling. Un film me vient à l'idée pour vous illustrer le calme et la détermination des hip-hopers: Guost Dog: The Way of the Samurai de Jim Jarmush.
Je m'égare dans mes amours.

De retour à cette matinée, à celle d'aujourd'hui. Je vous écris en écoutant la radio. D'autres amours: CISM pour les artistes indépendants, obscurs et talentueux, Espace Musique pour le jazz et la musique du monde et la Première Chaîne pour les infos du matin. Présentement, je syntonise le 89,3 FM. Les émission se succèdent et la musique émergente, comme ils aiment la présenter, se déploie sur les ondes qui envahissent mon appartement endormi sous le ciel blanc sale.

Aujourd'hui, je canne mes tomates. Elles m'attendent dans la cuisine. Elles y ont poursuivi leur processus de mûrissement depuis lundi dernier. Deux bushels. Des heures à épépiner des légumes-fruits armée d'un petit couteau bien affilé. La radio m'accompagnera jusqu'à ce que M. revienne du boulot. Elle m'apprendra de nouveaux airs et m'en donnera certains devenus familiers. Elle m'instruira via des reportages et des suggestions des chroniqueurs et des présentateurs.

Puisqu'il faut bien le faire de temps en temps et que les sujets se multiplient, je tiens à vous dire que je vous sais ici, avec moi. J'en profite pour vous remercier de tous les plus beaux mots inventés sur la planète Terre. Je salue aussi tous mes lecteurs Martiens et Vénusiens. On ne sait jamais.

9.13.2006

tout près

Pendant que M. apprend les événements de cet après-midi en écoutant les témoignages et les reportages qui s'enchaînent sur l'écran, je me dis que parfois, le malheur frappe bien près. Je travaille à deux pas du Collège Dawson. Je passe à tous les matins dans le centre Alexis-Nihon pour ensuite filer sur Sainte-Catherine, direction boulot. Ce midi, je suis allée marcher avec ma mère. Nous avons atteint la rue Guy pour ensuite remonter vers Sherbrooke. Je voulais prendre la rue Maisonneuve, - rue où semble s'être amorcée la fusillade encore inexpliquée - mais ma mère a vu un homme promené un chien blessé sans doute par des combats à paris, et lança "je ne veux pas croiser d'autres êtres fuckés comme lui et de toute façon, la rue Sherbrooke, c'est plus beau", alors nous y sommes allées terminer notre marche.

De retour vers le bureau, nous avons vu un policier à moto arriver à toute allure sur Sainte-Catherine et bloquer la circulation tournant vers l'est à partir de Greene. "Eh bien...", que nous nous sommes dites, sans nous douter de la gravité des événements se déroulant à peine quelques centaines de mètres plus loin, derrière les édifices du Westmount Square.

Au onzième, des collègues ont parlé de fusillade. Puis d'autres sont revenus de la petite cuisine où se niche un petit téléviseur en annonçant au compte-gouttes le déroulement de la situation "live" si près de nous: ils sont deux à avoir ouvert le feu sur des étudiants du Collège. Et puis, ma soeur G., qui travaille aussi au onzième, m'appelle pour me dire qu'elle et Vé., mon amie et collègue, sont au Winners, qui a fermé ses portes parce qu'il y a eu un coup de feu. Elles sont en sécurité, il ne faut pas s'inquiéter. Pendant ce temps, deux autres collègues reviennent de l'extérieur et racontent comment elles ont été happées dans un courant de panique due à l'arrivée d'un tireur dans la Place Alexis-Nihon. Elles se sont réfugiés dans l'arrière-boutique du magasin Un Dollar, après avoir sauté par-dessus une barrière. Du cinéma, un véritable cauchemar.

Je vais avertir ma mère que G. est en sécurité, mais qu'elle est près de l'action, de la mauvaise action, de la réalité qui fait peur, qui fait une boule dans le plexus, qui scie, ma soeur. Ma mère me prend dans ses bras. Je vais bien, ça va. Je sais que G. est à l'abri. Je sais que ces gens - il semblerait qu'ils sont quatre maintenant - sont désespérés, désaxés. Ça ne pardonne en rien leur geste dont je ne connais pas encore les conséquences. Pourtant, les premiers bilans commencent à s'afficher sur l'écran du téléviseur. Sur une bande au bas, on lit qu'ils sont douze blessés. Il y aurait peut-être un des attaquants qui aurait été tué par les policiers et peut-être qu'un autre d'entre eux s'est enlevé la vie.

G. et Vé. arrivent. G. se dirige rapidement vers moi, les yeux pleins d'eau, elle est une fillette de quatre ans qui vient de voir un monstre sous son lit, immense le monstre, toute petite la fillette qui se blottit à moi fébrilement. Je l'enveloppe pendant que Vé. s'assoit sur une chaise, glacée, des larmes coulant de ses yeux bleus qui renvoient un regard vide, troublé. Elle décroche rapidement un combiné pour parler avec son amoureux. J'ouvre mes bras et le visage de G. s'anime soudain et elle nous raconte qu'elle était en train de regarder des manteaux quand un coup de feu a retentit tout près. Des gens se sont ameutés à l'intérieur et un commis a demandé ce qui se passait. G. lui aurait dit "fermez les portes" et les portes se sont fermées. Derrière, elle a retrouvé Vé. qui était là, tout près, elle aussi.

Vers 14 h 20, des sirènes hurlaient encore et la consigne des patrons du onzième indiquait que peut-être que nous ne pourrions pas partir comme prévu à 3 h 30, compte tenu de la situation. Selon les informations, un ou des tireurs pouvaient encore être embusqués non loin, tout près. Il fallait que le périmètre soit sécurisé. Quelqu'un a dit "ça ressemble au nine-eleven", date tout près d'aujourd'hui. Bien sûr, pour moi, ça ressemblait plus à un Columbine qui aurait dégénéré si une telle chose est possible. Un débordement des attaquants qui avaient sans doute prévu ébranler le Collège et non le quartier au complet. Une bavure, dans une situation extrême, ce n'est pas surprenant. Dans la tête des assaillants, ça devait courir à mille kilomètres à l'heure et une fois dispersés, ils ont dû réagir comme ils ont pu sous la pression. Chacun pour soi. Le hic, c'est qu'on est jamais seul. Même seuls avec nous-mêmes, il peut y avoir un ennemi. Le preuve, c'est le désastre d'aujourd'hui.

9.09.2006

pour la vie

Debout sur le tapis d'entrée dans l'étroit couloir de notre quatre et demi, nous nous sommes fiancés, à midi, un samedi.
M. m'avait annoncé mon cadeau d'anniversaire. Un cadeau à l'avance puisque je ne suis fêtée que dans deux semaines. Depuis quelques jours, il semait des indices dans mon esprit pour éveiller mon impatience. Avec succès bien sûr, il a réussi à titiller ma curiosité. C'est ainsi qu'au bout d'accolades accompagnées de "je t'aime et j'ai hâte à ton anniversaire" et d'affirmations du genre "je suis allé dans un endroit dans lequel même toi aurait hésité à t'aventurer" ou encore "ça me donne du fil à retordre toute cette histoire", j'ai accepté d'attendre par une matinée pluvieuse mon cadeau annoncé.

Au réveil, M. me dit qu'il sait enfin où se trouve l'objet convoité et que si tout va bien, il pourrait me l'offrir à son retour. Je lui dis que pendant son absence, je me rends au marché, faire quelques courses. Non, il insiste, je dois rester à la maison. Il n'en a que pour une petite demi-heure.

Je sors un peu pour aller à la Caisse, pour passer chez la nettoyeur et enfin, aller chercher de la nourriture pour Nougat le gros chat. De retour à l'appartement, je glisse un disque de jazz remixé à la sauce électro que je n'ai pas écouté depuis des mois et, une douzaine de mesures plus tard, j'entends ses pas dans l'escalier. Excitée, j'ouvre la porte. Bredouille, rien dans les mains, ni sac ni boîte. Il est sans cadeau. Interloquée et boudeuse je lui dis qu'il m'a fait des à croire, que c'est pas gentil. Il me dit qu'il a changé d'idée, qu'il me donnera mon cadeau le jour de mon anniversaire. En attendant, le cadeau est en sécurité chez F., notre voisin d'en bas super sympathique. Je boude. Nos fronts sont collés et je me dis qu'après tout, c'est vrai que c'est dans deux semaines mon anniversaire, mais je lui répète tout même pour la forme qu'il m'a fait des à croire, que ce n'est pas gentil, jouer comme ça avec les sentiments des gens.

Il recule et dit: "Veux-tu me fiancer?" et mes yeux s'embuent parce que c'est un moment de rêve qui devient ma réalité. Ma gorge se noue pendant qu'il sort de la poche de son jeans préféré un anneau de métal poli incrusté de diamants minuscules alignés et serrés. Il le glisse dans l'annuaire de ma main droite en me regardant dans les yeux. Je suis convaincue que c'est la bonne main, que l'anneau est chez lui, là où doit rester pour toujours maintenant. Je dis "oui" et j'enfouis mon visage dans son épaule qui est la mienne pour la vie. Je pleure et je ris pendant qu'il me serre avec une force calme et sûre. Nous nous avons pour un bout et voilà, on se le déclare, comme une lettre d'amour qui n'a pas de fin.

Nous faisons l'amour parce que c'est si bon de s'aimer et après, on se rend à la bijouterie pour me choisir une bague qui me sied mieux. Cette fois, c'est dans l'annuaire gauche que l'anneau d'essai est glissé. La préposée qui se rappelle du nom de M. ne cesse de répéter qu'elle n'a jamais entendu parler d'une déclaration aussi rapidement exécutée. Il y a à peine 45 minutes, il repartait avec l'objet qui me suivrait pour des décennies. D'ailleurs, le fil à retordre, c'était parce que ma petite peau "sensiblotte" est allergique au métal, y compris l'or, matériau hypo-allergène semble-t-il. Mon alliance est en acier inoxydable, vraiment hypo-allergène semble-t-il pour les cas comme les miens. Mais si vous préférez, il est en or blanc. Il aurait pu être en paille. C'est un symbole et un symbole, c'est un rappel et dans ce cas-ci, c'est le rappel de l'engagement qui me lie maintenant à M.

Nous sommes promis.

Menu de fiançailles, entre fiancés: mousseux, sandwiches aux tomates des champs avec gruyère pour moi, bacon pour lui, luzerne, oignons verts, servis sur galettes méditérranéennes de chez Première Moisson et bleuets enrobés de chocolat noir.
Déroulement de la journée: une tournée au marché pour choisir les denrées, oreille collée à l'appareil qui propage la bonne nouvelle, film philosophique et charmant (Kamataki pour les intéressés), marche dans un Vieux-Montréal endormi et amour, amour, amour. Comme toujours. Pour toujours.

9.08.2006

loup-garou

Ce soir, coupez-vous les cheveux, il paraît qu'ils pousseront plus vite. C'est la pleine Lune. Les femmes enceintes accouchent par dizaine dans la ville à l'heure où j'écris ces lignes. Les hormones brassées par un intra-raz-de-marée sans doute provoque un tel phénomène. L'homme est composé principalement d'eau, à l'image de la planète. Et la Lune nous joue des tours comme aux touristes du Rocher Percé qui n'ont pas lu l'horaire du bal des vagues affiché dans une cabane avant de s'aventurer sur les galets. Aujourd'hui, c'est le terreau idéal pour l'éclosion des folies, des envies. Certaines pleines lunes sont sexy et d'autres, tendues. Celle-ci, c'est la Harvest Moon. Une collègue me l'apprend lorsque nous nous extasions ce soir, du onzième étage, de la beauté de la Lune immense qui effleure presque l'horizon de sa teinte rosée. Celle-ci éclaire les fermiers qui récoltent au-delà du jour, c'est pour cela qu'elle porte ce nom. Il y a un nom pour chacune des pleines lunes de l'année. Je l'apprends par transmission de connaissances. Cette pleine Lune est éducative.

Sur mon chemin de retour vers la maison, où m'attend M. blotti dans les draps réchauffés de sa torpeur, un homme m'interpèle. Il tient ses bras en croix, étendus de chaque côté de son corps court et musclé. Son crâne est rasé, ses yeux sont pâles, sa peau est hâlée. Il a une coulée de morve, presque de l'eau, qui relie sa narine gauche à sa lèvre. Cet indice et son regard fou m'indiquent qu'il est dans un état "autre". Il parle rapidement. Il aligne les mots à la vitesse du son. Il murmure presque. Ses propos paranoïaques et déjantés tournent autour d'hommes dans un bar, de dans de karaté, d'instructeur s'exprimant en vietnamien, de femme capable de neutraliser n'importe qui par un seul coup, de policiers infiltrateurs. Il me voit, mais il n'adresse pas à moi. Il s'adresse à l'impossibilité de cesser ce flot de sonorités qui le terrasse. Il est sous l'emprise de la verbigération, typique chez une personne en proie à une manie, dans le sens psychiatrique du terme.

Je veux rentrer. Mais je veux aussi m'assurer qu'il tiendra le coup. Je ne peux rien faire pour lui. Une ambulance passera peut-être par là si quelqu'un d'inquiet signale la présence de l'homme. Je reprends ma marche, il me suit et continue son discours incohérent et affolé sur quelques mètres. Pour lui, je suis un poteau mouvant, une possiblité de canaliser son attention. Je lui demande: "Comment te sens-tu?" Il répond "bien", mot coincé dans une tempête de phrases qu'il ne peut pas stopper. Je dis: "Arrête de me suivre". Il continue de parler, mais arrête et retourne d'où il allait plus tôt.

Je demande à Dieu de l'aider et de le protéger, de le tranquilliser et de le mener à l'apaisement, pour sa santé. Je lève les yeux, la Lune est haute dans un ciel de charbon. Qu'il entende ma prière.

9.06.2006

improvisation sur un contretemps

Plan de la matinée: aller chercher des films à la Boîte Noire, rue St-Denis. Prendre l'autobus à 9 h 43 au coin des rues Jarry et St-Hubert. Avancer dans ma lecture de Gomme de Xanthane de Bertrand Laverdure pendant qu'un jeune homme pose des questions à un autre homme portant sur le chien qui est réfugié sur ses genoux. C'est un mâle qui s'appelle Émile, un Teckel au pelage moucheté, un chien saucisse. Super. Sortir au coin Mont-Royal. Grimper les escaliers menant au club répertoire. Faire le piquet pour cinq minutes. Ça ouvre à 10 h. Je doute maintenant. Je redescends. Pendant que je lis sur la porte vitrée tenue ouverte par un crochet métallique au bas que ça ouvre dans une heure, soit à 11 h, le mendiant-habitué aux cheveux longs, ondulés et gris, assis dans l'embrasure voisine, me dit qu'il avait tenté de m'avertir lorsqu'il m'a vue grimper, et que ça ouvre à 11 h, soit dans une heure. Oui, je sais maintenant. Merci beaucoup.

Dans ma bulle, vêtue d'un chandail trop léger pour ce vent frais matinal, je pense à ma gourmandise qui me mène chez Pinchot. Par Marianne, j'arriverai en toute quiétude à cet havre de bois et de pains. En chemin, je croise une jeune femme jolie comme une princesse du Kashmir. Encapuchonnée de fushia, elle avance sur le trottoir en chantant d'une voix cristalline et pleine de trémolos de pro. Peut-être se pratique-t-elle pour une audition à venir? Un peu plus loin, c'est au tour d'un homme qui saute à pieds joints sur une bouteille de plastique format 1.5 L qu'il vient de retirer d'un bac de recyclage pour l'écraser de retenir mon attention. Il s'immobilise au passage d'un poids lourd dans la rue. Je regarde l'homme à la bouteille qui observe l'homme dans le poids lourd qui me jette une oeillade. Passons.
J'aperçois des orchidées en pot et la tomate gigantesque peinte sur le mur de la Tomate. J'arrive à la porte moustiquaire de la boulangerie. Je commande un sandwich au végé-pâté maison avec moutarde au miel et plein de luzerne s'il vous plaît. Pendant mon attente, une femme me fait accomplir ma bonne action de la journée en demandant de l'aide pour ouvrir la porte afin qu'elle puisse hisser la poussette-tricycle transportant le joli blondinet sur lequel elle veille. D'autre chose? Oui, un muffin crème sûre, noix de grenoble et cassonade aussi. Merci.

Je trouve le titre du blog d'aujourd'hui en remontant Brébeuf. Je l'inscris sur une page lustrée du Nightlife cueilli à la Boîte. Je souffle sur l'encre pour qu'elle sèche. Un jet de salive se jette en tréma au-dessus de mon griboullis.

Je bifurque sur Mont-Royal. Le trottoir est encombré d'amoncellements de matières à recycler laissés là par les commerçants consciencieux. Pour passer le temps, je décide de me lancer à la recherche d'Emergency Ward de Nina Simone dans les bacs des vendeurs d'usagés. Après tout, je suis dans le coin idéal pour réussir une telle mission. Toutefois, je suis étonnée du peu de disques de cette chanteuse qui me tombe sous l'oeil. Il faut croire que les gens n'aiment pas s'en départir.
Par plaisir, je me plante devant la section "santé" à l'Échange. Je suis au lieu d'un ancien amour. Ici, j'ai déjà déniché quelques ouvrages stimulants: Végétarisme et non-violence, Les OGM et Les Aliments trafiqués. C'est ici aussi que j'ai mis la main sur un vieil exemplaire de Sans viande et sans regrets de Frances Moore Lappé, un classique dans le merveilleux monde du végétarisme.
Aujourd'hui, je repars avec une plaquette intitulée Lisez entre les lignes!, mieux lire et comprendre les étiquettes alimentaires. L'exemplaire, au coût de 5 $, est dans un état impeccable. Mint. Le chapitre 6 s'intitule Alimentation biologique et organismes génétiquement modifiés. Un bref survol me permet de juger que l'information est succincte, mais pertinente. Un nouvel outil à ma portée pour le prochain sceptique. Transmission des connaissances égale parfois à endiguement de l'ignorance.

Sur l'horloge de la bijouterie près du métro Mont-Royal, il est 11 h moins 5. Je grimpe à nouveau les escaliers du club répertoire. Cette fois, c'est la bonne.

9.02.2006

vino, spiritus sanctus

Hier soir, vendredi soir, premier d'un long week-end, envol d'un cours congé. M. et moi avions déjà planifié mangé une pizza de chez Tibet ce soir. Joie. Il arrive et nous décidons de l'itinéraire de la soirée après pourparlers. Nous enfourchons nos bécanes chargés d'une bouteille de vin que nous boirons plus tard avec S., son amoureux Mx et l'ami de Mx, Y., de bouteilles d'eau parce que, avouons-le, ivrogne ou non, sur un vélo, il faut boire de l'eau, et finalement, de deux coupes en plastique rigide pour notre pique-nique dans le parc.

Parce que nous pique-niquons 25 minutes plus tard dans un lieu rappelant New-York. Les haut-parleurs d'un système de son en plein air crachent une musique de gansta tandis que des jeunes Noirs et Latinos envahissent de toute leur énergie athlétique et rebelle un terrain de basketball grillagée. Tout autour, il y a des spectateurs vêtus de t-shirts trop grands pour eux, avec une tête rasée ou un afro, assis ou debout près des tables de pique-nique servant d'estrades improvisées, des filles moulées d'un jeans-gant aux cheveux luisants et à la taille fine, des thugs vendant des sachets d'herbe ou de poudre au milieu du lieu et des enfants pialliant dans les sables qui amortissent leur chute des tuyaux métalliques sur lesquels ils s'exercent en meute. Nous sommes au Centro Cultural Dominicano.

Assis à une table au fond du parc, nous sirotons notre Big House Red, acheté en chemin vers notre destination, tout en dégustant notre pizza Marguerita avec épinards. Il y a tant à observer. Nous sommes en voyage. Ailleurs chez nous. Ici, la testotérone est oxygène. Nous vibrons au rythme de salsas "rhymées" .

Une bouteille de vin plus tard, nous confirmons notre venue à S. à partir d'une cabine téléphonique qui a dû servir plus d'une fois à transiger de la drogue. Casqués, nous filons sur la piste cycable direction sud. Bizarrement, l'alcool fait effet en mélangeant ivresse et acuité. Nous sommes des hors-la-loi.

À peine nos vélos compactés déposés dans le bureau de S. et Mx, Y. fait son entrée. Il débarque de Trois-Rivières où il étudie l'ébénisterie et où il aime une maman d'une fillette de quatre ans. S. et Mx popotent un plat qu'ils ramènent du Cambodge à base d'aubergines et de porc ou de tofu. J'aide S. à couper les gourdes violacées, les tomates et l'ail. M. est assis, un sourire accroché aux lèvres pendant que Y. et Mx discutent dans la pièce d'à côté, heureux de se retrouver après des mois éloignés.

Nous buvons encore, trois autres bouteilles de vin rouge à cinq. Mx nous concocte des White Russians sans Vodka que nous sirotons avec appréciation sur trame de Brassens. Un peu plus tard, les garçons écoutent l'anthologie des Beasties Boys dans la cuisine après avoir soupé et décrété qu'un peu plus de curry dans le plat n'aurait pas fait de tort à l'ensemble. Pendant ce temps. S. et moi discutons du Bien et du Mal comme moteur de la Vie sur fond de Nina Simone chantant sa version de Strange Fruits.

Mx suggère de migrer vers Cheval Blanc et nous voilà reparti dans la ville pour déguster une bière noire brassée maison bien équilibrée. M. frappe son mur là-bas. Ses yeux sont ouverts, mais tout son corps crie au sommeil. Le groupuscule décide de retourner à l'appartement de S. et Mx. Nous sautons dans un taxi, à cinq. Le chauffeur, avec lequel je discute, nous apprend qu'il est père de jumelles âgées de dix mois. Arrivés, M. et moi récupérons nos bécanes que nous déplions sur le trottoir baigné de la lumière des réverbères. Ils guideront notre retour sur une piste déserte ou presque. Mx, S. et Y. partent de leur côté, vers l'est, rejoindre d'autres amis, poursuivre une soirée bien entamée.

À la maison, l'horloge indique un 2 h pile. Présentement, 12 heures plus tard, M. dort encore, affaibli par l'excès d'hier soir. Bacchus ne l'a pas épargné. De mon côté, tout baigne. Une tournée au marché, des plantes empotées, une vaisselle de lavée, du linge de lessivé, une soupe au pois de préparé, c'est une bonne journée. Et ce fut une belle soirée.

9.01.2006

miroir, miroir

Deux fois aujourd'hui j'ai témoigné de l'attrait qu'une personne peut avoir pour son propre reflet. Je m'explique. L'immeuble dans le lequel je besogne est desservi par quatre ascenseurs permettant aux fourmis de retrouver leur cubicule sans s'époumoner. Trois d'entre eux ont leurs parois incrustées de longs miroirs les traversant de toute leur hauteur. Les miroirs au nombre de deux se font face, si bien qu'un passager solitaire peut peut-être vérifier qu'un faux pli ne lui barre pas le cul (sans vulgarité aucune, appelons un chat, un chat).

Alors ce matin, un homme dans la trentaine me précède dans l'embarquement de l'engin coulissant. Une fois à l'intérieur, je me fais discrète, comme à mon habitude, en dirigeant mon regard vers le plancher de linoléum gris, histoire de me faire oublier. L'homme qui descend avant mon étage, se regarde dans un des miroirs, ajuste son collet, observe son faciès, remonte un peu son pantalon un coup parti. Et tout ça, comme s'il était devant sa vanité, peinard, à l'abri des regards. Mais l'ennui, c'est que je suis là. Discrète, mais là putain de merde. Est-ce que j'ai le goût, moi, d'assister à sa scrutation extensive? Non. Va pour le coup d'oeil pour vérifier que l'ensemble ne jure pas trop ou qu'un pan de chemise ne sort pas du pantalon que l'on a oublié de fermer à l'éclair, mais un peu de tenu de l'orgueil lorsqu'on est en présence d'un autre s'il vous plaît.

Prise deux: en revenant de dîner, une femme saute dans l'engin à cordes pour se faire hisser un peu, histoire de se rendre à destination. Je suis là. Nous sommes seules. Seules avec les miroirs qui multiplient la femme en trois puisqu'elle décide de vérifier si une mèche n'a pas volé à son insu dans une position inconvenue et si son maquillage est impeccable et, un coup parti, si aucun objet non désiré n'est coincé dans une anfractuosité de sa dentition.
J'hallucine.
Va pour le repérage de bouffe aux aspects d'algues sur un sable blanc, mais putain de merde, je n'ai pas à assister à ce tête-à-tête imposé. Une salle d'eau, vous connaissez? Il y a là des miroirs, de l'intimité plus souvent qu'autrement et en plus, socialement, c'est vachement recommandé d'y parfaire son hygiène.

Le mythe de Narcisse, vous connaissez?